« L’accueil est une croix, mais une belle croix, dit le pape, car elle nous rappelle l’accueil que le Bon Dieu a eu et qu’il a avec nous. » Le pape appelle à un « apostolat de l’oreille » : écouter les autres qui viennent avec leurs « plaintes » et leurs « problèmes » et attendent « une parole de réconfort ».
Le pape a prononcé un discours avant d’entamer un dialogue avec les jeunes italiens de la « Villa Nazareth » de Rome, où il s’est rendu le samedi 18 juin.
Fondé il y a 70 ans pour venir en aide aux enfants pauvres orphelins de guerre, ce centre est géré aujourd’hui par la Fondation Tardini présidée par le cardinal Silvestrini et permet à des enfants de familles modestes de poursuivre leurs études.
Nous avons publié la première question et la première réponse, mardi 28 juin, la deuxième le 29, la troisième le 30 juin, la quatrième le 1er juillet. Et le discours du pape le 20 juin.
M.D.
5e question, de Tonino Casamassimi
Pape François, la comparaison avec les valeurs fondatrices de cette communauté doit toujours nous amener à nous interroger sur le sérieux de notre engagement dans le monde et de notre service auprès du prochain. Une structure comme Villa Nazareth n’a de sens que dans la mesure où elle parvient à faire fructifier des talents bien en dehors de ses propres murs, et il ne s’agit pas seulement de murs physiques. On essaie alors de s’ouvrir de plus en plus – à notre niveau et au milieu de difficultés – à la vie civile et sociale, en ayant une présence active qui ne se limite pas à ce lieu physique, mais s’étend à tous les territoires où vivent et œuvrent les membres de notre communauté. On réfléchit intensément à des projets concrets d’accueil pour ceux qui viennent de terres lointaines. De quelle façon et dans quel esprit pouvons-nous renforcer notre engagement dans le monde, pour vivre sérieusement cette rencontre avec les périphéries de l’existence à laquelle vous nous appelez, et qui trouve ses racines dans le message évangélique?
Réponse du pape François
Faire fructifier les talents. Nous serons jugés sur cela: qu’ai-je fait de mes talents, de ce que j’ai reçu, de ce que le Seigneur m’a donné gratuitement ? C’est la question que nous devons nous poser. Puis-je faire davantage? Puis-je donner plus? Puis-je partager mieux que je ne le fais? Les talents, pas seulement l’argent, les talents! Et quel est le talent du christianisme, le plus important de ses talents, et un des grands talents de Villa Nazareth depuis sa fondation? Vous l’avez dit : l’accueil. Nous vivons une civilisation de portes closes, de cœurs fermés. Nous nous défendons les uns des autres: « Ceci est à moi ; c’est le mien ». La peur d’accueillir. Et je ne parle pas que de l’accueil des migrants, qui est un gros problème, un problème de politique mondiale. Mais d’accueil quotidien, l’accueil de celui qui me cherche pour m’ennuyer avec ses plaintes, avec ses problèmes, et attend de moi une parole de réconfort, voire la possibilité d’ouvrir « une petite fenêtre » pour s’en sortir. Ça me fait trop mal de voir les églises qui tiennent leurs portes fermées, ça me fait mal. Il y aura certainement de bonnes raisons à cela, mais une église fermée signifie que cette communauté chrétienne a le cœur fermé, qu’elle est repliée sur elle-même. Et nous, nous devons retrouver ce sens de l’accueil, être accueillis. Et c’est très simple, quotidien, ce qui arrive à Rome: je crois que ce à quoi il nous faut travailler – pour le dire en terme d’apostolat – c’est à un « apostolat de l’oreille ».
Nous n’avons pas le temps d’écouter, nous avons perdu cette capacité: « Je n’ai pas le temps, pas le temps d’aller écouter ces plaintes, non, ça me fait mal, c’est mieux si je fais autre chose, quelque chose de plus utile, si je ne perds pas de temps … » Si nous ne le faisons pas, c’est que nous n’accueillons pas l’autre. Et si nous n’accueillons pas nous ne sommes pas chrétiens et ne serons pas accueillis au Royaume des cieux. C’est mathématique. La logique de l’Évangile. C’est comme ça. Et vous qui avez eu l’expérience de l’accueil ici, dans cette maison, vous avez une grande responsabilité sociale et ecclésiale: enseigner, faire comprendre que ceci est la porte qui donne accès à la voie chrétienne.
Quand nous avons été baptisés, nous avons été accueillis par la communauté chrétienne. Une belle cérémonie liturgique où le curé a bien expliqué les choses, tout … Mais cet accueil sacramentel, sous le signe de la Trinité, suis-je capable de l’appliquer dans ma vie de foi ? Ou alors, je préfère regarder de l’autre côté? Il vaut mieux dire : « Je n’ai pas compris », « je n’ai pas entendu », « je ne savais pas » … L’accueil produit du fruit. Il fait fructifier les talents. Il y a le grand accueil de ceux qui viennent de terres lointaines, et le petit accueil, quand toi – papa ou maman – tu rentres de ton travail et trouves ton fils ou ta fille adolescente qui est en difficulté et veut te dire quelque chose, ou a besoin que tu l’écoutes … « je suis trop occupé(e), on en parle demain … » L’accueil est un moment de grâce. « Mais, Père, c’est une torture! » Non, c’est une mortification, une mortification. C’est notre croix quotidienne. Jésus nous a dit: « Que celui qui veut marcher derrière moi prenne sa croix ». Il n’a pas dit « prends ta morphine pour bien dormir »; « prends ta croix et suis-moi ». Et l’accueil est une croix, mais une belle croix, car elle nous rappelle l’accueil que le Bon Dieu a eu et qu’il a avec nous, à chaque fois que nous allons le trouver pour nous réconcilier, pour demander conseil, pour demander pardon … Accueil.
(c) Traduction de Zenit Océane Le Gall
Visite à la Villa Nazareth, 18 juin 2016, L'Osservatore Romano
Le pape aux jeunes: «L’accueil c’est une croix, mais une belle croix»
La visite à la « Villa Nazareth » de Rome (5/7)