Réunion pré-synodale avec les jeunes © Vatican Media

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Jeunes: protéger les vocations oui, mais en dialoguant (traduction complète)

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Echange avec les jeunes de la réunion pré-synodale (4)

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« Protégez le développement des sœurs, mais protégez-le par la vie, grâce au dialogue avec cette vie qui ne cherche pas Dieu, qui est attachée seulement aux biens matériels. Qu’elles apprennent à avancer comme cela, mais ne les protégez pas comme des tomates d’hiver sous des serres, s’il vous plaît, non, non », a insisté le pape François devant des jeunes, le 19 mars 2018.
Le pape répondait à une question de Soeur Chaoying Teresina CHENG, religieuse de la Mère du Seigneur, de Daming-Hebei en Chine, à l’inauguration de la réunion de préparation du synode d’octobre 2018, au Collège pontifical Maria Mater Ecclesia, à Rome. Quelque 300 jeunes du monde entier participaient à la rencontre.
S’il faut « protéger (les religieuses) du monde », cela ne doit pas se faire au détriment des « potentialités affectives, potentialités intellectuelles, potentialités communicatives » : « Cela n’est pas de la protection, c’est l’anéantissement ; je me permet un mot psychiatrique un peu fort : cela s’appelle « castrer » la personne. » En effet, « la véritable protection se fait dans la croissance. »
Le pape a souligné : « Je préfère qu’un jeune, qu’une jeune perde sa vocation plutôt que ce soit un religieux ou une religieuse malade qui fasse ensuite du mal » faute de maturité affective. Il a aussi évoqué les cas d’abus : « combien parmi eux ont été anéantis dans leur développement, dans leur liberté, dans leur éducation affective et ont fini comme cela … parce qu’elles n’ont pas été éduquées dans l’affectivité ».
Voici notre traduction de la question et de la réponse du pape.
HG

Question n. 5 Soeur Teresina Chaoying CHENG – Chine

Bonjour à tous, et aussi au Saint-Père !

Très cher Pape François, je suis sœur Teresina Cheng, chinoise. J’étudie les sciences religieuses à l’Université pontificale urbanienne, ayant son siège au collège Mater Ecclesiae de Castel Gandolfo. Je suis très honorée et heureuse d’avoir cette opportunité de vous rencontrer et de pouvoir vous demander conseil. La Chine, actuellement, fait des pas de géant dans le développement ; les gens poursuivent surtout la recherche de biens matériels tandis que les jeunes traversent une crise d’identité. Leur cœur est porté à la confrontation et à l’émulation des autres. Internet rend tout rapide et pratique. Ainsi, il devient difficile de résister aux propositions de la société sécularisée et les jeunes suivent le courant. La formation culturelle des sœurs est généralement basse et seule leur spiritualité est en mesure d’interagir avec les jeunes et de les attirer. Les résultats souvent ne sont pas très évidents. Face à cette situation, Saint-Père, je voudrais vous demander : nous, jeunes sœurs, comment pouvons nous équilibrer la culture dominante de la société et la vie spirituelle pour réaliser la mission ? Merci.

Pape François :

[la sœur lui a donné une écharpe rouge] De pape, elle m’a refait cardinal ! [ils rient] Elle a dit que c’est quelque chose qu’ils font eux-mêmes, que l’écharpe donne de la chaleur et que le rouge est la couleur de la joie, en Chine ; elle espère que cela donnera chaleur et joie au pape. C’est beau ! Vous voyez, deux choses qui viennent « de la maison », deux choses qui font la relation entre la maman et le papa et l’enfant : donner de la chaleur et donner la joie. Ces Chinois savent où sont les racines ! Merci.

