« Alors que nous sommes capables du pire, nous sommes aussi capables du meilleur, de nous élever au-dessus de nous-mêmes, de choisir de nouveau ce qui est bon et de prendre un nouveau départ », a affirmé Mgr Gallagher à propos de la protection de l’environnement.
Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Relations avec les États et chef de la délégation du Saint-Siège, a prononcé un long discours à la soixante-douzième session de l’Assemblée générale des Nations Unies intitulée “Mettre l’accent sur les personnes : lutter pour la paix et pour une vie décente sur une planète durable”, le lundi 25 septembre 2017 dans la Salle des assemblées générales des Nations Unies.
« Mettre l’accent sur les personnes signifie non seulement les protéger contre les crimes odieux, mais aussi les placer en tête de tous les intérêts nationaux et géopolitiques et remplir tous les engagements politiques internationaux pris tout au long de l’histoire des Nations Unies », a déclaré d’emblée le représentant du Vatican qui a abordé un bon nombre de problèmes cruciaux actuels.
« Nous devons (…) nous garder d’avoir “les consciences apaisées” et de “nous sentir bien”, simplement parce que l’Agenda 2030 et d’autres accords internationaux importants ont été adoptés », a encore exhorté Mgr Gallagher.
Enfin, a-t-il averti, « sans une plus grande coopération internationale et régionale, en particulier parmi les États producteurs d’armes, pour contrôler et limiter strictement la production et le mouvement des armes, un monde exempt de guerres et de conflits violents restera certainement une illusion ».
Voici notre traduction du discours en anglais de Mgr Gallagher.
HG
Discours de Mgr Gallagher
Monsieur le Président,
Au nom de Sa Sainteté le pape François, je suis heureux de féliciter Votre Excellence pour votre élection en tant que Président de cette vénérable Assemblée et de vous remercier pour le choix du sujet de ce débat général : « Mettre l’accent sur les personnes : lutter pour la paix et pour une vie décente sur une planète durable ».
C’est un sujet pertinent pour le Saint-Siège. Le pape François ne se lasse jamais d’insister sur les personnes d’abord, surtout celles qui souffrent, celles qui sont exclues, marginalisées et laissées de côté. L’Église catholique exprime par ces mots ce que signifie se concentrer sur les personnes : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ » parce qu’ « il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » [1].
Mettre l’accent sur les personnes signifie non seulement les protéger contre les crimes odieux, mais aussi les placer en tête de tous les intérêts nationaux et géopolitiques et remplir tous les engagements politiques internationaux pris tout au long de l’histoire des Nations Unies qui se rapportent au développement social et économique, en commençant par ceux contenus dans la Charte des Nations Unies (Charte des Nations Unies, paragraphe 4 du préambule, article 1.3 et chapitre IX).
Monsieur le Président,
Toujours mettre les personnes en premier signifie d’abord protéger, à chaque étape et en toutes circonstances, la dignité de la personne ainsi que ses droits humains et ses libertés fondamentales et, de manière spécifique, les droits à la vie et à la liberté de religion desquels découlent tous les autres droits et qui sont donc le fondement commun des piliers de la paix et de la sécurité ainsi que du développement humain intégral. Ces deux droits de l’homme sont indivisibles des autres droits et libertés fondamentales relatifs à une vie spirituelle, matérielle et intellectuelle digne pour chaque citoyen et pour sa famille, entre autres le droit à l’alimentation, le droit à l’eau, le droit au logement, le droit à un environnement sûr et le droit au travail. [2]
Avec l’Agenda 2030 pour le développement durable et l’Accord de Paris sur les changements climatiques, la communauté internationale s’est engagée à prendre des mesures efficaces pour éradiquer les causes profondes de divers maux et indignités auxquels font face aujourd’hui de nombreuses personnes dans le monde. Quelque temps avant que cette Assemblée n’adopte l’Agenda 2030 pour le développement durable, le Pape François a défini l’Agenda comme un « signe important d’espoir ». [3]
L’une des raisons fondamentales de cet espoir est que les responsables mondiaux ont convenu « d’un plan d’action pour les personnes, la planète et la prospérité », « déterminés à mettre fin à la pauvreté et à la faim, sous toutes leurs formes et dimensions », et « à veiller à ce que tous les êtres humains puissent réaliser leur potentiel dans la dignité et l’égalité et dans un environnement sain ». [4] Leur volonté commune de « ne laisser personne en arrière » représente le cœur de cette focalisation sur les personnes.
