Les évêques du Venezuela demandent de l’aide humanitaire et dénoncent la répression du gouvernement Maduro.
Mgr Diego Rafael Padron Sanchez, archevêque Cumaná, président de la Conférence épiscopale du Venezuela, a salué le pape au nom de la présidence, reçue par le pape François pendant une demi-heure, jeudi 8 juin 2017 au Vatican, puis par le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin. Le cardinal Jorge Liberato Urosa Savino, archevêque de Caracas, a confié à ZENIT sa préoccupation du fait de la faim dans le pays.
Le texte intégral de l’allocution de Mgr Padron est publié en espagnol par la Salle de presse du Saint-Siège ce 9 juin et par L’Osservatore Romano du 10 juin, en italien, en entier, sous le titre : « Préoccupation des pasteurs du Venezuela ».
Voici notre traduction intégrale de l’espagnol.
AB
Salut de la présidence de la Conférence épiscopale vénézuélienne au pape François à l’occasion de l’audience accordée le 8 juin 2017
Saint-Père,
Par notre intermédiaire les évêques du Venezuela vous saluent fraternellement et ils vous redisent leur adhésion totale à votre personne et à votre ministère et ils prient chaque jour en demandant à Jésus-Christ pour que vos paroles et vos gestes de Pasteur universel révèlent à tous les hommes et à toutes les femmes la miséricorde du Père céleste. Notre obéissance à votre personne n’est pas seulement affective ou guidée par l’empathie latino-américaine, mais elle a un caractère théologique et sacramentelle. Elle n’est pas à mettre en question et nous l’explicitions par la formule latine « cum Petro et sub Petro ». Toute autre interprétation est fausse et malintentionnée. Et ainsi nous avons reçu avec une profonde estime et une satisfaction sincère votre lettre fraternelle et honorable du 5 mai dernier à tous les évêques, comme (un signe) de votre préoccupation constante pour le Venezuela.
Au Venezuela, l’épiscopat et toute l’Eglise vous remercient de votre préoccupation manifeste pour le destin démocratique de notre nation et pour la souffrance prolongée et croissante à laquelle elle est soumise. Aujourd’hui, au Venezuela, il n’y a plus à proprement parler de conflit idéologique entre les droites et les gauches, ou entre « patriotes » et « escualidos » (opposants au gouvernement sous la présidence de Hugo Chavez, ndlr) – tout cela est passé à un second ou troisième plan – sinon une lutte entre un gouvernement qui devient une dictature en autoréférence, qui ne sert que ses propres intérêts et tout un peuple qui proclame sa liberté et cherche activement, au risque de la vie des plus jeunes, du pain, des médicaments, la sécurité, du travail et des élections justes, des pleines libertés, et des pouvoirs publics autonomes, qui donnent la priorité au bien commun et à la paix sociale.
La Conférence épiscopale s’est adressée de façon répétée au gouvernement et elle s’est réunie il y a à peine deux semaines et elle a discuté avec ses représentants les plus qualifiés de certaines propositions pour l’aide humanitaire. On n’a pas perdu l’espérance que Caritas Venezuela, en plus du travail qu’elle accomplit de façon ordinaire, puisse servir d’instrument pour qu’au moins les médicaments parviennent à temps et sans exclusion à tous les citoyens. Mais les conditions imposées par les ministères et par d’autres organismes chargés de la santé et de l’alimentation sont telles et tellement nombreuses que la route est une côte et semée d’obstacle.
D’autre part, l’épiscopat vénézuélien a jugé inutile, inique du point de vue social, et, par conséquent, indésirable et dangereuse, l’initiative du président d’une Assemblée nationale constituante, convoquée sans consulter l’opinion libre du peuple de façon directe et universelle, grâce à un referendum consultatif préalable. Cette Assemblée, prévue à la fin du prochain mois de juillet, sera imposée par la force, et ses résultats seront la « constitutionnalisation » d’une dictature militaire, socialiste-marxiste, et communiste, la permanence illimitée du gouvernement actuel au pouvoir, l’annulation des pouvoirs publics constitués, en particulier de l’actuelle Assemblée nationale, représentant la souveraineté populaire, l’augmentation de la persécution et de l’exil des opposants au système politique dominant et l’amplification de facilités pour corrompre les gouvernants et leurs collaborateurs. De son approbation on n’écarte pas qu’il y ait de plus grands contrôles à la liberté d’expression, y compris la liberté religieuse, et une plus grande répression de la société civile. Pour ces raisons et d’autres, la Conférence épiscopale du Venezuela rejette catégoriquement l’installation et le développement de cette soi-disant Assemblée constituante, à caractère « communal » et d’exclusion.
L’imposition de ce type d’assemblée c’est aussi la négation de la part du gouvernement actuel d’une proposition de dialogue véritable et efficace. Pour la Conférence épiscopale, le dialogue, au Venezuela, veut dire aujourd’hui consulter la libre opinion du peuple souverain et respecter sérieusement le résultat de la consultation. Mais le dialogue dans notre pays doit avoir, non pas comme condition, mais comme point de départ, ou comme présupposés pour une efficacité réelle, les Accords obtenus, mais non mis en œuvre, lors de la session de dialogue des 30 et 31 octobre de l’an dernier, opportunément demandés par le Secrétaire d’Etat du Vatican, Son Eminence le cardinal Pietro Parolin, dans sa lettre adressée au gouvernement et à l’opposition le 1er décembre 2016.
Saint-Père, notre peuple souffre chaque jour davantage. Aujourd’hui, bien que le thème qui fasse l’actualité soit l’Assemblée nationale constituante, la situation sociale ne s’est pas améliorée. La pénurie de nourriture et de médicaments continue, avec la circonstance aggravante du faible pouvoir d’achat des Vénézuéliens : la dénutrition infantile est en hausse, et nos malades meurent. La répression brutale lors des manifestations, de la part d’organes de sécurité du gouvernement, a coûté la vie de plus de 60 jeunes. Ce sont des scènes très douloureuses que vous avons vécues ces deux derniers mois.
Evêques, prêtres, consacrés et consacrées, et laïcs, nous sommes aujourd’hui au Venezuela plus unis qu’à d’autres époques, en cherchant à donner un témoignage crédible de foi, d’espérance et de charité, de pauvreté, de solidarité et de prière. Jamais auparavant on n’avait fait autant de prières qu’aujourd’hui au Venezuela. Le saint peuple fidèle aime le Pape et prie davantage pour lui. Nous prions aussi pour son voyage au pays frère de Colombie.
Saint-Père, l’Eglise qui est au Venezuela marche avec vous. Rien ni personne ne l’écartera de votre houlette de pasteur. Les évêques apprécient vos messages hautement positifs adressés aux pasteurs de l’Eglise, aux gouvernants, aux responsables politiques et à tout le peuple. Nous avons besoin de votre parole d’orientation, même avec le risque qu’elle soit mal interprétée à un certain moment, elle est toujours pour nous source de consolation et d’espérance.
En vous remerciant infiniment, Saint-Père, de nous avoir reçus, nous les pasteurs, et les fidèles du Venezuela, nous vous demandons de nous donner votre sainte bénédiction.
Merci beaucoup.
Venezuela, audience du 08/06/2017 © L'Osservatore Romano
Venezuela: les évêques demandent de l’aide humanitaire et dénoncent la répression
Allocution devant le pape François (traduction complète)