Promouvoir la participation des laïcs, des jeunes, promouvoir la femme, créer des ponts entre les religions… sont tout autant de recommandations que le pape François a faites aux dix évêques du Bangladesh, qu’il a rencontrés le 1er décembre 2017, au deuxième jour de son voyage dans le pays.
Lors d’une rencontre dans la Maison des prêtres anciens, au sein de l’archevêché de Dacca, le pape a aussi salué « l’option pour les pauvres » de l’Eglise bangladaise : « La communauté catholique au Bangladesh peut être fière de son histoire de service des pauvres, surtout dans les endroits les plus reculés et dans les communautés tribales. » Il a exhorté à « répondre, avec générosité, à chacun personnellement ».
Au fil de son discours, le pape a invité à « montrer une proximité même plus grande envers les fidèles laïcs » : « Reconnaissez et valorisez les charismes des laïcs, hommes et femmes, et encouragez-les à mettre leurs dons au service de l’Église et de la société dans son ensemble. … Soyez attentif à leurs besoins spirituels et à leur constante éducation dans la foi. »
En vue du synode d’octobre 2018, il a évoqué aussi la participation des jeunes et la pastorale des vocations : « Le Bangladesh a été béni par des vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. Il est important de s’assurer que les candidats soient bien préparés à communiquer les richesses de la foi aux autres, en particulier à leurs contemporains. »
Le pape s’est également réjoui de « l’assistance des familles et, spécifiquement, l’engagement pour la promotion des femmes » : « Le peuple de cette nation est connu pour son amour de la famille, pour son sens de l’hospitalité, pour le respect qu’il montre envers les parents et les grands-parents, et pour le soin envers les personnes âgées, les malades et ceux qui sont le plus sans défense. »
Enfin, il a plaidé pour le dialogue interreligieux et œcuménique : « Prodiguez-vous sans cesse à construire des ponts et à promouvoir le dialogue » pour la « construction de la nation dans l’unité, dans la justice et dans la paix ». « Quand les chefs religieux se prononcent publiquement, d’une seule voix, contre la violence vêtue de religiosité et cherchent à remplacer la culture du conflit par la culture de la rencontre, ils puisent aux racines spirituelles les plus profondes de leurs diverses traditions. Ils rendent aussi un inestimable service pour l’avenir de leur pays et de notre monde en enseignant aux jeunes la voie de la justice », a-t-il affirmé.
AK
Discours du pape François
Éminence,
Chers frères dans l’Épiscopat,
Comme il est bon pour nous d’être ensemble ! Je remercie le Cardinal Patrick [D’Rozario] pour ses paroles d’introduction par lesquelles il a présenté les diverses activités spirituelles et pastorales de l’Église au Bangladesh. J’ai particulièrement apprécié sa référence au clairvoyant Plan Pastoral de 1985 qui a mis en lumière les principes évangéliques et les priorités qui ont guidé la vie et la mission de la communauté ecclésiale dans cette jeune nation. Mon expérience personnelle d’Aparecida, qui a lancé la mission continentale en Amérique du Sud, m’a convaincu de la fécondité de tels plans qui impliquent le peuple de Dieu tout entier dans un processus continuel de discernement et d’action.
J’aime aussi la durée de ce plan pastoral, parce que l’une des maladies des plans pastoraux est qu’ils meurent jeunes. Mais celui-ci est vivant depuis 1985 : bravo ! Félicitations ! On voit qu’il a été bien conçu, qu’il reflète la réalité du pays et les besoins pastoraux ; et qu’il reflète aussi la persévérance des évêques.
La réalité de la communion a été au cœur du Plan Pastoral et continue d’inspirer le zèle missionnaire qui caractérise l’Église au Bangladesh. Votre conduite épiscopale elle-même a traditionnellement été marquée par l’esprit de collégialité et de soutien mutuel. Et cela est grand ! Cet esprit d’affection collégiale est partagé par vos prêtres et, à travers eux, s’est propagé aux paroisses, aux communautés et aux formes multiples d’apostolat de vos Églises locales. Il trouve son expression dans le sérieux avec lequel, dans vos diocèses, vous vous dévouez aux visites pastorales et montrez un intérêt concret pour le bien de vos gens. Je vous demande de persévérer dans ce ministère de présence. Je veux souligner ce que cela veut dire: non pas seulement se montrer – on peut se montrer par la tv -; mais une présence comme celle de Dieu en nous, qui s’est fait proximité, qui s’est fait proximité dans l’Incarnation du Verbe, dans la condescendance, cette condescendance du Père qui a envoyé son Fils devenir l’un de nous. J’aime la façon dont vous avez forgé cette parole : “ministère de présence”. L’évêque est quelqu’un qui est présent, qui est proche et qui est prochain. Toujours. Je le répète : persévérer dans ce ministère de présence, qui seul peut nouer des liens de communion en vous unissant à vos prêtres, qui sont vos frères, fils et collaborateurs dans la vigne du Seigneur, et aux religieux et religieuses qui apportent une contribution si fondamentale à la vie catholique dans ce pays.