En ce qui concerne les engagements politiques, le pape François a également averti cette Organisation et la communauté internationale de ne pas tomber dans ce qu’on pourrait appeler un “nominalisme déclarationniste”. Nous devons, pour cette raison, nous garder d’avoir les « consciences apaisées » et de « nous sentir bien », simplement parce que l’Agenda 2030 et d’autres accords internationaux importants ont été adoptés. Au contraire, nous ne devons pas nous reposer tant que les engagements juridiques n’ont pas été vraiment accomplis et que les promesses politiques ne se sont pas réalisées dans la vie des personnes. Cela nécessite un regard dur et honnête sur les principaux défis auxquels les peuples du monde sont confrontés aujourd’hui et seront confrontés demain. Dans cet esprit, un respect responsable de la Convention-cadre sur le climat et de son Accord de Paris, ainsi que la mise en œuvre de l’Agenda d’action d’Addis-Abeba et de l’Agenda de 2030 pourraient être un moyen de faire en sorte que tous les pays et organisations internationales travaillent ensemble pour la paix, en laissant de côté le jeu dangereux des échanges de menaces.
Dans cette perspective, le Saint-Siège considère la prochaine « réforme et l’ajustement du système de développement des Nations Unies » [5] comme une occasion supplémentaire de placer les personnes et leurs besoins au centre de notre action. En faisant cela, comme l’a rappelé le Pape François il y a deux ans, nous devons « leur permettre d’être de dignes acteurs de leur propre destinée » [6].
Monsieur le Président,
Les Églises chrétiennes, en particulier les Églises orthodoxes et catholiques, célèbrent ensemble le 1er septembre la Journée mondiale de prière pour le soin de la création, afin de sensibiliser le public à sa responsabilité partagée de s’occuper de notre foyer commun et de contribuer à inverser la dégradation de l’environnement. Pour marquer la Journée mondiale de prière cette année, le pape François et le patriarche œcuménique Bartholomée ont publié un message commun affirmant que : « La terre nous a été confiée comme un don et un héritage sublimes, desquels nous partageons la responsabilité… Notre dignité humaine et notre bien-être sont profondément liés à nos soins pour l’ensemble de la création ». [7]
Cet appel à une intendance responsable manifeste une urgence particulière devant la détérioration des conditions de notre maison commune et une vision du monde souvent purement utilitaire concernant les choses qui nous entourent. Tout dommage causé à l’environnement est un préjudice causé à l’humanité, aujourd’hui et demain. Ainsi, l’utilisation abusive et la destruction de l’environnement s’accompagnent également d’un processus implacable d’exclusion, car la détérioration de la planète affecte avant tout les nombreux milliards emprisonnés dans la pauvreté et dans des conditions de stress environnemental à travers le monde. Cette réalité dramatique de l’exclusion et de l’inégalité doit nous obliger à faire le point sur nos responsabilités communes et individuelles. L’appel pressant et le défi de s’occuper de la création invitent toute l’humanité à travailler sans hésiter vers un développement durable et intégral.
