Les chrétiens d’Orient sont bien présents au synode où ils sont représentés par leurs patriarches, mais aussi par des experts laïcs comme ces deux auditeurs libanais dont le Vatican publie l’intervention : Souheïla Rizk Salloum, professeur de psychologie à l’USEK et Georges Fayez Salloum, expert du synode patriarcal maronite.
Témoignage
Très Saint-Père, Frères et Sœurs dans le Christ,
Notre intervention aborde le problème de la conjonction de l’émigration et de la dénatalité qui constitue un défi existentiel et qui risque de réduire les chrétiens d’Orient à « une espèce en voie de disparition » (§ 24 à 26 et 133 à 135).
– Dans le contexte des persécutions, « il y a plus de martyrs aujourd’hui que dans les premiers siècles » comme vous l’affirmiez, Très Saint-Père1,
– Dans ce contexte de terreur et de violence, dans cette « nuit profonde », (le Christ ne nous a jamais promis un sort meilleur que le Sien et Il est mort sur la croix, mais Il est ressuscité et c’est sur cette résurrection que nous fondons notre espérance), nous remarquons un étiolement de la présence chrétienne au Liban et au Moyen-Orient, soit par abandon forcé de la terre ou par émigration, soit par dénatalité.
– Quiconque n’a plus de terre, n’a plus d’identité, et qui n’a plus de maison familiale perd cette enveloppe contenante qui ramasse les membres et sauvegarde leur unité. (Ces pertes réactivent en l’individu les fantasmes archaïques d’éparpillement et de dissolution.2)
– Cette émigration, déjà dénoncée par Ecclesia in Medio Oriente3 et par leurs Béatitudes nos patriarches, devient plus dangereuse quand elle se met « en couple » avec la dénatalité.
– On pourrait respecter et comprendre la dénatalité dans le cadre d’une « parentalité responsable », et la déplorer si elle est dictée par l’égoïsme et « l’individualisme exaspéré »4.
Mais dans notre système communautariste libanais, les autres communautés adoptent une stratégie d’expansion démographique, soit par un « natalisme » programmé, soit par la « naturalisation illégitime » d’une majorité de personnes, non chrétiennes, majorité démographique qu’ils brandissent parfois lorsque les chrétiens se réclament de leurs droits pleins et entiers de citoyens.
– N’est-ce pas une violence masquée, qu’il nous faudrait neutraliser avec vigilance ?
– Ne faut-il pas encourager et aider nos jeunes foyers à « croître et multiplier », à participer à ce don merveilleux de la vie et être des porteurs d’espérance ?
– Mais essentiellement, comment les soutenir dans leurs projets ?
Comment appliquer les deux exhortations apostoliques relatives au Liban et au Moyen-Orient qui avaient souhaité aux personnes de rester dans leur pays5 et la promotion des structures d’appui et de « soutien spirituel, moral et matériel des familles »6.
Si l’État est inconscient et défaillant, voire « pervers » à ce niveau, ne faut-il pas que l’Église, dans ses structures cléricales et laïques, prenne la relève ?
N’est-Il pas venu parmi nous pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance ?
:::__
1. Pape François, Angélus du 31/8/2015.
2. SALLOUM Souheïla, « La famille libanaise au carrefour des transmissions et des ruptures », in Annales de Philosophie et des Sciences humaines, USEK, Vol.28 /2012, p. 143-152.
3. Ecclesia in Medio Oriente, § 31 : « (…) tendrait vers un Moyen-Orient monochrome qui ne reflèterait en rien sa riche réalité humaine et historique. »
4. (I.L., § 6.)
5. Ecclesia in Medio Oriente, § 35.
6. Espérance Nouvelle pour le Liban, § 46.
[Texte original : Français]