L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, Mgr Francesco Follo, propose ce commentaire théologique et spirituel des lectures de la messe de dimanche prochain, 29 novembre 2015 et premier dimanche de l’Avent (Année C) : Jr 33,14-16 ; Ps24/25 ; 1Th 3,12 – 4,2 ; Lc 21,25-28.34-36.
Il propose comme lecture spirituelle un texte de saint Bernard de Clairvaux (XIIe siècle).
L’Avent : attente et visite
1) Attente d’une visite.
Le temps de l’Avent est voulu par l’Eglise pour nous préparer à célébrer l’incarnation du Verbe de Dieu. C’est le temps de l’attente, qui dure peu de temps – quatre semaines dans le rite romain, six dans le rite ambrosien – et se conclut par la joie de Noël, jour qui célèbre la naissance de Jésus par le chant des anges : « Gloire au ciel et paix aux hommes que Dieu aime » et par la joie des justes (cf. Antienne au Magnificat – IIe vêpres de Noël).
L’Avent est le temps qui prépare la naissance de Jésus, c’est le temps de la Sainte Vierge dans l’attente de l’accouchement. Pour nous, ce sera un temps pour éduquer notre cœur à une attente réelle, quotidienne, constante dans la tension vers Celui qui s’est fait homme pour nous et a sauvé notre vie. Mais nous n’attendons pas seulement la naissance de Jésus, nous attendons également son retour définitif.
C’est pour cette raison que ce premier dimanche de l’Avent nous projette vers la deuxième venue du Christ, lorsqu’il viendra dans la gloire. Dans le fond, c’est cela l’avent qui est le plus important, celui auquel nous devons tous nous préparer.
C’est pour cela que, dans l’Evangile du premier dimanche de l’Avent, Jésus nous dit de ne pas oublier le cœur, de ne pas l’alourdir de peurs et de désillusions : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste » (Lc 21,34). Donc « restez éveillés et priez tout le temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36).
En effet, il n’est pas suffisant de parler de l’Avent uniquement comme d’une période d’attente de Noël, parce que ce temps liturgique nous est également proposé afin de comparaître devant le Christ, d’aller à la rencontre du Seigneur. Le chemin chrétien nous est adressé pour savoir nous rapprocher toujours plus de la nouveauté de Dieu, qui est proche de nous, plein d’amour et de miséricorde. Dieu est l’Enfant qui nous tend les bras, plein de tendresse, le Pasteur qui cherche la brebis égarée pour la ramener saine et sauve, c’est le Père qui court à la rencontre du fils perdu qui revient, c’est le Samaritain qui se penche, prévenant, sur le blessé. C’est Jésus qui meurt sur la croix, choix dramatique pour retourner dans la Vie céleste.
Pour cela, il est nécessaire de savoir vivre « en attendant », non seulement dans le sens d’attendre Dieu qui vient, mais aussi dans le sens de se tourner vers Dieu qui se tourne déjà Lui-même vers nous en envoyant le Fils qui vient nous visiter.
En effet, l’expression « Avent » comprend aussi visitatio (« visitation ») qui signifie « visite ». Dans ce cas, il s’agit d’une visite de Dieu : il entre dans notre vie et veut s’adresser à nous (cf. Benoît XVI). L’Avent-Visite du Seigneur implique une vigilance. Il faut savoir « entrer en vigilance, entrer en éveil comme le Christ nous y invite aujourd’hui : « restez éveillés… » (cf. Lc 21,34 et 36 cité ci-dessus). Le Christ l’a répété à maintes reprises dans les paraboles : le Seigneur vient comme un voleur de nuit ou comme un maître qui revient pour voir ce que sont devenus ses biens confiés aux serviteurs.
2) Attente d’une rencontre.
Il est vrai qu’Avent signifie avant tout « attente », mais il ne s’agit pas d’une attente vague, générique et purement sentimentale. Il s’agit de l’attente d’une rencontre personnelle d’une rencontre de lumière. Une rencontre qui s’exprime particulièrement le jour du souvenir de sa venue, mais qui peut illuminer chaque jour, chaque instant de notre vie.
L’Avent est donc le temps dans lequel nous devons rénover la décision d’ouvrir la fenêtre de notre cœur et de notre esprit au Sauveur pour qu’il nous illumine et éclaire tout ce que nous sommes.
Comment devons-nous nous préparer à cette rencontre ?
Avant tout en cherchant à enrichir notre savoir (qui ne signifie pas seulement la connaissance mais la saveur) sur le Christ, avec loyauté et humilité. En effet, comment pouvons-nous le reconnaître lorsqu’il vient et l’aimer si nous ne le connaissons pas ? Et comment pourrons-nous le connaître si nous ne le « savourons » pas ?
En second lieu, en priant. Prier, demander que le Saint-Esprit nous illumine et soutienne notre recherche du visage du Seigneur.
Ce temps, donc, je le dis encore, éduque le cœur et l’esprit de chacun de nous à une attente réelle, quotidienne, constante, dans la tension vers la présence de Celui qui s’est fait homme pour nous et a sauvé notre vie : « Les festivités de l’Eglise rappellent des faits mais sont aussi présentes, vivantes ; ce qui est arrivé une fois dans l’Histoire doit continuellement être un événement dans la vie d’un croyant. Alors le Seigneur est venu pour tous ; mais Lui doit revenir à nouveau pour chacun » (Benoît XVI).
Les trois Evangiles de saint Marc, saint Matthieu et saint Luc parlent de cette venue avant la narration de la passion du Christ. Il s’agit de sa dernière prédication. Le style est apocalyptique (j’ai donné à ce sujet une brève explication la semaine dernière) : guerres, dévastations, catastrophes naturelles, destruction du monde.