L’amélioration des conditions climatiques et de l’environnement naturel n’est possible que si l’on accepte la nécessité de changer la façon dont nous percevons le monde et si nous modifions notre façon d’être en relation avec celui-ci. Bien que notre maison commune tombe dans un état de sérieuse détérioration, nous pouvons inverser la tendance de la dégradation de l’environnement. En effet, comme l’a souligné le pape François dans son encyclique Laudato si’, alors que nous sommes capables du pire, nous sommes aussi capables du meilleur, de nous élever au-dessus de nous-mêmes, de choisir de nouveau ce qui est bon et de prendre un nouveau départ. [8]
Monsieur le Président,
Le devoir d’empêcher les guerres et les conflits violents est une composante essentielle de la responsabilité de protéger. Ainsi, le Saint-Siège apprécie l’accent explicite et fort du Secrétaire général sur la diplomatie préventive et il est d’accord avec son appréciation selon laquelle le « défaut le plus grave » de « l’ensemble de la communauté internationale est l’incapacité fréquente de prévenir les crises » [9]. La prévention exige, avant tout, de rétablir la foi dans la capacité de l’humanité à dialoguer. Un environnement de confiance est urgent. Tous les pays devraient prendre un recul décisif et urgent par rapport à l’escalade actuelle des préparatifs militaires. Les pays les plus importants et ceux qui ont une tradition plus forte de respect des droits de l’homme devraient être les premiers à accomplir des actions généreuses de pacification. Tous les moyens diplomatiques et politiques de la médiation devraient être engagés pour éviter le pire.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de rappeler l’appel du pape Pie XII à toutes les nations à la veille de la Seconde Guerre mondiale : « La voie de la justice est promue par la force de la raison et non par la force des armes … Le danger est imminent, mais il est encore temps… rien n’est perdu avec la paix. Avec la guerre, tout est perdu. Les gens peuvent se comprendre et reprendre les négociations. En négociant avec bonne volonté et en respectant les droits mutuels, ils se rendront compte que des négociations sincères et actives n’empêchent jamais un succès honorable. » [10]
Dans un tel contexte, je voudrais rappeler qu’une dizaine d’années se sont écoulées depuis le rassemblement historique des responsables mondiaux dans cette salle pour le Sommet mondial de 2005. En se concentrant sur les personnes, les chefs d’État et de gouvernement des membres de cette Organisation sont parvenus à un consensus sur la responsabilité de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité [11]. Il ne fait aucun doute qu’un consensus politique collectif est nécessaire, mais une réflexion sur les articles 2.7 et 39 de la Charte des Nations Unies est également nécessaire.
Le Saint-Siège soutient donc toutes les initiatives qui faciliteront le respect des obligations découlant de la responsabilité de la protection, mais il convient de rappeler une fois de plus à la communauté internationale que, sans un cadre juridique et un respect équitable de l’Etat de droit international, l’application du principe n’est pas possible.
La guerre au Yémen provoque une catastrophe humanitaire aux proportions apocalyptiques. La tragédie de la guerre en Syrie continue de s’aggraver tous les jours. Les joueurs impliqués devraient s’asseoir à la table des négociations de l’ONU avec la seule condition préalable de respecter le droit et les principes relatifs aux droits de l’homme et de permettre l’accès et l’assistance humanitaires. Dans le même temps, les États, en particulier ceux qui, à une certaine époque de l’histoire récente, ont été directement ou indirectement impliqués dans le conflit, doivent prendre tous les moyens pour atteindre un cessez-le-feu, un premier pas vers la paix.
Le Saint-Siège est particulièrement préoccupé par les divisions politiques et l’instabilité au Venezuela avec sa crise humanitaire. En outre, la communauté internationale doit aborder de manière adéquate les tensions politiques et diplomatiques complexes dans la péninsule arabique et la violence, ainsi que les diverses situations humanitaires au Moyen-Orient. Tous doivent s’efforcer de mettre fin à la violence et d’atteindre « une solution qui permette aux Palestiniens et aux Israéliens de vivre enfin en paix dans des frontières clairement établies et internationalement reconnues, mettant ainsi en œuvre la « solution des deux États ».
En outre, il est nécessaire de promouvoir une véritable sensibilisation publique à certaines situations de conflit en cours afin de parvenir à une solution négociée et pacifique, en particulier en Ukraine, au Soudan du Sud et en République centrafricaine, entre autres. [12] La violence continue et les tensions politiques intenses en République démocratique du Congo nécessitent un engagement urgent et efficace de toutes les parties pour trouver une solution à la crise constitutionnelle.
