Audience aux frères de la pharmacie, fr Eligiusz à g. © L'Osservatore Romano

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"Appelé à l’hospitalité", un frère de la Pharmacie vaticane témoigne

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Le carême avec les frères de Saint-Jean-de-Dieu (5)

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« J’appartiens à la Communauté de la Pharmacie vaticane, constituée de 6 confrères venus de nations diverses, qui garantissent le service dans la pharmacie et à la Direction de la santé et de l’hygiène de l’État de la Cité du Vatican, depuis environ 145 ans » : tel est le témoignage du frère Eligiusz Mucha, de l’Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu. « Mon service me permet de découvrir l’universalité de l’Église et de l’Ordre », affirme-t-il.
Dans le cadre de notre voyage de carême au pays de saint Jean de Dieu, l’infirmier revient sur sa vocation et évoque l’assistance de l’infirmerie vaticane « pendant les cérémonies pontificales et à d’autres moments particuliers pour l’Église ».
Un premier entretien, avec fr Alain Samuel Jeancler a été publié le 28 février 2017, sur « l’hospitalité évangélique et universelle des frères ». Il a été suivi de la réflexion du p. Ragonneau sj en lien avec le message de carême du pape François : « Vivre l’hospitalité, c’est accueillir l’autre comme un don », publié le 7 mars 2017, la veille de la fête du saint fondateur portugais. Un troisième volet de notre parcours de carême, à l’occasion du voyage de la curie généralice de Rome au Libéria et en Sierra Leone, a évoqué, le 16 mars, l’hôpital Saint-Joseph de Monrovia et une lutte héroïque d’un médecin contre le virus Ebola. Le 24 mars dernier, Yasmile Gamboa Pinzon, collaboratrice colombienne de l’Ordre de Saint-Jean-de-Dieu, proposait un reportage sur un projet innovant d’agriculture urbaine pour remédier à la malnutrition des enfants.
Appelé à l’hospitalité
« Dieu avant tout et au-dessus de toutes les choses du monde » (1 GL 1). Ceci est une affirmation de saint Jean de Dieu (1495-1550), le fondateur de l’Ordre hospitalier qui porte son nom (connu en Italie comme Fatebenefratelli), auquel j’appartiens. C’est une phrase qui accompagne souvent ses lettres et qui, pour les destinataires, se transforme en une invitation à construire son existence sur un fondement ferme, c’est-à-dire Dieu qui doit avoir la première place parmi les choses que le monde nous propose quotidiennement. Personnellement, chaque fois que je lis cette phrase, ou quand elle me revient à l’esprit, je suis toujours ému, et ces paroles sont pour moi un encouragement à suivre la voie que le Seigneur a tracée pour moi et elles constituent un rappel à me donner totalement à celui qui m’a rendu digne de recevoir le charisme de l’hospitalité, qui nous a été transmis par notre fondateur.
Mon expérience avec les Fatebenefratelli a commencé il y a environ 18 ans, mais dès les années de mon adolescence, je pressentais la vocation à la vie religieuse ; je ne suis pas en mesure de situer le moment précis où j’ai reçu l’appel, peut-être parce que le Seigneur agissait déjà depuis longtemps, lentement ; à tous les moments de ma vie familiale et paroissiale, je ressentais le désir de me consacrer à lui dans le service du prochain.
Le premier impact direct avec les personnes malades, je l’ai eu quand, encore adolescent, j’accompagnais tous les samedis le chapelain à l’hôpital de notre ville. C’était pour moi un jour très attendu ; ce service me rendait heureux, augmentait mon désir de la vocation hospitalière. Avec le temps, j’ai commencé à discerner mon avenir. Ma grand-mère a eu un rôle fondamental, elle qui est devenue une sorte d’accompagnatrice spirituelle, parce qu’avec sa délicatesse et l’exemple de sa vie surtout consacrée à Dieu, elle m’encourageait dans ma recherche. Un jour, elle m’a montré une revue catholique qui invitait les jeunes à faire les exercices spirituels, organisés par les Fatebenefratelli. C’est ainsi qu’a commencé mon expérience avec l’Ordre de Saint Jean de Dieu.
Par la suite, pendant environ trois ans, je me suis engagé dans ma formation initiale, spirituelle et humaine ; ensuite, tout en continuant la formation religieuse, j’ai entrepris un parcours universitaire en sciences de l’infirmerie. Après avoir terminé mes études, j’ai rendu service, en tant qu’infirmier, dans différentes maisons de notre Province religieuse, en Pologne ; cela a été des moments très intenses et beaux pour ma croissance spirituelle, humaine et professionnelle.
Cela fait précisément 18 ans cette année que je suis entré dans l’Ordre, en plaisantant je pourrais dire que j’ai atteint l’âge adulte ! J’aime me souvenir du premier jour, quand ma famille m’a accompagné au couvent de Varsovie. Cela a été un moment émouvant pour nous tous.
