« La cupidité est une idolâtrie » à combattre : le pape François pose le diagnostic et indique les remèdes.
Le pape a tenu l’homélie de la messe quotidienne en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe du Vatican, ce lundi matin 19 octobre. Voici notre traduction de la synthèse publiée par L’Osservatore Romano en italien.
Partant du passage de l’Évangile de Luc (12,13-21) qui montre l’homme riche préoccupé d’accumuler les produits de ses récoltes, le pape a fait observer comment « Jésus insiste contre l’attachement aux richesses » et « non contre les richesses en elles-mêmes » : en effet, Dieu « est riche » – il se présente lui-même « comme riche en miséricorde, riche de tant de dons » – mais « ce que Jésus condamne, c’est précisément l’attachement aux richesses ».
D’ailleurs il « dit clairement » combien il est « très difficile » pour un riche, c’est-à-dire pour un homme attaché aux richesses, d’entrer dans le Royaume des cieux.
Un concept, a poursuivi le pape, rappelé de manière encore plus forte : « Vous ne pouvez pas servir deux maîtres. » Dans ce cas, a souligné le pape François, Jésus n’oppose pas Dieu et le diable, mais Dieu et les richesses, parce que ce qui est « à l’opposé de servir Dieu, c’est de servir les richesses, de travailler pour les richesses, pour en avoir davantage, pour être en sécurité ». Que se passe-t-il en effet dans ce cas-là ? Les richesses « deviennent une sécurité » et la religion une sorte de « compagnie d’assurances : je m’assure avec Dieu ici, et je m’assure là avec mes richesses. » Mais Jésus est clair : « Ce n’est pas possible. »
À cet égard, le pape a aussi fait allusion au passage évangélique « du jeune homme si bon qui a ému Jésus », le jeune homme riche qui est parti « tout triste » parce qu’il ne voulait pas tout quitter pour le donner aux pauvres. « L’attachement aux richesses est une idolâtrie », a commenté le pape. Nous sommes en effet face à « deux dieux : Dieu, le vivant, le Dieu vivant, et ce dieu d’or, dans lequel je mets ma sécurité. Et ceci n’est pas possible ».
Le passage évangélique proposé par la liturgie « exprime cela : deux frères qui se disputent au sujet de leur héritage ». Une situation dont nous faisons aussi l’expérience aujourd’hui : pensons, a dit le pape, à « toutes les familles que nous connaissons, qui se sont disputées, qui se disputent, ne se saluent pas, se haïssent à cause d’un héritage ». Ce qui se produit, c’est que « le plus important n’est pas l’amour de la famille, l’amour des enfants, des frères et sœurs, des parents, non : c’est l’argent. Et cela détruit ». Tous, a affirmé le pape, « nous connaissons au moins une famille divisée pour cette raison ».
Mais la cupidité est aussi à la racine des guerres : « oui, il y a un idéal, mais derrière, il y a l’argent : l’argent des trafiquants d’armes, l’argent de ceux qui profitent de la guerre ». Et Jésus est clair : « Faites attention et tenez-vous loin de toute cupidité : c’est dangereux. » La cupidité, en effet, « nous donne cette sécurité qui n’est pas vraie et qui te pousse à prier, oui – tu peux prier, aller à l’église – mais aussi à avoir le cœur attaché et finalement, cela se termine mal ».
Revenant à l’exemple de l’Évangile, le pape a tracé le profil de l’homme dont on parle : « On voit que c’était quelqu’un de bien, c’était un bon entrepreneur. Ses terres avaient rapporté des revenus abondants, il était toujours couvert de richesses. » Mais au lieu de penser à les partager avec ses employés et leurs familles, il réfléchissait au moyen de les accumuler. Il cherchait à en avoir « toujours plus ». Et ainsi, « la soif de l’attachement aux richesses ne finit jamais. Si tu as le cœur attaché à la richesse – quand tu en as beaucoup – tu en veux encore plus. Et cela, c’est le dieu de la personne attachée aux richesses ».
C’est pourquoi, a expliqué le pape François, Jésus invite à faire attention et à se tenir loin de toute cupidité. Et ce n’est pas par hasard si, quand « il nous explique la voie du salut, les béatitudes, la première est la pauvreté d’esprit, c’est-à-dire « ne vous attachez pas aux richesses » : heureux les pauvres de cœur », ceux qui « ne sont pas attachés » aux richesses. « Peut-être en ont-ils, explique le pape, mais pour le service des autres, pour partager, pour permettre à beaucoup de personnes de progresser. »
On pourrait demander, a-t-il ajouté : « Mais Père, comment faire ? Quel est le signe qui montre que je ne suis pas dans ce péché d’idolâtrie, attaché aux richesses ? » La réponse est simple et se trouve dans l’Évangile : « depuis les premiers jours de l’Église », il y a « un signe : faites l’aumône ». Mais cela ne suffit pas. En effet, si je donne à ceux qui en ont besoin, « c’est un bon signe », mais je dois aussi m’interroger : « Combien est-ce que je donne ? Ce qui me reste ? » Dans ce cas-là, « ce n’est pas un bon signe ». Il faut que je réalise si, en donnant, je me prive de quelque chose « qui m’est peut-être nécessaire ». Dans ce cas-là, mon geste « signifie que mon amour pour Dieu est plus grand que mon attachement aux richesses ».
Par conséquent, a résumé le pape, « première question : « Est-ce que je donne ? » ; deuxième : « Combien est-ce que je donne ? » et troisième : « Comment est-ce que je donne ? » », c’est-à-dire est-ce que je le fais comme Jésus, en donnant « avec la caresse de l’amour ou comme quelqu’un qui paye ses impôts ? ». Et pour être encore plus précis, le pape poursuit : « Quand tu aides une personne, est-ce que tu la regardes dans les yeux ? Est-ce que tu lui touches la main ? » Nous ne devons pas oublier, a dit le pape, que celui qui est devant nous « est la chair du Christ, c’est ton frère, ta sœur. Et toi, à ce moment-là, tu es comme le Père qui ne permet pas que les petits oiseaux du ciel manquent de nourriture ».
Alors, a conclu le pape François, « demandons au Seigneur la grâce d’être libres de cette idolâtrie, l’attachement aux richesses » ; demandons-lui « la grâce de le regarder, lui, si riche d’amour et si riche de générosité, de miséricorde » ; et aussi la grâce « d’aider les autres par l’exercice de l’aumône, mais comme lui-même le fait ». On pourrait dire : « Mais, père, lui, il ne s’est privé de rien… » En réalité, la réponse est celle-ci : « Jésus-Christ, étant l’égal du Père, s’est privé de cela, s’est abaissé, s’est anéanti. »
Traduction de Constance Roques