Dans le même ordre d’idées, comme l’a déclaré le pape François, il y a « un autre type de conflit qui n’est pas toujours aussi ouvert, mais il tue silencieusement des millions de personnes. Une autre sorte de guerre vécue par beaucoup de nos sociétés en lien avec le commerce des stupéfiants ». [13] Le commerce de la drogue a rejoint d’autres formes de corruption et a « pénétré à différents niveaux de la vie sociale, politique, militaire, artistique et religieuse et, dans de nombreux cas, a donné lieu à une structure parallèle qui menace la crédibilité de nos institutions ». [14]
Dans le même sens, le Saint-Siège est préoccupé par les défis de la lutte contre la corruption et le terrorisme et par la promotion d’une paix stable et d’un développement durable dans de nombreux pays du monde. Le Saint-Siège souhaite également souligner à nouveau que le terrorisme ne peut être contré que par des mesures plus cohésives et plus cohérentes au niveau international. Comme la terreur ne connaît pas de frontière, la communauté internationale doit agir dans son ensemble. [15]
Monsieur le Président,
La protection complète des personnes n’est possible qu’avec une paix durable. Cependant, la protection des populations civiles doit être assurée aussi pendant la guerre. Les conflits récents et gangrenés affaiblissent et révèlent en même temps les faiblesses de l’ordre international, provoquant des souffrances inexplicables, des déplacements massifs, des violations flagrantes des droits humains universels et des libertés fondamentales ainsi que l’extrême pauvreté. Il n’y a pas de pire crise créée par l’homme que les conflits violents. Ils forcent les gens à migrer ou à devenir des réfugiés. Ils engendrent des atrocités de masse et des crimes contre l’humanité. En effet, comme l’a déclaré le pape François à cette Assemblée, « la guerre est la négation de tous les droits » [16]. La situation lamentable des centaines de millions de migrants et de réfugiés fuyant les guerres, les persécutions, les catastrophes naturelles et l’extrême pauvreté, en particulier au Nigeria, au Myanmar, en Somalie et dans certains pays de la région subsaharienne, entre autres, sont une grande responsabilité pour tous sans exception.
Notre humanité commune nous pousse tous, comme l’a proposé le pape François, à accueillir, à protéger, à promouvoir et à intégrer ceux qui fuient des conditions défavorables. [17] Ces quatre actions sont basées sur la proposition selon laquelle les migrants, malgré de nombreux défis réels ou imaginés, sont un bien pour la société et sur le principe de solidarité avec ceux qui en ont besoin. En particulier, elles expriment notre responsabilité partagée envers les victimes du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité que la communauté internationale n’a pas empêchés ou arrêtés, en négligeant clairement les principes du droit international.
Le Saint-Siège travaillera vigoureusement à ce que ces quatre concepts soient entérinés et reflétés dans le futur Pacte mondial sur les migrations sûres, ordonnées et régulières, et le Pacte mondial pour les réfugiés. Le Saint-Siège estime que ces processus menés par l’ONU offrent une occasion unique de répondre ensemble aux défis grâce à la coopération internationale et à la responsabilité partagée. Le Saint-Siège exhorte la communauté internationale à surmonter l’impasse politique actuelle et à dépasser les sentiments négatifs auxquels nous sommes confrontés en ouvrant des voies sûres, ordonnées et régulières pour la migration. Pour atteindre les résultats souhaités, la contribution des communautés politiques, des sociétés civiles et de toutes les parties prenantes est indispensable, chacune en fonction de ses propres responsabilités.
Alors que certains migrants peuvent être motivés par le désir légitime d’améliorer une situation déjà acceptable, la plupart choisiraient probablement de ne pas migrer s’ils bénéficiaient de la paix et de la sécurité économique dans leur pays d’origine. C’est un droit humain fondamental de vivre dans son propre pays, mais ce droit n’est efficace que si les causes profondes qui forcent les gens à migrer – telles que les guerres et les conflits, les atrocités de masse et les persécutions, ainsi que les difficultés économiques et environnementales graves – trouvent des solutions adéquates. En effet, si les conditions essentielles de base sont remplies, les gens ne se sentiront pas forcés de quitter leur domicile, rendant la migration gérable et volontaire. Ainsi, l’accent mis sur la négociation des Pactes ne devrait pas se limiter à l’arrêt des migrants ou au confinement des réfugiés dans les camps, mais devrait répondre aux causes qui les privent de vivre avec dignité et qui les forcent à faire des trajets mortels. Cela devrait être notre objectif. Et cela devrait être un élément clé du Pacte mondial pour la migration.
