Reinhard Marx (born 21 September 1953) is a German cardinal of the Catholic Church and chairman of the German Bishops' Conference. He serves as the Archdiocese of Munich and Freising.

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Europe: réflexion du card. Marx sur l'identité chrétienne du continent

L’essentiel, c’est le sentiment d’appartenance

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« La véritable autonomisation des migrants est un pas décisif vers une intégration réussie. Il y a cependant plus dans l’idée de participation et d’inclusion. Ce qui est essentiel, c’est un sentiment d’appartenance, la conscience de faire partie d’une communauté. ». C’est ce qu’a affirmé le cardinal Marx au Palais des Nations, à Genève.

Le cardinal Reinhard Marx, président de la conférence épiscopale allemande, a prononcé un discours sur le thème : Participation et inclusion : l’engagement de l’Eglise catholique en faveur de l’intégration, ce jeudi 30 novembre 2017, au Palais des Nations à Genève. Il est intervenu dans le cadre de l’événement de haut niveau sur la migration et l’intégration, intitulé : « Contributions et bénéfices mutuels : intégrer les migrants dans les sociétés d’accueil ».

Rappelant quels sont les « prérequis pour une société inclusive », le cardinal a poursuivi en expliquant que « la « générosité ouverte » ne doit pas être interprétée « comme la négation de ses propres racines culturelles et religieuses : lorsque les Européens reçoivent des migrants d’autres parties du monde, il n’y a aucune raison de sous-estimer la forte empreinte que le christianisme a eu – et a encore – sur l’identité de notre continent ».

HG
Allocution du card. Marx

Excellences, Mesdames et Messieurs,

C’est avec grand plaisir que je m’adresse à cette réunion de distingués représentants. Je voudrais exprimer ma gratitude à la Mission permanente du Saint-Siège auprès de l’ONU à Genève, à la Mission permanente de l’Ordre de Malte, à la Commission internationale catholique pour les migrations (CICM) et à la Fondation Caritas in Veritate pour avoir organisé cet événement.

Puisque notre rencontre se déroule en marge du 108ème Conseil de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), je voudrais également adresser mes meilleures salutations et mes meilleurs vœux aux délégués et aux participants du Conseil de l’OIM.

I.

À notre époque, les chefs religieux et politiques ont la responsabilité accrue d’aborder les questions urgentes d’intégration. Lors de l’assemblée générale des Nations Unies en septembre 2016, les chefs d’État et de gouvernement ont promis de développer « des politiques nationales d’intégration […] en collaboration avec les organisations de la société civile concernées, y compris les organisations confessionnelles ». (1) En même temps, ils ont initié un important processus de consultation et de négociation qui vise à la réalisation de deux pactes mondiaux en 2018 : l’un sur les réfugiés, l’autre sur les migrations sûres, ordonnées et régulières.

Le sujet de l’intégration est au cœur de nombreuses questions qui seront traitées dans ce contexte. Je peux vous assurer que l’Église catholique est plus que désireuse de contribuer de manière significative à ces efforts, tant au niveau national que mondial.

Aussi controversées que puissent être nos discussions sur les politiques d’intégration les plus prometteuses, elles devraient être guidées par une idée claire de la participation et de l’inclusion.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Dans son message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2018, le pape François appelle « à un effort résolu pour s’assurer que tous les migrants et réfugiés – ainsi que les communautés qui les accueillent – sont habilités à réaliser leur potentiel en tant qu’êtres humains dans tous les domaines qui constituent l’humanité telle que voulue par le Créateur ». (2) C’est-à-dire que nous sommes appelés à promouvoir le développement de chaque personne, quel que soit son statut spécifique.

Une telle approche nécessite un profond changement de perception : les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés ne doivent pas être considérés comme des suppliants passifs qui demandent des faveurs. Au lieu de cela, nous devrions – le plus souvent – les considérer comme des personnes qui osent un nouveau départ, qui sont désireuses de faire progresser leur propre bien-être ainsi que celui de leurs familles et des communautés dans lesquelles ils vivent.

II.

La plupart des personnes s’entendent facilement sur les trois clés d’une intégration réussie : la langue, l’éducation et le travail. Mais nous devons faire plus que simplement payer des souscriptions pour des revendications générales non controversées. A en juger par la situation dans mon pays, j’ai l’impression qu’il existe dans l’ensemble un degré suffisant de bonne volonté.

Pourtant, lorsqu’il s’agit de prendre des mesures tangibles, il y a souvent encore trop d’obstacles et de barrières : les migrants sombrent dans la frustration ou même le désespoir parce qu’ils n’ont pas accès à des cours de langue et d’intégration (3) ou à des programmes d’enseignement supérieur, parce qu’ils sont confrontés à de graves difficultés avec la validation de leurs qualifications scolaires et professionnelles, parce qu’on ne leur donne pas une chance équitable sur le marché du travail.

