« Frères et sœurs, nous ne sommes pas seuls pour combattre le désespoir. Si Jésus a vaincu le monde, il est capable de vaincre en nous tout ce qui s’oppose au bien. Si Dieu est avec nous, personne ne nous volera cette vertu dont nous avons absolument besoin pour vivre. Personne ne nous volera l’espérance ». C’est ainsi que le pape François a conclu la catéchèse de ce jour sur le thème de l’espérance chrétienne et des ennemis de l’espérance. « Dieu nous a créés pour la joie et pour le bonheur, et non pour que nous nous complaisions dans des pensées mélancoliques » a-t-il affirmé en recommandant cette prière : « Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi, pécheur ! »
L’audience générale de ce mercredi matin 27 septembre s’est déroulée sur la Place Saint-Pierre où le pape a rencontré des groupes de pèlerins et de fidèles provenant de l’Italie et de toutes les parties du monde.
Évoquant Charles Péguy, le pape François a comparé aux migrants les « pauvres enfants » du « Portail du mystère de la seconde vertu » : « L’espérance est l’impulsion dans le cœur de ceux qui partent », a-t-il dit. « Et c’est aussi l’impulsion dans le cœur de ceux qui accueillent (…) L’espérance est l’impulsion pour “partager le voyage”, parce que le voyage se fait à deux ». « N’ayons pas peur de partager ce voyage ! (…) N’ayons pas peur de partager notre espérance ! » a-t-il exhorté.
Quant aux tentations contre l’espérance, telles le « démon de midi… l’acédie, qui érode la vie de l’intérieur jusqu’à ce qu’elle la laisse comme une enveloppe vide », le pape a encouragé à « garder son cœur ». Parfois, a-t-il fait observer, « avoir tout reçu de la vie est une malchance. Pensez à un jeune auquel n’a pas été enseignée la vertu de l’attente et de la patience, qui n’a pas jamais eu à transpirer, qui a brûlé les étapes et qui, à vingt ans, « sait déjà comment marche le monde » ; il a été destiné à la pire des condamnations : celle de ne plus rien désirer. C’est cela, la pire des condamnations. Fermer la porte aux désirs, aux rêves ».
Voici notre traduction de la catéchèse du pape en italien.
HG
Catéchèse du pape François (traduction intégrale)
Chers frères et sœurs, bonjour !
En cette période, nous parlons de l’espérance ; mais aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur les ennemis de l’espérance. Parce que l’espérance a ses ennemis : comme tout bien en ce monde, elle a ses ennemis.
Et il m’est venu à l’esprit le vieux mythe du vase de Pandore : l’ouverture du vase déclenche des tas de catastrophes dans l’histoire du monde. Mais peu nombreux sont ceux qui se souviennent de la dernière partie de l’histoire, qui ouvre une spirale de lumière : après que tous les maux soient sortis de l’embouchure du vase, un don minuscule semble prendre sa revanche face à tout le mal qui se répand. Pandore, la femme qui gardait le vase, l’aperçoit en dernier : les Grecs l’appellent ‘elpis’, qui veut dire espérance.
Ce mythe nous raconte pourquoi l’espérance est si importante pour l’humanité. Ce n’est pas vrai que « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », comme on dit. C’est plutôt le contraire : c’est l’espérance qui tient la vie debout, qui la protège, la garde et la fait grandir. Si les hommes n’avaient pas cultivé l’espérance, s’ils ne s’étaient pas tenus à cette vertu, ils ne seraient jamais sortis des cavernes et n’auraient pas laissé de trace dans l’histoire du monde. C’est ce qui peut exister de plus divin dans le cœur de l’homme.
Un poète français – Charles Péguy – nous a laissé des pages magnifiques sur l’espérance (cf. Le portail du mystère de la seconde vertu). Il dit poétiquement que Dieu ne s’étonne pas tellement de la foi des êtres humains, ni même de leur charité mais que ce qui le remplit vraiment d’étonnement et d’émotion, c’est l’espérance des gens : « Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se passe et qu’ils croient que demain ça ira mieux ». L’image du poète rappelle les visages de tant de personnes qui ont traversé ce monde – paysans, pauvres ouvriers, migrants à la recherche d’un avenir meilleur – qui ont lutté avec ténacité malgré l’amertume d’un quotidien difficile, rempli de bien des épreuves, mais animés par la confiance que leurs enfants auraient une vie plus juste et plus sereine. Ils luttaient pour leurs enfants, ils luttaient dans l’espérance.