Monsieur le Président,
Un autre grand défi pour la communauté internationale est le trafic de personnes. À la racine de cette forme d’esclavage et d’autres formes contemporaines, se trouvent les guerres et les conflits, l’extrême pauvreté, le sous-développement et l’exclusion, le manque d’éducation, le manque de possibilités d’emploi et les catastrophes environnementales. Mais nous devons reconnaître que, du côté de la demande de ce trafic criminel, il y a aussi un égoïsme grossier qui atteint des niveaux inimaginables d’irresponsabilité morale dans le cas du trafic d’enfants, d’organes, de tissus et d’embryons et dans ce qu’on appelle le tourisme de transplantation. Un tel commerce exorbitant est aggravé par la corruption de la part des agents publics et des personnes ordinaires prêtes à tout par appât du gain. En effet, les crises de la migration et des réfugiés entraînent une augmentation de la traite des personnes et d’autres formes contemporaines d’esclavage.
Le Saint-Siège et l’Église catholique se prononcent depuis longtemps contre le mal de la traite des personnes et par le travail dévoué de tant d’individus et d’institutions, ils ont cherché à lutter contre ses causes profondes, à soigner les victimes, à sensibiliser sur ce sujet et à travailler avec tout le monde pour essayer de l’éliminer. Le pape François appelle la traite des personnes une « blessure ouverte sur le corps de la société contemporaine » [18] et un « fléau atroce qui est présent dans le monde entier à grande échelle » [19].
Au cœur de ce mal, cependant, s’observe la perte totale de respect de la dignité humaine et l’indifférence absolue envers les souffrances des autres êtres humains. L’esclavage moderne se produit lorsque « les gens sont traités comme des objets », ce qui conduit à ce qu’ils soient « trompés, violés, souvent vendus et revendus à diverses fins, et à la fin tués ou laissés dévastés dans leur esprit et leur corps, pour être finalement simplement jetés ou abandonnés ». [20] Se centrer à nouveau sur les personnes, en mettant d’abord les personnes dans le travail global de cette Organisation, devrait sans hésiter soutenir la lutte contre la traite des personnes et d’autres formes contemporaines d’esclavage.
Le pape François appelle tout le monde, en particulier les autorités compétentes, à s’attaquer à un crime aussi odieux par des instruments juridiques efficaces, à punir ceux qui en profitent, à aider à la guérison et à la réintégration de leurs victimes et à éradiquer ses causes profondes. Notre réponse doit être adaptée à ce grand mal de notre temps.
Monsieur le Président,
Le monde est inondé de tout type d’armes, des armes nucléaires aux armes légères et de petit calibre. Le commerce des armes, tant licite qu’illicite, continue de se développer. La prolifération des armes, y compris les armes de destruction massive, parmi les groupes terroristes et d’autres acteurs non étatiques, est devenue un danger réel.
Ces tendances sont profondément inquiétantes, mais il est encore plus troublant de constater l’abîme profond qui sépare les engagements des actions dans le domaine du désarmement et du contrôle des armements. Alors que tout le monde condamne les graves effets de la prolifération des armes, rien n’a changé substantiellement sur le terrain, car, comme l’a observé le pape François, « nous disons les mots “Plus de guerre !”, mais en même temps nous fabriquons des armes et les vendons … à ceux qui sont en guerre les uns contre les autres » [21].
Cela doit changer. La prolifération des armes aggrave simplement les situations de conflit et entraîne des souffrances humaines inimaginables et des coûts matériels, menaçant profondément le développement, les droits de l’homme et la recherche d’une paix durable. Sans une plus grande coopération internationale et régionale, en particulier parmi les États producteurs d’armes, pour contrôler et limiter strictement la production et le mouvement des armes, un monde exempt de guerres et de conflits violents restera certainement une illusion.