Une source de problèmes dans ce domaine est la distinction entre ceux qui devraient rester plus longtemps et ceux qui devraient partir dans un avenir prévisible. Dans certains cas, cette distinction peut être justifiée. Mais chaque fois que cela est possible, nous devrions nous efforcer de la surmonter. Ceux qui rentrent chez eux après un certain temps peuvent utiliser les compétences et l’expérience acquises dans notre pays pour le bien de leurs sociétés.

De cette manière, les mesures qui visaient à l’origine à renforcer l’intégration dans notre pays peuvent également avoir un effet favorable sur le développement d’autres pays. Ce qui importe, c’est que chaque personne ait une réelle opportunité de progresser et d’utiliser ses compétences et ses aptitudes, qu’elle vive dans une société de façon temporaire ou permanente.

Ce n’est pas simplement une question de prudence mais aussi de principe. En nous engageant dans des activités significatives, nous utilisons nos capacités données par Dieu et participons même au travail de création. Comme l’a exprimé le pape Jean-Paul II dans son encyclique Laborem exercens : « L’homme, créé à l’image de Dieu, partage par son travail l’activité du Créateur » (3). L’enseignement social catholique nous rend ainsi sensibles à la dimension anthropologique plus large : si nous reconnaissons vraiment la dignité de chaque personne, nous ne pouvons pas les forcer à vivre dans la passivité et sans leurs familles.

III.

La véritable autonomisation des migrants est un pas décisif vers une intégration réussie. Il y a cependant plus dans l’idée de participation et d’inclusion. Ce qui est essentiel, c’est un sentiment d’appartenance, la conscience de faire partie d’une communauté. Tant parmi la population locale que parmi les migrants, une responsabilité partagée pour le bien commun doit évoluer. Un tel engagement conjoint doit aller au-delà de l’exigence fondamentale de respect de la loi. Il doit être guidé par la reconnaissance mutuelle et l’estime mutuelle. (4)

La société d’accueil peut certainement s’attendre à ce que les migrants respectent ses valeurs et apprécient son patrimoine – mais cela ne devrait pas être une voie à sens unique. De leur côté, les membres de la société d’accueil devraient plutôt recevoir les migrants avec une sincère appréciation. Dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium, le pape François caractérise une telle attitude comme « une ouverture généreuse qui, plutôt que de craindre la perte de l’identité locale, s’avérera capable de créer de nouvelles formes de synthèse culturelle ». (4) À cette fin, une volonté mutuelle de se connaître avec des perspectives, des expériences et des coutumes jusqu’ici inconnues est nécessaire.

Tout comme le succès des processus d’intégration est le fruit d’efforts bilatéraux, il y a aussi un élan réciproque dans l’échec de l’intégration. C’est-à-dire que, dans de nombreux cas, l’échec de l’intégration ne peut être uniquement attribué à un manque de volonté de la part des migrants. Au contraire, la société d’accueil doit également se demander si elle fait des efforts suffisants pour valoriser les étrangers – parfois en dépit des différences, parfois à cause d’elles.

Certes, une telle attitude d’ouverture généreuse ne doit pas être confondue avec la naïveté ou le relativisme. Le respect de la dignité de tout être humain, le droit à la vie et à l’intégrité physique, l’égalité des hommes et des femmes, la liberté de religion et la liberté d’expression sont des valeurs fondamentales qui ne sont pas à négocier mais qui sont un prérequis pour une société inclusive. La « générosité ouverte » ne doit pas non plus être interprétée comme la négation de ses propres racines culturelles et religieuses : lorsque les Européens reçoivent des migrants d’autres parties du monde, il n’y a aucune raison de sous-estimer la forte empreinte que le christianisme a eu – et a encore – sur l’identité de notre continent.

Cependant, il faut résister à la tendance de transformer des identités positives en identités négatives: parfois, le recours aux droits de l’homme ou au christianisme ou à d’autres éléments constitutifs de nos sociétés est simplement utilisé à mauvais escient comme un instrument d’exclusion. Cela se produit lorsque les valeurs que nous chérissons légitimement ne sont pas animées et inspirantes mais sont traitées comme des lignes de démarcation rigides : « C’est nous et c’est vous – et entre nous il y a un fossé insurmontable ». La séparation est généralement le symptôme d’une profonde incertitude sur sa propre identité et appartenance. Chaque fois que des tendances à la ségrégation surviennent, qu’elles soient mentales ou matérielles, « l’Église est appelée à être au service d’un dialogue difficile » (5), pour citer le pape François.

IV.

Le défi auquel nous sommes confrontés est, en fait, l’intégration au sens large. La participation et l’inclusion sont préoccupantes non seulement pour les immigrants nouvellement arrivés, mais aussi pour les citoyens et les résidents de longue date. Dans nos sociétés européennes, un nombre important de personnes ne se considèrent pas comme des membres estimés d’une communauté et ne se sentent pas capables de contribuer au bien commun.

