L’Eglise est une « équipe de prière » explique Mgr Georg Gänswein, le préfet de la Maison pontificale, Mgr Georg Gänswein, secrétaire du pape émérite Benoît XVI.
Mgr Georg Gänswein (1956) a commencé à travailler avec le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en 1996. En 2003, il est devenu son secrétaire particulier, fonction qu’il a conservée après l’élection du cardinal comme Successeur de Pierre.
En 2012 il a été nommé préfet de la Maison pontificale et le pape François l’a confirmé dans cette fonction le 31 août 2013. Mgr Gänswein habite au monastère Mater Ecclesiae, résidence du pape émérite: le matin il célèbre la messe avec lui, ils prient le chapelet ensemble, et ils se promènent une demi-heure dans les jardins du Vatican. L’après-midi, il travaille auprès du pape François. Rencontre et retour sur le renoncement de Benoît XVI.
Cet entretien de Jaume F. Vaello a été publié en espagnol et en catalan.
Nous publions la seconde partie de cet entretien demain, vendredi 24 juillet.
Zenit – Comment faites-vous pour vous adapter à deux personnalités aussi différentes ?
Mgr Gänswein – C’est certain, ils sont très différents ; et pour moi, après une longue expérience comme secrétaire auprès du cardinal Ratzinger, puis Benoît XVI, commencer à travailler aussi avec le pape François n’a pas été facile. Disons que, pour reprendre un terme du langage informatique, j’ai du ‘me rendre compatible’, car le changement était assez prononcé. J’avais déjà reçu la charge de préfet que François a voulu reconfirmer. Ce que nous faisons – mes collaborateurs et moi – c’est servir. C’est tout. Comment fait-on? Cela dépend beaucoup du pape et de sa manière de guider l’Eglise. Toutefois, je dois dire qu’il y a un grand avantage dans tout cela : faire l’expérience de cette diversité, m’a aidé à grandir au plan humain et spirituel.
Au-delà des différences physiques – chaussures, croix… – quelque chose les différencie aussi dans ce qu’ils disent ?
Toutes ces histoires que nous entendons depuis le début du pontificat, comme par exemple, que le pape François utilise des chaussures noires, ou bien que sa croix pectorale est en argent ou pas, sont secondaires : ce sont des choses extérieures, des façons de faire. Si l’on regarde un peu mieux les contenus, on verra que dans l’exercice du munus petrinum il y a une continuité avec Benoît XVI. Et c’est juste qu’il en soit ainsi. Nous parlons d’un Sud-Américain et d’un Allemand, de deux personnalités très différentes. Le premier est éduqué, formé, dans l’esprit jésuite, et il est logique que sa manière de penser, sa manière de faire, mais aussi d’exercer le service de Pierre soit différente, comparé à quelqu’un qui a eu une formation avant tout académique et universitaire.
Deux ans après son renoncement, à quoi faisait allusion Benoît XVI en parlant de son « pèlerinage sur terre »?
Dans son dernier bref discours à Castel Gandolfo, Benoît XVI a parlé de sa « dernière étape du pèlerinage terrestre ». Auparavant, il avait dit qu’il ne serait jamais descendu de la croix, qu’il n’aurait jamais laissé le Seigneur. Il est allé sur la montagne prier pour l’Eglise et pour son successeur. Son rôle, maintenant, est d’ordre spirituel : prier pour la barque de Pierre. Il est important de rappeler que l’Eglise ne se gouverne pas uniquement à coups de décisions ou stratégies, mais aussi et surtout par la prière. L’Eglise est une « équipe de prière », et nous savons bien que plus de personnes prient mieux c’est. Au sein de cette équipe, le pape émérite a une place particulière, une place de « pèlerin ».
Comment interpréter ce renoncement ?
Nous pourrions écrire un livre entier d’hypothèses et théories à ce propos! Le 11 février 2013, le pape Benoît XVI a lu une déclaration brève et très claire expliquant ses raisons. Tout ce qui a été dit d’autre est une hypothèse totalement privée de fondement. Si des individus, voire des courants, sont contre Benoît XVI, cela est sans importance comparé à ce renoncement. Il est évident qu’une personne comme lui a longtemps réfléchi à une question d’une aussi grande importance. Il ne s’est laissé intimider par personne. Il a été très clair dans sa conversation avec Peter Seewald, plusieurs années avant sa démission: « Quand il y a les loups, quand il y a danger, le berger ne doit pas laisser son troupeau ». Il ne l’a pas fait à l’époque, et ne l’a jamais fait, ça n’est pas une fuite de sa part. C’est la vérité et l’unique explication sur les raisons de son renoncement.
Vous avez parlé de « fruits » de ce renoncement : quels sont-ils?
Le pape Benoît XVI s’est rendu compte que pour guider l’Eglise d’aujourd’hui il faut avoir de la force, spirituelle mais aussi physique. Renoncer à la papauté pour laisser la place à quelqu’un de plus jeune et plus fort est un geste de grande humilité. Je pense qu’il s’agit d’un grand exemple d’amour du Seigneur et de l’Eglise, un exemple que tous peuvent comprendre. En regardant le pontificat du pape François, on peut voir que l’image de l’Eglise a changé en mieux. Le pape Benoît XVI a fait le premier pas pour que cela change : il a ouvert la porte pour parcourir ce chemin. Je pense qu’il pourra y en avoir d’autres.
Au moment du renoncement, par quels sentiments étiez vous habité ?
Ce furent des journées très difficiles, mais le gros travail commença en réalité au moment où le pape Benoît m’a dit ce qu’il voulait faire, de nombreux mois auparavant. Naturellement je devais me taire et, comme on peut bien l’imaginer, cela demandait un gros effort. Ce fameux 11 février et puis, le 28, j’ai été traversé par des sentiments de gratitude…, mais aussi de tristesse, et aussi par quelque chose de comparable à une sorte de deuil. Mais le Saint-Père avait pris sa décision, une décision de conscience, coram Deo – devant Dieu – et donc à respecter et à suivre.
Pourquoi Joseph Ratzinger vous a-t-il choisi comme secrétaire?
Quelle question! Il avait 75 ans et il était convaincu que Jean-Paul II accepterait sa démission. Je travaillais déjà à la Congrégation pour la doctrine de la foi et son secrétaire de l’époque venait juste de recevoir de nouvelles charges à la Congrégation pour la vie consacrée. Le cardinal avait besoin de quelqu’un qui lui serve de secrétaire et il m’a choisi. Il ne m’a pas expliqué pourquoi moi, et moi je ne l’ai jamais demandé. Bien sûr, cela m’a surpris; mais il a pris cette décision et j’ai accepté.
Vous avez été surpris de voir le cardinal Ratzinger devenir pape ?
Oui, naturellement. Je n’aurais jamais imaginé cela, et je crois le cardinal lui-même encore moins. Il a été élu. Il voulait se retirer mais il en fut autrement! Il a accepté d’être élu pape car il y a vu la volonté de Dieu. Et je suis devenu secrétaire d’un pape. Pour moi aussi cette période fut comme un tsunami, vous pouvez l’imaginer.
(à Suivre)
Traduction d’Océane Le Gall