Audience générale du 14 fév. 2018 © Vatican Media

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Collège pontifical maronite : appelés à se sentir "frères de tous"

Le pape exhorte la communauté libanaise à lutter contre le carriérisme

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Le Liban a « une vocation spéciale de paix à accomplir dans le monde » a déclaré le pape François à la communauté du Collège pontifical maronite à Rome. « Parmi les fils de votre terre, de manière particulière, vous serez appelés à servir tout le monde comme des frères, avant tout en vous sentant frères de tous ».

Le pape François a reçu en audience la communauté du Collège pontifical maronite à Rome, ce vendredi 16 février 2018, à l’occasion du dixième anniversaire de l’approbation des nouveaux Statuts du Collège.

Durant cette rencontre, le pape a aussi exhorté les prêtres et futurs prêtres de la communauté maronite à se préparer à être des pasteurs en repoussant les «  tentations du carriérisme, du pouvoir et du cléricalisme » : « Ces années sont l’occasion de se faire des anticorps contre la mondanité et la médiocrité », a-t-il dit, rappelant que ce qui est reçu à Rome est « un trésor destiné aux fidèles qui vous attendent dans vos Éparchies et auxquels votre vie attend d’être donnée ».

Voici notre traduction du discours du pape.

HG

Discours du pape François

Excellence, chers frères,

Je vous salue affectueusement, je suis content de vous accueillir. Cette année, c’est le dixième anniversaire de l’approbation des nouveaux Statuts de votre Collège. C’est l’occasion, outre de nous rencontrer, de faire aussi mémoire de votre histoire et d’approfondir vos racines. En réalité, ce temps même que vous passez à Rome est un temps pour fortifier vos racines. Je pense aux racines présentes au nom même de votre Église, qui nous renvoie à saint Maron – vous l’avez célébré il y a quelques jours – et avec lui au monachisme, à cette forme de vie qui ne se contente pas d’une foi modérée et discrète, mais qui ressent le besoin d’aller au-delà, d’aimer de tout son cœur. Des vies pauvres aux yeux du monde, mais précieuses pour Dieu et pour les autres. C’est en puisant à ces sources pures que votre ministère sera une bonne eau pour les assoiffés d’aujourd’hui. Notre cœur, comme une boussole, cherche où s’orienter et se dirige vers ce qu’il aime ; « où est ton trésor, là sera aussi ton cœur » (Mt 6,21), dit Jésus. Pendant ces années, aidés par la formation spirituelle, par l’étude et par la vie communautaire, vous avez la grâce de bien ajuster votre cœur pour qu’il trouve l’élan de vos grands Pères et Mères dans la foi.

Mais il y a le risque, aujourd’hui, de se laisser absorber par la culture du provisoire et de l’apparence. Ces années sont l’occasion de se faire des anticorps contre la mondanité et la médiocrité. Ce sont des années d’exercice dans le « gymnase romain » où, avec l’aide de Dieu et de ceux qui vous accompagnent sur ce chemin, vous pouvez consolider vos fondements : avant tout ceux d’une indispensable discipline spirituelle qui est fondée sur les piliers de la prière et du travail intérieur. Une prière liturgique et personnelle à laquelle les beaux rites ne suffisent pas, mais qui porte la vie devant le Seigneur et le Seigneur dans la vie. Un travail intérieur patient qui, ouvert à la confrontation, aidé par l’étude et éprouvé par l’effort, opère un discernement qui reconnaisse les tentations et démasque les faussetés, pour vivre le ministère dans la plus grande liberté, sans duplicité, sans raffinements.

L’enrichissement humain, intellectuel et spirituel que vous recevez pendant ces années n’est pas un prix pour vous, encore moins un bien à faire fructifier pour sa carrière, mais un trésor destiné aux fidèles qui vous attendent dans vos Éparchies et auxquels votre vie attend d’être donnée. Parce que vous ne serez pas appelés à exercez une charge, même si c’est bien – cela ne suffit pas ! – mais à vivre une mission, sans vous ménager, sans tous ces calculs, sans limites à la disponibilité. Vous aurez vous-mêmes besoin de beaucoup écouter les gens : En effet, Dieu vous confirmera aussi à travers leurs vies, à travers de nombreuses rencontres, à travers ses surprises imprévisibles. Et vous, comme pasteurs en lien étroit avec le troupeau, vous goûterez la joie la plus authentique quand vous vous pencherez sur eux, faisant vôtres leurs joies et leurs souffrances et quand, à la fin de la journée, vous pourrez raconter au Seigneur l’amour que vous aurez reçu et donné.

