Le pape François invite les religieux Mercédaires – ou Ordre de Notre-Dame-de-la-Merci – à redécouvrir « le premier amour de l’Ordre » et de leur « propre vocation pour les renouveler continuellement ». Il souhaite que cet événement « serve au renouvellement intérieur et à donner une impulsion au charisme reçu ».
Le pape a en effet envoyé un message au maître général de l’Ordre, à l’occasion du huitième centenaire de son approbation pontificale par le pape Grégoire IX et a évoqué les trois protagonistes de l’histoire des Mercédaires : saint Pierre Nolasque, la Vierge Marie et le Christ Rédempteur. L’ordre a été fondé en 1218 pour racheter les chrétiens esclaves des maures, en Espagne.
Marie est « maîtresse de consécration à Dieu et au peuple, dans la disponibilité et dans le service, dans l’humilité et dans la simplicité d’une vie cachée, complètement consacrée à Dieu, dans le silence et dans la prière », a dit le pape François.
Quant au Christ Rédempteur, a poursuivi le pape, il « nous regarde dans les yeux et nous aime, nous demandant de tout laisser pour le suivre. L’amour se perfectionne au feu du risque, dans la capacité à mettre toutes les cartes sur la table ».
Voici notre traduction du message adressé par le pape en espagnol.
HG
Message du pape François
Au très révérend père Frère Juan Carlos Saavedra Lucho, Maître général de l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie de-la-Merci
Cher Frère,
À l’approche de la date à laquelle l’Ordre des Mercédaires et tous ceux qui s’unissent à lui par des liens spirituels célèbrent le huitième centenaire de l’approbation pontificale de cet institut par le pape Grégoire IX, je désire m’unir à vous dans l’action de grâces envers le Seigneur pour tous les dons reçus pendant ce temps. Je désire vous exprimer ma proximité spirituelle, vous encourageant afin que cette circonstance serve au renouvellement intérieur et à donner une impulsion au charisme que vous avez reçu, en suivant le chemin spirituel que le Christ Rédempteur a tracé pour vous.
Le Seigneur se rend présent dans notre vie en nous montrant tout son amour et il nous encourage à lui rendre avec générosité, puisque c’est le premier commandement donné au saint peuple de Dieu : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt 6,5). Pour vous préparer à cette année jubilaire, vous avez voulu mettre en relief trois protagonistes de votre histoire qui peuvent signifier trois moments de réponse à l’amour de Dieu. Le premier est saint Pierre Nolasque, considéré comme le fondateur de la nouvelle communauté et le dépositaire du Charisme donné par Dieu. Dans cette vocation, il y a le cœur et le trésor de l’Ordre, puisque sa tradition comme la biographie de tous les religieux se fondent sur ce premier amour. Dans le riche patrimoine de la famille des Mercédaires, initié avec les fondateurs et enrichi par les membres de la communauté qui se sont succédé au cours des siècles, convergent toutes les grâces spirituelles et matérielles que vous avez reçues. Ce dépôt se fait l’expression d’une histoire d’amour qui s’enracine dans le passé, mais qui s’incarne surtout dans le présent et s’ouvre à l’avenir, dans les dons que l’Esprit continue de déverser aujourd’hui sur chacun de vous. On ne peut aimer ce que l’on ne connaît pas (cf. saint Augustin, La Trinité x, ii, 4), c’est pourquoi je vous encourage à approfondir ces fondements posés par le Christ et en dehors desquels on ne peut construire, en redécouvrant le premier amour de l’Ordre et de votre propre vocation pour les renouveler continuellement.
Le second protagoniste de ce triptyque est la Vierge sainte, Notre Dame-de-la-Merci ou, comme on l’appelle aussi, du Remède et de la Grâce dans nos nécessités pour lesquelles nous supplions Dieu et que nous confions à sa puissante intercession. Dans l’hébreu original, l’expression que nous traduisons par « tu aimeras le Seigneur de toute ton âme » a la signification de « jusqu’à la dernière goutte de notre sang ». C’est pourquoi l’exemple de Marie s’identifie à ce verset du “Shemà”. Elle se proclame “servante du Seigneur” et se met en chemin « avec empressement » (Lc 1, 38-39) pour apporter la bonne nouvelle du Royaume à sa cousine Élisabeth. C’est la réponse de Dieu à la clameur du peuple qui attend la libération (cf. Ex 3,7 et Lc 1,13). Elle est ainsi maîtresse de consécration à Dieu et au peuple, dans la disponibilité et dans le service, dans l’humilité et dans la simplicité d’une vie cachée, complètement consacrée à Dieu, dans le silence et dans la prière. C’est un engagement qui nous rappelle le sacrifice des anciens pères rédempteurs, qui s’offraient « en otages » en gage de la liberté des prisonniers. Je vous demande par conséquent que cette intention de lui appartenir complètement se reflète non seulement dans les œuvres apostoliques d’avant-garde mais aussi dans le travail quotidien et humble de chaque religieux, comme aussi dans les monastères contemplatifs qui, par le silence priant et dans le sacrifice caché, soutiennent maternellement la vie de l’Ordre et de l’Église.
Le troisième protagoniste qui complète le cadre de l’histoire de l’Institut est le Christ Rédempteur ; avec nous, nous effectuons un saut de qualité, puisque nous passons des disciples au Maître. Comme il l’a fait avec le jeune homme riche, Jésus nous interpelle par une question qui nous touche profondément : veux-tu être parfait ? (cf. Mt 19,21 ; 5,48). La connaissance théorique ne suffit pas, ni même une adhésion sincère aux préceptes de la Loi divine « depuis la jeunesse » (Mc 10, 20) ; Jésus, en effet, nous regarde dans les yeux et nous aime, nous demandant de tout laisser pour le suivre. L’amour se perfectionne au feu du risque, dans la capacité à mettre toutes les cartes sur la table et à viser fortement cette espérance qui ne déçoit pas. Toutefois, très souvent les décisions personnelles et communautaires qui nous pèsent le plus sont celles qui concernent nos petites, et parfois mondaines, sécurités. Nous sommes tous appelés à vivre la joie qui naît de la rencontre avec Jésus, pour vaincre notre égoïsme, sortir de nos commodités et oser rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile (cf. Evangelii gaudium, n.20). Nous pouvons répondre au Seigneur avec générosité quand nous faisons l’expérience que nous sommes aimés par Dieu malgré notre péché et notre inconsistance.
Chers frères et sœurs,
Le Seigneur Jésus vous montrera un beau chemin à parcourir avec un esprit renouvelé. Vous pourrez faire grandir le don reçu – au niveau personnel et communautaire – en le donnant et en vous donnant complètement, comme le grain de blé qui, s’il ne meurt pas, ne peut porter de fruit (cf. Jn 12,24). Je demande au Seigneur de vous donner la force d’abandonner ce qui vous lie et d’assumer sa croix de sorte que, laissant votre manteau et saisissant votre brancard (Mc 10,50 ; 2,1-12), vous puissiez le suivre sur le chemin et habiter sa maison pour toujours.
S’il vous plaît, je vous demande de ne pas cesser de prier pour moi. Que Jésus bénisse tous les membres de l’Ordre et de toute la famille mercédaire et que la Vierge Marie prenne soin de vous.
Fraternellement.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat