Le Saint-Siège réaffirme à l’OSCE « la dignité inhérente à toute personne humaine » et « l’unité fondamentale de la race humaine ».
Mgr Janusz Urbanczyk, représentant permanent du Saint-Siège à l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) est en effet intervenu à Vienne, le 29 octobre sur la question des minorités nationales.
Il est intervenu lors de la réunion supplémentaire sur la « dimension humaine » au sujet de la contribution de l’OSCE à la « protection des minorités nationales » (« Session de travail 1 : 25 ans après l’adoption du Document de Copenhague »).
« Ma délégation désire attirer l’attention sur deux principes que l’on devrait toujours garder à l’esprit lorsque l’on traite des minorités nationales, a indiqué Mgr Urbanczyk.
« Le premier, a-t-il dit, c’est la dignité inhérente à toute personne humaine, indépendamment de son origine ethnique, culturelle ou nationale, ou de sa croyance religieuse. Les individus n’existent pas uniquement pour eux-mêmes, mais ils réalisent pleinement leur identité en relation avec d’autres. Ils ont en effet le droit à une identité collective qui doit être sauvegardée, conformément à la dignité de chaque membre. »
« Le second principe, a ajouté l’archevêque, c’est l’unité fondamentale de la race humaine en vertu de laquelle les communautés nationales – qu’elles soient ou non majoritaires – jouissent de cette même dignité inhérente. »
Voici notre traduction complète de cette allocution.
A.B.
Intervention de Mgr Urbanczyk
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège suit avec un grand intérêt le travail de la Haut-Commissaire pour les minorités nationales dans le cadre de son très important mandat pour « fournir une ‘alerte précoce’ et, le cas échéant, une ‘action précoce’ le plus tôt possible dans le cas de tensions impliquant des questions de minorités nationales qui sont susceptibles de dégénérer en conflit sur le territoire de l’OSCE. En fait, la question des minorités nationales continue de revêtir une grande importance. Par conséquent, elle constitue un sujet de réflexion attentive de la part des responsables politiques et religieux et de tous les hommes et femmes de bonne volonté.
En tant que communautés qui tirent leur origine de différentes filiations ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses, les minorités nationales existent dans presque toutes les sociétés aujourd’hui. Certaines remontent très loin dans le temps, d’autres sont d’origine récente. Les conditions dans lesquelles elles vivent sont si diverses qu’il est pratiquement impossible d’en tracer un tableau complet.
D’une part, il existe des groupes, parfois très petits, qui sont capables de préserver et d’affirmer leur identité et qui sont bien intégrés dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. Dans certains cas, ces groupes minoritaires parviennent même à exercer une grande influence sur la vie politique, économique, sociale et culturelle de leurs pays.
D’autre part, on voit des minorités nationales qui n’exercent aucune influence et qui ne jouissent pas pleinement de leurs droits et de leurs libertés, mais qui se trouvent plutôt dans des situations de souffrance et de détresse. Cela peut les mener soit à la résignation passive soit à l’agitation et même à la rébellion. Toutefois, ni la marginalisation ni la violence ne représentent le juste chemin pour créer des conditions de véritable paix, de justice et de stabilité.
Dans ce contexte, ma délégation désire attirer l’attention sur deux principes que l’on devrait toujours garder à l’esprit lorsque l’on traite des minorités nationales. Le premier est la dignité inhérente à toute personne humaine, indépendamment de son origine ethnique, culturelle ou nationale, ou de sa croyance religieuse. Les individus n’existent pas uniquement pour eux-mêmes, mais ils réalisent pleinement leur identité en relation avec d’autres. Ils ont en effet le droit à une identité collective qui doit être sauvegardée, conformément à la dignité de chaque membre. Le second principe est l’unité fondamentale de la race humaine en vertu de laquelle les communautés nationales – qu’elles soient ou non majoritaires – jouissent de cette même dignité inhérente.
L’existence de minorités nationales, cependant, soulève la question de leurs droits et devoirs spécifiques. Le premier droit des minorités, qui est évident, est celui d’exister. Ceci peut être ignoré de bien des façons, et même nié par des formes ouvertes ou indirectes d’extinction ou de marginalisation. Deuxièmement, les minorités nationales ont le droit de préserver et de développer leur propre culture, y compris leur langue. À cet égard, l’éducation, qui passe par la transmission du langage et de l’identité culturelle des parents à leurs enfants, joue un rôle essentiel. Troisièmement, le droit à la liberté religieuse s’applique à tous les individus, comme à toutes les communautés. En conséquence, les minorités nationales devraient être libres de confesser et de pratiquer leur religion, y compris avoir la liberté de culte en tant que communauté. Enfin, il faudrait aussi leur garantir une liberté légitime d’échanges et de contacts avec des groupes partageant le même héritage, même si ceux-ci vivent sur le territoire d’un autre État.
De même que tout droit comporte des devoirs correspondant, les membres des minorités nationales ont aussi des devoirs envers la société et l’État dans lesquels ils vivent. En premier lieu, ils ont le devoir de travailler, comme tous les citoyens, pour le bien commun de l’État dans lequel ils vivent. Deuxièmement, un groupe minoritaire a le devoir de promouvoir la liberté et la dignité de chacun de ses membres et de respecter les décisions de chacun, même si l’un d’eux devait décider d’adopter la culture majoritaire.
La prise de conscience croissante que l’on observe aujourd’hui à tous les niveaux, au sujet de la situation des groupes minoritaires nationaux, représente pour notre époque un signe d’espoir pour les générations à venir et pour les aspirations des groupes minoritaires nationaux eux-mêmes. Bien sûr, en un sens, la protection et la promotion des droits des minorités nationales sont des facteurs essentiels pour la démocratie, la paix, la justice et la stabilité au sein des États membres, et entre eux. En outre, dans une société vraiment démocratique, garantir la participation des minorités nationales à la vie politique, économique, sociale, culturelle et religieuse est un signe de civilisation hautement développée ; cela honore les nations dans lesquelles tous les citoyens ont l’assurance de pouvoir participer à la vie nationale dans un climat de vraie liberté.
Nul doute que les États membres ont déjà fait des progrès depuis Copenhague 1990. Mais ce qui est encore devant nous consiste à assurer une meilleure intégration, dans les différentes structures de la société, des groupes minoritaires nationaux marginalisés ou exclus, comme les nomades, les personnes qui bougent constamment et qui existent sous différents noms dans tous les États membres.
L’Église catholique aimerait assurer de sa proximité spirituelle les membres de ces minorités nationales qui souffrent. L’Église partage leurs moments de douleur et les raisons de leur fierté légitime. Le Saint-Siège se sent particulièrement proche des peuples Roms et Sintis qui ont une relation établie depuis longtemps avec l’Église catholique. Lundi dernier, au Vatican, le pape François a reçu une grande délégation de Roms et de Sintis venus de plus de 30 États. Cette réunion commémorait aussi le rassemblement hist
orique du pape Paul VI avec des Roms et Sintis à Pomezia, en 1965 : le pape d’alors les avait assurés qu’ils n’étaient pas en marge, mais au centre et au cœur de l’Église.
Ma délégation est convaincue qu’à travers les engagements de l’OSCE et les compétences de sa Haut-Commissaire pour les minorités nationales, les États membres progresseront vers leur objectif d’assurer aux minorités nationales la pleine jouissance de leurs droits.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
© Traduction de Zenit, Constance Roques