C’est dans ce contexte que les évêques allemands ont clairement affirmé dans leurs lignes directrices l’engagement de l’Église envers les réfugiés : « L’Église défend les intérêts de toutes les personnes défavorisées. L’engagement de l’Église envers les nombreuses personnes marginalisées au sein de notre société doit être poursuivi avec une énergie non réduite ». (6) Les multiples activités de l’Église dans le domaine des migrations doivent être considérées comme faisant partie intégrante d’un engagement global pour le bien-être de la société. Nous devons nous opposer à toute tendance à opposer un groupe marginalisé à un autre.

Les personnes dans le besoin devraient avoir l’assurance que l’Église est à leurs côtés, indépendamment de leur origine et de leur contexte. Mais le défi est encore plus difficile : ceux qui se sentent menacés par la migration et ceux qui s’engagent dans un discours de séparation ne sont pas toujours et nécessairement ceux qui ont vraiment été laissés pour compte. Dans certains cas, nous pouvons déceler une attitude inquiétante chez les personnes établies et aisées : une tendance à défendre ses propres privilèges culturels et économiques au prix de préjugés nourris à l’égard des migrants et de la dénigration des personnes en quête de protection. Je pense qu’il n’est pas exagéré de percevoir dans un tel durcissement des cœurs les signes d’une sécheresse éthique et même spirituelle. Ce langage d’exclusion a toujours été – et est aussi aujourd’hui – dangereux pour un avenir commun de nos sociétés.

V.

Quand les sentiments d’une humanité partagée manquent, l’Église ne doit pas rester silencieuse. Comme le rappelle le pape François, notre engagement chrétien est motivé par une motivation spirituelle plus profonde : « Jésus-Christ attend toujours d’être reconnu dans les migrants et les réfugiés, dans les personnes déplacées et exilés, et à travers eux il nous appelle à partager nos ressources et, de temps à autre, à abandonner quelque chose de nos richesses acquises. » (7) Nous ne sommes pas seulement à la hauteur de cet appel par des mots, mais aussi à travers des actions concrètes.

Les nombreux chrétiens du monde entier qui se consacrent aux besoins des migrants et des réfugiés témoignent d’une « culture d’acceptation et de solidarité » vivante. En Allemagne, plus de 100 000 bénévoles catholiques et environ 6 000 employés d’organisations catholiques sont actifs dans ce domaine. L’engagement des initiatives de l’Église et des groupes de la société civile ne vise pas à remplacer les efforts du gouvernement. Mais de nombreuses fois, de telles activités à la base réussissent dans quelque chose qui ne peut pas être mandaté par la loi : elles créent des espaces de rencontre où les gens éprouvent une attention personnelle et de l’affection.

Une approche particulièrement intéressante à cet égard est le renforcement de la coopération interreligieuse pratique. En 2016, la conférence des évêques allemands a contribué au lancement d’un programme national qui encourage la coopération des communautés juives, chrétiennes et musulmanes. L’idée sous-jacente est que les membres des synagogues locales, des paroisses et des mosquées s’unissent pour aider les réfugiés et promouvoir l’intégration. Ces modèles de coopération (7) sont sans aucun doute confrontés à des défis et à des difficultés; mais ils valent tous les efforts.

VI.

L’expérience nous enseigne que la vraie solidarité exige de l’empathie : ceux qui n’ont jamais été forcés de quitter leur patrie sont appelés à voir le monde à travers les yeux de l’autre. Et un tel changement de perspective ne doit pas aboutir au fatalisme ou à l’indifférence, mais doit donner lieu à une volonté de promouvoir l’inclusion de ceux qui sont marginalisés. En tant que catholiques, nous appartenons à une Église de toutes les langues et de tous les peuples.

Nous sommes convaincus que la définition du bien commun d’une société donnée ne peut jamais être détachée du bien commun de toute la famille humaine (8). Pour promouvoir cet objectif – même dans les temps difficiles – la coopération internationale et les échanges internationaux sont plus nécessaires que jamais auparavant. Et en ce sens, en tant que chrétiens, nous voulons faire partie de la solution et non du problème.

Merci beaucoup pour votre attention.

1 Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 19 septembre 2016, New York Declaration for Refugees and Migrants, 39 2.

2 Message du pape François pour la 104ème Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2018. 3 Pope John Paul II, Laborem exercens, 25.

4 Pape François, Evangelii gaudium, 210.

5 Pape François, Evangelii gaudium, 74.

6 Conférence des évêques allemands, Lignes guide pour l’engagement envers les réfugiés de l’Église catholique allemande, p. 7.

7 Message du pape François pour la 101ème Journée mondiale des migrants et des réfugiés 2015.

8 Cf. pape Jean XIII, Pacem in terris.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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