Prière Eucharistique III : Offrande et sacrifice

Dans cette 29e chronique sur les prières eucharistiques, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, poursuit sa lecture théologique et spirituelle de la Prière eucharistique III (11e volet) sur la réalité de l’offrande et du sacrifice.

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Depuis le début de ces chroniques, il a déjà été question de l’offrande : « offrande pure », « offrande vivante et sainte ». C’est un mot-clé dans toutes les prières eucharistiques. Mais un autre lui fait (liturgiquement) concurrence : « sacrifice ».

Passons en revue les emplois de ces deux mots qui jalonnent la Prière.

. « Tu ne cesses de rassembler ton peuple, afin qu’il te présente, partout dans le monde, une offrande pure. »

. « Nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons » (avant la consécration).

. « Nous présentons cette offrande vivante et sainte » (après la consécration).

. « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Eglise et daigne y reconnaître celui de ton Fils. » 

. « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire. »

. « Par le sacrifice qui nous réconcilie avec toi, étends au monde entier… »

Deux mots français (« offrande » et « sacrifice ») traduisent quatre mots latins : les deux qui leur correspondent exactement et deux autres, munus et hostia. Chacun de ces deux derniers mots possède sa nuance propre. L’un est surprenant et l’autre est difficile à entendre : c’est pourquoi il faut s’y arrêter.   

Cadeau !

Comme il a déjà été dit, munus fait penser à « cadeau » ou à « don ». Les mages apportent leurs munera. Comme les riches qui mettent de grosses pièces dans le tronc (Luc 21, 1). C’est normal que ce terme soit employé pour désigner ce que les fidèles ont apporté pour la célébration.

Ce qui est plus étonnant, c’est que ce même mot serve pour demander à l’Esprit Saint de faire de nous un munus éternel à la gloire de Dieu. Quel cadeau ! En fait, c’est un emprunt à une vieille prière sur les offrandes (on disait alors « secrète ») du lundi de Pentecôte qui était encore un peu plus audacieuse : « Daignez, Seigneur, sanctifier ces dons, et en agréant l’offrande de l’Hostie spirituelle, faites-Vous de nous-mêmes un munus éternel. »

Dieu se faisant un cadeau : l’idée est plaisante. Mais plus encore que nous puissions être une source de joie pour Dieu ! C’est pourtant ce qui est dit dans les trois paraboles de la miséricorde (Luc 15) : « … il y a plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur… »

La Prière Eucharistique IV a une formule assez semblable : « … pour qu’ils soient une vivante offrande à la louange de ta gloire ». C’est la doctrine de saint Paul : « Je vous exhorte, frères, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre » (Romains 12, 1).  

Des mots qui font peur !

La deuxième prière après la consécration commence ainsi : « Regarde, Seigneur, le sacrifice de ton Eglise et daigne y reconnaître celui de ton Fils… » La traduction est assez éloignée de l’original : « Regarde, nous t’en prions, vers l’offrande de ton Eglise et, reconnaissant l’Hostie par l’immolation de qui tu as voulu être apaisé, accorde…. » Cette tournure est, évidemment, imprononçable. Mais ce sont surtout les mots du texte originel qui ont fait peur aux traducteurs : ils ont pensé que, faute de culture biblique, le fidèle francophone frémirait d’horreur en les entendant.

« Hostie », au départ, signifie « victime ». Le sens s’est étendu pour finir par désigner n’importe quel type d’offrande. Mais ici, sans doute, « hostie » a bien le sens de « victime » : saint Jean n’hésite pas à employer ce terme (1 Jean 2, 2 ; 4, 10). L’Hostie, c’est le Christ en croix. Dans le texte originel, « Hostie » est écrit avec une majuscule. Quant à « Immolation », le mot renvoie à la Pâque : « Notre pâque, le Christ, a été immolée » (1 Corinthiens 5, 7). Dans l’Eucharistie, le Père reconnaît, non seulement le sacrifice de son Fils, mais son Fils lui-même.

Le mot le plus scandaleux pour une oreille moderne est : « apaisé ». Dieu apaisé par la mort de son Fils : nous voici revenus aux pires schémas d’une justice divine colérique et vengeresse, d’un Dieu assoiffé de sang. « Apaiser » est un mot très fréquent quand l’Ancien Testament parle des sacrifices. Que ce soit la fumée de l’holocauste ou celle de l’encens, elle est un « parfum d’agréable odeur», qui plaît à Dieu.

Par exemple, quand les eaux du déluge se sont retirées, Noé offre un sacrifice : « le Seigneur respira l’agréable odeur et il se dit en lui-même : ‘Je ne maudirai plus jamais la terre à cause de l’homme’ » (Genèse 8, 21). L’image se retrouve chez les prophètes : «  Je rechercherai et j’accueillerai vos offrandes… Comme un parfum d’apaisement, je vous accueillerai… quand je vous rassemblerai des pays où vous êtes dispersés » (Ezéchiel 20, 40-41). Le terme du processus se trouve chez saint Paul : « Le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Ephésiens (5, 2)     

Le mot « hostie » est encore employé un peu plus loin dans la Prière Eucharistique : que « l’hostie de notre réconciliation » serve à la paix et au salut du monde entier. Pour la réconciliation, de bonnes paroles ne suffisent pas : « En sa chair, il a tué la haine » (Ephésiens 2, 14, 16).  

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Jacques Perrier

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