Ta question était plus longue, je l’ai lue hier. Tu parles de la formation ; je crois que c’est important ce que tu dis. Avant tout, ce que tu dis de l’entrée dans la Congrégation. C’est vrai, il y a un premier temps de vie spirituelle pour bien comprendre la dimension spirituelle ; mais ensuite, on ne peut pas avancer ainsi sans une formation de type humain, intellectuel… Mais je dirais, la vraie formation religieuse dans la vie consacrée – cela pour les congrégations qui ont des jeunes, et de même pour les prêtres – doit avoir quatre piliers : formation à la vie spirituelle, formation à la vie intellectuelle – ils doivent étudier – , formation à la vie communautaire – ils doivent apprendre à résoudre les problèmes communautaires et à vivre ensemble communautairement – et formation à la vie apostolique – ils doivent apprendre à faire l’annonce évangélique. Et si, comme tu le disais ici, on développe seulement la vie spirituelle et qu’ensuite on t’envoie à faire l’école ou la catéchèse, psychologiquement, vous serez immatures. Et c’est un problème de cette mentalité. Pourquoi fait-on ainsi ? Pour protéger du monde. Mais protéger du monde « en taillant » les potentialités ? Potentialités affectives, potentialités intellectuelles, potentialités communicatives ? Cela n’est pas de la protection, c’est l’anéantissement ; je me permet un mot psychiatrique un peu fort : cela s’appelle « castrer » la personne. La véritable protection se fait dans la croissance. Une maman qui hyper-protège son enfant, l’anéantit, ne le laisse pas grandir, ne le laisse pas être libre. Et ainsi nous trouvons dans la vie, beaucoup, beaucoup de vieux garçons et de vieilles filles qui n’ont pas su trouver une vie d’amour, de mariage, parce qu’ils avaient été contraints à la dépendance maternelle ou n’avaient pas la liberté de choisir. Mais c’est un danger, ils peuvent perdre leur vocation ! Je préfère qu’un jeune, qu’une jeune perde sa vocation plutôt que ce soit un religieux ou une religieuse malade qui fasse ensuite du mal. Ou quand nous lisons – il faut parler clairement – quand nous lisons des cas d’abus : combien parmi eux ont été anéantis dans leur développement, dans leur liberté, dans leur éducation affective et ont fini comme cela ? Je ne sais pas, chacun a sa propre histoire, mais nous pouvons penser à des personnes qui finissent comme cela parce qu’elles n’ont pas été éduquées dans l’affectivité. C’est pourquoi, je dirais, quand tu seras supérieure générale, ou quelque chose comme cela [il rit, ils rient], cherche à changer cette mentalité. L’éducation spirituelle, intellectuelle, communautaire et apostolique. Mais dès le commencement. Selon les doses de chaque étape, mais n’en négliger aucune. C’est très important, très important. Et ce qui est valide pour les prêtres et pour les sœurs est valide aussi pour les laïcs. La majorité d’entre vous, vous vous marierez, vous aurez des enfants, mais s’il vous plaît, éduquez-les bien, comme cela, avec toutes ces potentialités. Ne pas anéantir. Ne pas hyper-protéger : c’est mauvais, c’est très mauvais et on devient psychologiquement immature.

Et puis, il y a autre chose… en Chine par exemple : « ce qui rend difficile le développement du germe de la vocation présent chez les jeunes est le fait qu’ils sont immergés dans un environnement où la confrontation avec les autres pousse à entreprendre une course vers l’obtention de biens matériels toujours plus grands ». C’est vrai. Pensons à la rencontre de Jésus avec le riche, avec ce jeune homme riche. L’Évangile dit que Jésus l’aima. Il avait une vie parfaite, mais il était tellement attaché à son argent, tellement attaché à son argent. Et cela fait du mal. Et quand – un prêtre et une sœur ont parlé, alors je profite de l’occasion – quand un prêtre ou une sœur est attaché à l’argent, c’est le pire. N’oubliez pas que le diable entre par les poches. Toujours. C’est la première marche. Ensuite la vanité, et puis l’orgueil, tu te crois tout, et de là tous les péchés. Je me souviens – pour vous faire rire – d’une économe d’une congrégation, une femme forte, âgée, une Allemande, en Argentine, fille d’Allemands, de la migration allemande ; elle avait 70 ans mais elle était en forme ! Elle dirigeait un collège énorme… Elle était très attachée à l’argent, non pas pour elle, pour l’Institut, mais l’argent était la chose principale ; pauvre femme, elle était bonne mais elle n’avait pas été éduquée en cela. Et un jour au café, à la pause avec les professeurs, elle s’est évanouie. Tout le monde disait : « ma sœur, ma sœur, ma sœur ! » et elle ne réagissait pas. Et un professeur a dit : « Quelqu’un a-t-il un billet de 100 ? Passons-le sur son nez, peut-être réagira-t-elle ». C’est le commentaire des gens quand ils voient un prêtre ou une sœur attaché à l’argent. S’il vous plaît, il vaut mieux avoir faim et ne pas être attaché à l’argent.

« À ce point, Saint-Père – tu avais écrit une longue question initiale – je voudrais vous poser la question suivante : face à des cultures qui ne laissent pas de place à Dieu, à la société qui adore la suprématie de la matière, nous, les jeunes sœurs, comment pouvons-nous équilibrer notre formation culturelle et notre vie spirituelle ? » S’il vous plaît, protégez le développement des sœurs, mais protégez-le par la vie, à travers le dialogue avec cette vie qui ne cherche pas Dieu, qui est attachée seulement aux biens matériels. Qu’elles apprennent à avancer comme cela, mais ne les protégez pas comme des tomates d’hiver sous des serres, s’il vous plaît, non, non. Parce quand viendra l’été et qu’elles sortiront d’ici, elles ne serviront pas, elles n’auront pas de goût. C’est bien de les protéger, avec les risques de l’environnement, mais il faut bien les protéger. Protéger, c’est accompagner, enseigner, aider et surtout aimer. C’est le principal.
Je crois que c’est suffisant pour la Chine. Merci.

Et merci pour l’écharpe !

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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