Quelle "chute" dans l'Ecriture ? par Brunor

Episode 68

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Résumé : « Dieu peut-il être connu avec certitude, par la lumière naturelle de la raison humaine, à partir des choses créées ? » Oui, répond l’Eglise de Rome (1), qui affirme la dignité de la raison. Non, répondent les jansénistes qui déclarent la raison « détruite par le péché originel ».
Le désaccord est profond et considérable.
Si l’on demande au clan janséniste pourquoi le Créateur aurait infligé une telle déchéance au genre humain et à la Création tout entière, en sorte que ce Monde présent ne serait pas du tout le Monde que Dieu voulait, mais un Monde naufragé, le clan janséniste répond avec assurance : « Ce péché originel est une corruption si pernicieuse et si profonde de la nature humaine qu’aucune raison ne peut le comprendre ; mais il faut le croire en se fondant sur la révélation de l’Écriture… (2) »
Puisqu’il faut donc « le croire en se fondant sur la révélation de l’Écriture… », eh bien ! jouons le jeu, cherchons dans l’Ecriture des passages qui enseigneraient « une corruption si pernicieuse et si profonde de la nature humaine qu’aucune raison ne peut le comprendre… » !
Or l’Eglise catholique a beau chercher depuis des siècles, dans la totalité de la Bible et des Evangiles, de tels textes qui enseigneraient une telle corruption, elle ne les a toujours pas trouvés !
Car si les évêques réunis en conciles avaient trouvé dans l’Ecriture des passages confirmant une telle détestation de Dieu pour sa Création, suite à une « chute », les conciles en auraient certainement été convaincus, comme les jansénistes, dont ils n’auraient pas condamné les enseignements.
Si l’Eglise de Rome avait trouvé une telle corruption de la nature humaine dans la Bible, elle aurait donc été d’accord avec le clan janséniste pour reconnaître cette chute catastrophique comme une explication convaincante de la nature déchue de l’Homme et de toute la Création.
Mais cela n’a jamais été le cas : au contraire, les Pères des Conciles ont refusé un enseignement aussi dramatique et ont condamné ceux qui enseignaient une telle déchéance, aux conciles de Trente, puis de Vatican I et Vatican II. Cette vision du Monde si négative n’est qu’un fantasme du clan janséniste qui a tout fait pour essayer de convaincre et qui a d’ailleurs réussi à infiltrer la pensée de nombreux chrétiens, convaincus que ce pessimisme est fondé sur la Bible et les Evangiles.
Alors que ni la Bible, ni les Evangiles n’enseignent une chute aussi catastrophique.
Pourtant, me direz-vous, le récit d’Adam et Eve nous montre qu’ils sont chassés de l’Eden !
Il y a donc bien une « chute » dans le récit biblique.
Précisément, c’est cela qui intéresse notre enquête : comment se fait-il que le même récit, dit « d’Adam et Eve », ait pu être interprété de façons aussi différentes par le clan janséniste et par l’Eglise ? Les premiers y voient « l’effroyable et abominable maladie héréditaire par laquelle toute la nature est corrompue (3) », tandis que l’Eglise de Rome refuse cette interprétation pour affirmer la dignité de la raison humaine :
« C’est la raison qui appelle la révélation, et c’est à la raison que la révélation s’adresse.
C’est à la raison que Dieu parle, c’est à la raison qu’il demande la foi, et il ne la lui demande qu’après lui avoir fait voir que c’est bien lui qui parle.
La raison qui demande le témoignage de Dieu sur les réalités de la vie future n’adhère donc à ce témoignage avec la certitude surnaturelle de la foi, qu’après avoir vu de ses propres yeux, c’est-à-dire vérifié par sa propre lumière et avec la certitude naturelle qui lui est propre, le fait divin de la révélation.
Or, Dieu ne se manifeste pas moins clairement à la raison dans le grand fait de la révélation que dans le grand fait de la nature…
(4) »
C’est ce qu’écrivait le cardinal Dechamps à la veille du concile Vatican I : nous retrouvons les deux « Livres » cités par saint Augustin : celui de la Nature et celui de la Révélation (5).
En ce début d’année, nous pouvons nous arrêter quelques instants avec enthousiasme sur ce regard positif posé sur l’Homme et l’Univers.
Puis nous nous poserons la question : puisque la vision « janséniste » ne vient pas de la révélation biblique, d’où vient-elle ?
(A suivre…) (6)
Brunor
 

  1.  Concile Vatican I, Constitution dogmatique de la foi catholique, chapitre II.
  2. Martin Luther, Œuvres, trad. Fr., I, t. VII, p. 239.
  3. Solida Declaratio.
  4. Cardinal Dechamps, L’infaillibilité et le Concile général, 29 mai 1869. E. Cecconi, Histoire du Concile du Vatican, trad. Fr., Paris, 1887, t. IV, p. 49.
  5. Chronique 2.
  6. De nos jours, rien de tout cela ne nous empêche de partager avec des frères luthériens des actions œcuméniques, comme à Taizé ou au festival BD d’Angoulême où nous fêterons fin janvier 2016 une dynamique chrétienne depuis 30 ans !
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ZENIT Staff

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