Je voudrais souligner quelques paroles sur les religieux. Nous avons l’habitude de dire: oui, il y a deux sortes de sanctification dans l’Eglise : la voie presbytérale et la voie laïque. Mais les sœurs, que sont-elles ? Laïques ? Non. S’il vous plaît, il faut faire grandir l’idée qu’il existe une troisième voie de sanctification : la voie de la vie consacrée. Qui n’est pas un adjectif : “c’est un laïc, une laïque consacrée”; c’est un substantif : “c’est un consacré, c’est une consacrée”. De la même façon que nous disons “c’est un laïc ou une laïque”, et “c’est un un prêtre”. C’est important.
En même temps, je vous demanderai de montrer une proximité même plus grande envers les fidèles laïcs. Il faut promouvoir leur participation effective à la vie de vos Églises particulières, également à travers les structures canoniques qui prévoient que leurs voix soient entendues et leurs expériences prises en considération. Reconnaissez et valorisez les charismes des laïcs, hommes et femmes, et encouragez-les à mettre leurs dons au service de l’Église et de la société dans son ensemble. Je pense ici aux nombreux catéchistes zélés de ce pays – les catéchistes sont les piliers de l’évangélisation ! – dont l’apostolat est essentiel à la croissance de la foi et à la formation chrétienne des nouvelles générations. Ils sont de vrais missionnaires et des guides de prière, surtout dans les endroits les plus reculés. Soyez attentif à leurs besoins spirituels et à leur constante éducation dans la foi. Mais aussi les laïcs qui nous aident et qui sont proches, les conseillers : les conseils pastoraux, les conseils dans les affaires économiques. Dans une réunion il y a six mois, j’ai entendu dire que peut-être un peu plus de la moitié des diocèses, la moitié ou un peu plus, a les deux conseils que le Droit canonique nous demande d’avoir : le conseil pastoral et celui des affaires économiques. Et l’autre moitié ? Cela n’est pas possible. Ce n’est pas seulement une loi, ce n’est pas seulement une aide, c’est un espace pour les laïcs.
Durant ces mois de préparation à la prochaine assemblée du Synode des Évêques, nous sommes tous invités à réfléchir sur la façon de rendre mieux participants nos jeunes de la joie, de la vérité et de la beauté de notre foi. Le Bangladesh a été béni par des vocations au sacerdoce – nous l’avons vu aujourd’hui ! – et à la vie religieuse. Il est important de s’assurer que les candidats soient bien préparés à communiquer les richesses de la foi aux autres, en particulier à leurs contemporains. Dans un esprit de communion qui unit les générations, aidez-les à prendre en main, avec joie et enthousiasme, le travail que d’autres ont commencé, sachant qu’eux-mêmes, un jour, seront appelés à le transmettre à leur tour. Cette attitude intérieure de réception de l’héritage, de le faire grandir et de le transmettre : c’est l’esprit apostolique d’un prêtre. Que les jeunes sachent que le monde ne commence pas avec eux, qu’ils doivent chercher les racines, qu’ils doivent chercher les racines historiques, religieuses… Faire grandir ces racines et transmettre les fruits. Enseignez aux jeunes à ne pas être déracinés : enseignez-leur à parler avec les plus âgés. Quand je suis entré ici [dans l’archevêché] il y avait les séminaristes… Je devais leur adresser deux questions, en passant, mais j’en ai formulé une seule, la première, la plus naturelle : “Jouez-vous au foot ?”. Tous : “Oui !”. La seconde était : “Allez-vous trouver les grands-parents, les prêtres âgés ? Ecouter les histoires de leur vie, de leur apostolat ?”. Les formateurs du séminaire doivent éduquer les jeunes séminaristes à écouter les vieux prêtres : là sont les racines, là est la sagesse de l’Eglise.