Ces descriptions dramatiques ne doivent pas engendrer chez nous trop de peur, elles sont écrites dans un style oriental afin de rappeler que devant le Christ tout a une signification différente et que le monde, qui paraît stable et éternel, aura une fin, lorsque le Seigneur viendra réordonner toutes choses. Donc, même dans l’Evangile de saint Luc, que nous lirons pendant cette année C, le Messie utilise des paroles apocalyptiques, profitant ainsi de l’occasion offerte par les louanges que certains faisaient au Temple de Jérusalem, mais en affirmant que ce Temple serait détruit (Lc 21,5-7).
Il y aura des signes prémonitoires, des guerres entre les peuples, des persécutions des disciples du Christ (Lc 21,8-19), le siège et la destruction de Jérusalem (Lc 21,20-21). Après les souffrances causées par les hommes, Jésus, dans l’Evangile d’aujourd’hui, évoque les événements cosmiques et sa venue dans la gloire. La crainte sainte qui peut survenir en écoutant ces mots nous aide à nous préparer à la venue du Christ non seulement de façon sentimentale, mais en étant conscients qu’il s’agit d’une rencontre décisive pour notre existence.
En cela, la Vierge Marie est un exemple pour nous. Dans cette attente, Elle est le modèle à suivre parce que la Sainte Vierge est « une fille simple venant d’un village et qui porte dans le cœur toute l’espérance de Dieu » (Pape François) et par son « oui », pa
r son « fiat », l’espérance d’Israël et du monde entier a pris chair. Le temps de l’Avent, qui commence aujourd’hui, « nous redonne l’horizon de l’espérance, une espérance qui ne déçoit pas parce qu’elle est fondée sur la Parole de Dieu… Une espérance qui ne déçoit jamais parce que le Seigneur ne déçoit jamais ! Lui est fidèle » (id.).
La virginité est le moyen que Dieu a choisi pour donner un nouveau commencement au monde. Comme dans la première création, Dieu aussi crée « de rien », soit du vide des possibilités humaines, sans le besoin de quelque concours et d’aucun appui. Ce « rien », ce vide, cette absence d’explications et de causes naturelles est représenté par la virginité de la Vierge Marie.
Dans cet Avent, contemplons la virginité de Marie par une méditation sur la chasteté parfaite pour le Règne des cieux. Saint Cyprien écrivait aux premières vierges chrétiennes : « Vous avez commencé par être ce que nous serons tous un jour » (Sur les Vierges, 22, PL 4, p. 475). Une telle prophétie, bien loin de s’opposer au mariage, est, avant tout, pour ceux qui sont mariés, un honneur. Il leur rappelle que le mariage est saint, il est beau, créé par Dieu, il est l’image du mariage entre le Christ et l’Eglise, mais cela n’est pas tout… Le Christ seul est Tout (cf. rituel de consécration des Vierges, n° 24).
Pour les Vierges consacrées, il en va de même. Leur « oui » sans réserve à Dieu, leur vie humble, simple, pauvre, obéissante, fidèle comme celle de la Vierge, même avec toutes ses difficultés et ses épreuves, rend visible le Christ.
Avec le don de leur propre vie, elles se hâtent de préparer l’avènement du Christ et de son règne. Avec la consécration, les consacrées deviennent pour tous les hommes signes de l’amour de Dieu et des biens éternels qu’Il nous donne.
Lecture Patristique
Saint Bernard de Clairvaux (+ 1153)
« Sermons sur l’avent du Seigneur », 4, 1, 3-4,
Opera omnia, éd Leclercq, 4, 1966, p. 182-185
Il va de soi, mes frères, que vous devez célébrer de toute votre dévotion l’avènement du Seigneur, étant charmés par une telle consolation, stupéfaits par une telle commisération, enflammés par une telle dilection ! Mais ne pensez pas seulement à l’avènement où le Seigneur est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10) ; pensez à celui où il viendra pour nous prendre avec lui. Puissiez-vous consacrer à ces deux avènements une méditation prolongée, en ruminant dans vos cœurs ce qu’il a donné dans le premier, ce qu’il a promis dans le second !
Car voici le temps du jugement : il va commencer par la famille de Dieu. Mais comment finiront-ils, ceux qui refusent d’obéir à l’Évangile de Dieu (1P 4,17) ? Que sera le jugement final pour ceux qui ne se relèvent pas de ce jugement-ci ? Tous ceux qui se dérobent au jugement qui a lieu maintenant, où le prince de ce monde est jeté dehors, qu’ils attendent, ou plutôt qu’ils redoutent ce juge par lequel eux-mêmes seront jetés dehors avec leur prince. Mais nous, si nous sommes pleinement jugés maintenant, attendons en sécurité comme Sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux (Ph 3,20-21). Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43).
Lorsque le Seigneur reviendra, il transfigurera notre corps de misère à la ressemblance de son corps de gloire, mais seulement si notre cœur a été auparavant transfiguré en devenant conforme à l’humilité de son cœur. C’est pourquoi il disait : Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur (Mt 11,29).
Découvrez dans ce texte qu’il y a deux sortes d’humilité : l’une de connaissance, l’autre d’amour, appelée ici l’humilité du cœur. La première nous enseigne que nous ne sommes rien, et nous en sommes instruits par nous-mêmes, par notre propre faiblesse. Avec la seconde, nous piétinons la gloire du monde, et nous en sommes instruits par celui qui s’est anéanti, en prenant la condition de serviteur ; appelé au trône, il s’est enfui ; mais appelé à tous les outrages et à l’ignominieux supplice de la croix, il s’y est offert lui-même de son plein gré.