L’espérance est l’impulsion dans le cœur de ceux qui partent en laissant leur maison, leur terre, parfois des proches et des parents – je pense aux migrants – pour chercher une vie meilleure, plus digne pour eux-mêmes et pour ceux qui leur sont chers. Et c’est aussi l’impulsion dans le cœur de ceux qui accueillent : le désir de se rencontrer, de se connaître, de dialoguer… L’espérance est l’impulsion pour « partager le voyage », parce que le voyage se fait à deux : ceux qui viennent sur notre terre et nous qui allons vers leur cœur pour les comprendre, pour comprendre leur culture, leur langue. C’est un voyage à deux, mais sans espérance ce voyage ne peut se faire. L’espérance est l’impulsion pour partager le voyage de la vie, comme nous le rappelle la campagne de la Caritas que nous inaugurons aujourd’hui. Frères, n’ayons pas peur de partager ce voyage ! N’ayons pas peur ! N’ayons pas peur de partager notre espérance !
L’espérance n’est pas une vertu pour les gens qui ont l’estomac plein. Voilà pourquoi, depuis toujours, les pauvres sont les premiers porteurs d’espérance. Et en ce sens, nous pouvons dire que les pauvres, et aussi les mendiants, sont les protagonistes de l’Histoire. Pour entrer dans le monde, Dieu a eu besoin d’eux : de Joseph et de Marie, des bergers de Bethléem. Dans la nuit du premier Noël, il y avait un monde qui dormait, tranquillement, dans toutes ses certitudes acquises. Mais les humbles préparaient en cachette la révolution de la bonté. Ils étaient pauvres de tout, certains se maintenaient à peine au-dessus du seuil de survie, mais ils étaient riches du bien le plus précieux qui existe au monde, à savoir l’envie de changement.
Parfois, avoir tout reçu de la vie est une malchance. Pensez à un jeune auquel n’a pas été enseignée la vertu de l’attente et de la patience, qui n’a pas jamais eu à transpirer, qui a brûlé les étapes et qui, à vingt ans, « sait déjà comment marche le monde » ; il a été destiné à la pire des condamnations : celle de ne plus rien désirer. C’est cela, la pire des condamnations. Fermer la porte aux désirs, aux rêves. Il semble être jeune mais en fait l’automne est déjà tombé sur son cœur. Ce sont les jeunes d’automne.
Avoir une âme vide est le pire obstacle à l’espérance. C’est un risque duquel personne ne peut se dire exclu ; parce qu’être tenté contre l’espérance peut arriver aussi quand on avance sur le chemin de la vie chrétienne. Les moines de l’Antiquité avaient dénoncé un des pires ennemis de la ferveur. Ils disaient ceci : ce « démon de midi » qui va saper une vie d’engagement, justement au moment où le soleil est au zénith. Cette tentation nous surprend quand nous nous y attendons le moins : les journées deviennent monotones et ennuyeuses, aucune valeur ne semble mériter que l’on se fatigue. Cette attitude s’appelle l’acédie, qui érode la vie de l’intérieur jusqu’à ce qu’elle la laisse comme une enveloppe vide.
Quand cela se produit, le chrétien sait que cette situation doit être combattue, jamais acceptée passivement. Dieu nous a créés pour la joie et pour le bonheur, et non pour que nous nous complaisions dans des pensées mélancoliques. Voilà pourquoi il est important de garder son cœur, en s’opposant aux tentations de malheur, qui ne viennent certainement pas de Dieu. Et là où nos forces pourraient apparaître fatiguées et où la bataille contre l’angoisse semble particulièrement dure, nous pouvons toujours recourir au nom de Jésus. Nous pouvons répéter cette simple prière dont nous trouvons la trace aussi dans les Évangiles et qui est devenue le pivot de nombreuses traditions spirituelles chrétiennes : « Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi, pécheur ! ». Une belle prière. « Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi, pécheur ! ». C’est une prière d’espérance, parce que je m’adresse à celui qui peut ouvrir grand les portes et résoudre le problème et me faire regarder l’horizon, l’horizon de l’espérance.
Frères et sœurs, nous ne sommes pas seuls pour combattre le désespoir. Si Jésus a vaincu le monde, il est capable de vaincre en nous tout ce qui s’oppose au bien. Si Dieu est avec nous, personne ne nous volera cette vertu dont nous avons absolument besoin pour vivre. Personne ne nous volera l’espérance. Avançons !
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Audience générale 27/09/2017 © L'Osservatore Romano
Catéchèse : le nom de Jésus pour combattre les pensées mélancoliques
« Personne ne nous volera l’espérance » (traduction intégrale)