Une remarquable activité sociale de l’Église au Bangladesh vise l’assistance des familles et, spécifiquement, l’engagement pour la promotion des femmes. Le peuple de cette nation est connu pour son amour de la famille, pour son sens de l’hospitalité, pour le respect qu’il montre envers les parents et les grands-parents, et pour le soin envers les personnes âgées, les malades et ceux qui sont le plus sans défense. Ces valeurs sont confirmées et élevées par l’Évangile de Jésus Christ. Une expression spéciale de gratitude doit être rendue à tous ceux qui travaillent silencieusement pour soutenir les familles chrétiennes dans leur mission de rendre tous les jours témoignage à l’amour du Seigneur qui réconcilie et de faire connaître son pouvoir de rédemption. Comme Ecclesia in Asia l’a recommandé: «La famille n’est pas seulement l’objet du souci pastoral de l’Église; elle est aussi pour l’Église l’un des agents d’évangélisation les plus efficaces» (n. 46).
Un objectif significatif mentionné dans le Plan Pastoral – qui s’est vraiment révélé prophétique – est l’option pour les pauvres. La communauté catholique au Bangladesh peut être fière de son histoire de service des pauvres, surtout dans les endroits les plus reculés et dans les communautés tribales. Elle poursuit tous les jours ce service à travers ses apostolats éducatifs, ses hôpitaux, cliniques et centres de soins, et la variété de ses œuvres caritatives. Et pourtant, surtout à la lumière de la crise actuelle des réfugiés, nous voyons combien sont encore plus grands les besoins auxquels il faut faire face ! L’inspiration de vos œuvres d’assistance aux personnes dans le besoin doit toujours être la charité pastorale qui est prompte à reconnaître les blessures humaines et à répondre, avec générosité, à chacun personnellement. En travaillant à créer une “culture de la miséricorde” (cf. Misericordia et Misera, n. 20), vos Églises locales montrent leur option pour les pauvres, elles renforcent leur proclamation de l’infinie miséricorde du Père et contribuent largement au développement intégral de leur patrie.
Un moment important de ma visite pastorale au Bangladesh sera la réunion interreligieuse et œcuménique qui aura lieu immédiatement après notre rencontre. Votre nation est une nation où la diversité ethnique reflète la diversité des traditions religieuses. L’engagement de l’Église à promouvoir la compréhension interreligieuse par des séminaires et des programmes didactiques, comme aussi à travers des contacts et des invitations personnelles, contribue à répandre de la bonne volonté et de l’harmonie. Prodiguez-vous sans cesse à construire des ponts et à promouvoir le dialogue, car ces efforts non seulement facilitent la communication entre les divers groupes religieux, mais aussi parce qu’ils réveillent les énergies spirituelles nécessaires à l’œuvre de construction de la nation dans l’unité, dans la justice et dans la paix.
Quand les chefs religieux se prononcent publiquement, d’une seule voix, contre la violence vêtue de religiosité et cherchent à remplacer la culture du conflit par la culture de la rencontre, ils puisent aux racines spirituelles les plus profondes de leurs diverses traditions. Ils rendent aussi un inestimable service pour l’avenir de leur pays et de notre monde en enseignant aux jeunes la voie de la justice : « il faut accompagner et faire mûrir des générations qui répondent à la logique incendiaire du mal par la patiente recherche du bien» (Discours aux participants de la Conférence internationale pour la paix, Al-Azhar, Le Caire, 28 avril 2017).
Chers confrères Évêques, je rends grâce au Seigneur pour ces moments de conversation et de partage fraternel. Je suis aussi content que ce Voyage apostolique qui m’a conduit au Bangladesh m’ait permis de témoigner de la vitalité et de la ferveur missionnaire de l’Église dans cette nation. En présentant au Seigneur les joies et les difficultés de vos communautés locales, demandons ensemble une effusion renouvelée de l’Esprit Saint pour qu’il nous accorde « la force pour annoncer la nouveauté de l’Évangile avec audace – parresia – à voix haute, en tout temps et en tout lieu, même à contre-courant» (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 259). Puissent les prêtres, les religieux, les personnes consacrées ainsi que les fidèles laïcs confiés à votre soin pastoral, trouver une force toujours renouvelée dans leurs efforts pour être «des évangélisateurs qui annoncent la Bonne Nouvelle non seulement avec des paroles, mais surtout avec leur vie transfigurée par la présence de Dieu » (ibid.). À vous tous, avec grande affection, je vous donne ma Bénédiction apostolique. Je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.
© Librairie éditrice du Vatican et Anne Kurian pour les passages improvisés
Rencontre avec les évêques du Bangladesh © L'Osservatore Romano
Laïcs, jeunes, femmes, dialogue interreligieux: les recommandations du pape aux évêques du Bangladesh
Le pape salue le « service des pauvres » des catholiques