Vous êtes appelés à vivre tout cela dans un temps non dénué de souffrances et de dangers, mais aussi lourd d’espérances. Le peuple qui vous sera confié, désorienté par l’instabilité qui malheureusement continue de se répercuter sur le Moyen Orient, cherchera en vous des pasteurs qui le consolent : des pasteurs avec la Parole de Jésus sur les lèvres, les mains prêtes à essuyer les larmes et à caresser des visages souffrants ; des pasteurs oublieux d’eux-mêmes et de leurs intérêts personnels ; des pasteurs qui ne se découragent jamais parce qu’ils tirent chaque jour du pain eucharistique la douce force de l’amour qui rassasie ; des pasteurs qui n’ont pas peur de « se faire manger » par les gens, comme de bons pains offerts à leurs frères.

Devant les multiples nécessités qui vous attendent, la tentation d’agir à la manière du monde peut venir, recherchant celui qui est fort plutôt que celui qui est faible, regardant celui qui a davantage de moyens plutôt que celui qui en est privé. Mais quand arrive cette tentation, il faut revenir aussitôt aux racines, à Jésus qui refusa le succès, la gloire et l’argent parce que l’unique trésor qui orientait sa vie était la volonté de son Père : annoncer le salut pour tous les peuples, proclamer par sa vie la miséricorde de Dieu. Cela change l’histoire. Et tout commence en ne perdant pas de vue Jésus, en le regardant comme l’ont regardé saint Maron, saint Charbel, sainte Rafqa et beaucoup d’autres parmi vos « héros de la sainteté ». Ce sont eux les modèles à imiter pour repousser les tentations du carriérisme, du pouvoir et du cléricalisme. Le cours qui honore la vie chrétienne n’est pas l’ascèse vers les prix et les sécurités payantes du monde mais l’humble descente du service. C’est la route de Jésus, il n’y en a pas d’autre.

Je voudrais encore partager avec vous deux désirs, en pensant à votre précieux ministère. Le premier : la paix. Aujourd’hui la fraternité et l’intégration représentent des défis urgents, que l’on ne peut plus renvoyer à plus tard et, à ce propos, le Liban n’a pas seulement quelque chose à dire mais une vocation spéciale de paix à accomplir dans le monde. Parmi les fils de votre terre, de manière particulière, vous serez appelés à servir tout le monde comme des frères, avant tout en vous sentant frères de tous.  Aidez-vous de vos connaissances, mettez tout en œuvre pour que le Liban puisse toujours correspondre « à sa vocation d’être lumière pour les peuples de la région et signe de la paix qui vient de Dieu » (Jean-Paul II, Exh. ap. postsyn. Une espérance nouvelle pour le Liban, 125).

Mon second désir concerne les jeunes. En tant qu’Église, nous voulons qu’ils nous tiennent de plus en plus à cœur, nous voulons les accompagner avec confiance et patience, en leur consacrant du temps et de l’écoute. Les jeunes sont la promesse de l’avenir, l’investissement le plus sérieux pour votre ministère. En les rencontrant, le pape Benoît avait dit : « Jeunes du Liban, soyez accueillants et ouverts, comme le Christ vous le demande et comme votre pays vous l’enseigne » (Rencontre avec les jeunes, 15 septembre 2012). À vous la mission de les aider à ouvrir leur cœur au bien, pour qu’ils expérimentent la joie d’accueillir le Seigneur dans leur vie.

Chers frères, je vous remercie pour votre présence et, tout en vous confiant à la protection de Notre Dame du Liban et de vos grands saints, je vous donne ma bénédiction et je vous demande de vous souvenir de moi dans votre prière. Merci !

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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