À peine arrivés au couvent, nous nous sommes dirigés dans la chapelle qui, ce jour-là, avait été décorée avec la représentation de la Vierge noire de Czestochowa : c’était le 26 août, justement la solennité de la Vierge. Je me souviens encore de mon émotion et de celle de mes parents ; dans ces moments, j’ai compris que Marie m’accompagnerait dans mon choix et sur mon parcours de vie religieuse. Cette certitude a toujours été pour moi très rassurante.
Actuellement, je me trouve en Italie, j’appartiens à la Communauté de la Pharmacie vaticane, constituée de 6 confrères venus de nations diverses, qui garantissent le service dans la pharmacie et à la Direction de la santé et de l’hygiène de l’État de la Cité du Vatican, depuis environ 145 ans. Mon service me permet de découvrir l’universalité de l’Église et de l’Ordre.
L’assistance de l’infirmerie pendant les cérémonies pontificales et à d’autres moments particuliers pour l’Église, comme le jubilé, les synodes, les cérémonies de canonisation, me permet de suivre l’enseignement de la sainte Église, en la personne du Saint-Père. C’est une formation continue qui influe sur ma croissance personnelle et spirituelle ; ces 9 années ont été pour moi de continuels exercices spirituels.
De fait, en ce lieu ne pouvait manquer le charisme de saint Jean de Dieu, avec ses disciples qui parcourent les périphéries existentielles dans le cœur de l’Église catholique, en pratiquant l’hospitalité. Le dernier Jubilé extraordinaire de la miséricorde, vécu dans toute l’Église universelle, nous a rappelé le fait que la miséricorde est le premier attribut de Dieu. C’est le nom de Dieu (Pape François et Andrea Tornielli, « Le nom de Dieu est Miséricorde », livre-interview, 2016). Chez les Fatebenefratelli, nous avons le privilège et l’engagement de témoigner de ce vrai nom de Dieu ; exactement comme le fait saint Jean de Dieu : « Si nous considérions combien est grande la miséricorde de Dieu, nous ne cesserions jamais de faire le bien » (I DS, 13). Le charisme d’hospitalité, réalisé sur les 5 continents du monde, doit être mis en pratique à l’égard de tous, sans aucune distinction de race, de confession ou de statut social. Saint Jean de Dieu disait toujours : « Dieu aime tout le monde » (I DS 12). « Ayez toujours la charité parce que là où il n’y a pas de charité, Dieu n’est pas là, même si Dieu est en tout lieu » (LB 15). Nous devons faire nôtres ces paroles, et les faire résonner en nous à tout moment de notre vie. L’histoire de l’Ordre nous montre le témoignage total d’hospitalité de nos confrères qui, en diverses circonstances, ont offert leur vie pour les autres (cf. 1 Jn 3,16), comme cela a été récemment le cas en Afrique lorsque certains de nos confrères et collaborateurs ont perdu la vie pendant l’épidémie d’Ebola, pour rester aux côtés des malades.
Dans nos structures hospitalières, où se croisent les différences des personnes, nous désirons transmettre le service de la charité en nous faisant les messagers de l’amour de Dieu qui aime tout le monde indistinctement. Nous le faisons non seulement par des prestations de qualité, du point de vue scientifique, technique et organisationnel, mais nous nous efforçons de faire que notre mission d’hospitalité offre un service plein d’humanité, où la personne est mise au centre de l’attention ; aujourd’hui plus que jamais, nous, disciples de saint Jean de Dieu, nous sommes appelés  à rendre témoignage des authentiques valeurs humaines qui défendent la dignité de la vie de chaque personne : des valeurs qui sont fondées sur la figure de Jésus-Christ – vrai Dieu et vrai homme (cf. CEC 464) – ; sans lui, la mission d’hospitalité se viderait de ces valeurs qui constituent le cœur de sa vocation, à savoir le service rendu à Dieu et à l’homme.
En ce temps de Carême, notre fondateur nous exhorte à une conversion, pour que Dieu devienne le premier désir de notre existence et que nos œuvres n’aient jamais de limites dans la charité. Sa vie était constellée d’œuvres de miséricorde ; en traversant les périphéries de Grenade, il témoignait de l’amour infini de Dieu ; son audace pour aimer Dieu et son prochain a été soulignée dans l’encyclique Deus Caritas est, du pape Benoît XVI, qui l’a défini, avec les autres saints de la charité, comme les « modèles insignes de charité sociale pour tous les hommes de bonne volonté ». Encore Benoît XVI soulignait combien « les saints sont les vrais porteurs de lumière à l’intérieur de l’histoire, parce qu’ils sont des hommes et des femmes de foi, d’espérance et d’amour » (cf. Deus Caritas est, n.40).
Saint Jean de Dieu a été un véritable homme de foi, d’espérance et d’amour désintéressé.
Je termine ce témoignage, comme je l’ai commencé, avec ses paroles : « Dieu avant tout et au-dessus de toutes les choses du monde, en ne mettant sa confiance qu’en Jésus-Christ qui est la parfaite certitude » (1 DS 6). Souhaitons que ces paroles deviennent un désir ardent dans notre cœur.
© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Rédaction

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