Lorsque le pape François s’est adressé à cette Assemblée il y a deux ans aujourd’hui, il a attiré l’attention sur « le besoin urgent de travailler pour un monde exempt d’armes nucléaires, en pleine application du Traité de non-prolifération (TNP), dans la lettre et dans l’esprit, avec l’objectif d’une interdiction complète de ces armes ». [22] Dans son message pour la Journée mondiale de la paix de 2017, le pape François a encore une fois plaidé pour le désarmement et pour « l’interdiction et l’abolition des armes nucléaires » [23]. Malheureusement, la prolifération des armes nucléaires augmente les tensions internationales, comme en témoigne la péninsule coréenne. Ainsi que le montre l’histoire, les traités régionaux et bilatéraux de non-prolifération des armes nucléaires ont été efficaces pour établir des régions entières exemptes de ces armes. En ce sens, il est d’autant plus urgent d’investir dans l’édification de circonstances qui faciliteraient la création de nouveaux traités bilatéraux et régionaux.
Le Saint-Siège a signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et a déjà déposé sa ratification, car il estime que c’est une contribution importante dans l’effort global visant à la non-prolifération et au désarmement nucléaires complets, un progrès vers l’accomplissement de l’engagement des États parties au TNP « pour poursuivre de bonne foi les négociations sur les mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires dans les plus brefs délais et au désarmement nucléaire » et une étape vers la négociation d’un « désarmement général et complet sous le contrôle strict et efficace international ». [24]
Bien qu’il reste beaucoup à faire pour que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires change la donne et réalise pleinement sa promesse, le Saint-Siège croit que c’est un coup de plus sur l’enclume vers l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe : « De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. » [25]
Merci, Monsieur le Président.
© Traduit par Zenit, Hélène Ginabat
- Concile Vatican II, Gaudium et spes, Avant-propos.
- Cf., Pape François, Discours lors de la Rencontre avec les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, siège de l’ONU, 25 septembre 2015.
- Ibid.
- Nations Unies, Agenda 2030 pour le développement durable, Préambule.
- Antonio Guterres, Secréraire général désigné, Remarques à l’Assemblée générale lorsqu’il a prêté serment, le 12 décembre 2016.
- Pape François, Discours lors de la Rencontre avec les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, siège de l’ONU, 25 septembre 2015.
- Message conjoint du pape François et du patriarche œcuménique Bartholomée pour la Journée mondiale de prière pour la création, Vatican et Phanar, le 1erseptembre 2017. Cf. aussi pape François, lettre encyclique Laudato si’ n. 261 ; pape François, Lettre pour l’établissement de la Journée mondiale de prière pour la création, le 6 août 2015.
- Cf., Laudato Si’, nn. 13, 58 et 205.
- Antonio Guterres, Secrétaire général désigné, Remarques à l’Assemblée générale lorsqu’il a prêté serment, le 12 décembre 2016.
- Pape Pie XII, Discours aux responsables et aux peuples dans le danger imminent de la guerre, le 24 août 1939.
- Document final 2015, 138-139.
- Pape François, Discours aux membres du Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le 12 janvier 2015.
- Pape François, Discours lors de la Rencontre avec les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, siège de l’ONU, 25 septembre 2015.
- Ibid.
- Cf., Mission permanente du Saint-Siège auprès des Nations Unies à New York. Déclaration au sixième Comité de l’Assemblée générale, article 108, le 5 octobre 2016.
- Pape François, Discours lors de la Rencontre avec les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, siège de l’ONU, 25 septembre 2015.
- Pape François, Discours aux participants au Forum international sur « Migration et paix », le 21 février 2017.
- Pape François, Discours aux participants à la Conférence internationale pour combattre la traite humaine, 10 avril 2014.
- Pape François, Discours pendant la cérémonie pour la signature de la Déclaration universelle des chefs religieux contre l’esclavage, 2 décembre 2014.
- Pape François, Discours aux nouveaux ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, le 12 décembre 2013.
- Pape François, Interview avec l’hebdomadaire catholique belge, “Tertio”, 7 décembre 2016.
- Pape François, Discours lors de la Rencontre avec les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, siège de l’ONU, 25 septembre 2015.
- Pape François, Message pour la célébration de la cinquantième Journée mondiale pour la paix, 1erjanvier 2017.
- Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, Art. VI, 1 juillet 1968.
- Isaïe 2, 4.