« Des jours et surtout des nuits de négociations intenses sont derrière nous. La crise en Grèce a, au cours des dernières semaines, occupé à plein temps non seulement le monde politique, mais aussi tous les Européens et ce, sans l’assurance d’une issue positive. Je remercie tous ceux qui se sont engagés pour que ces négociations aboutissent à une réussite pour le Projet européen. Contre toute attente, les responsables – les représentants des Institutions européennes, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la zone euro et les Ministres des Finances – ne se sont pas laissés dissuader de se battre pour une solution européenne commune. Ces remerciements je les adresse avant tout aux femmes et aux hommes dont, au bout du compte, c’est l’implication personnelle qui a mené à une solution.
Les négociations furent difficiles, très difficiles, à la hauteur des enjeux pour toutes les parties prenantes. Bien sûr nous pourrions chercher les responsables de cette situation difficile, mais il est bien plus important d’aller de l’avant dans un esprit de communauté. Le travail à accomplir est aujourd’hui immense et la Grèce ne pourra s’en sortir qu’avec l’aide de ses partenaires européens. Le peuple grec dans sa grande majorité souhaite rester dans l’Union européenne et dans la zone euro. Tout comme les Etats membres veulent que la Grèce reste dans l’Union. La divergence des opinions au sein des pays européens par rapport à l’accord de lundi, montre que la solution est un compromis européen standard. Il est de l’intérêt de chacun que la Grèce retrouve rapidement la croissance économique et que l’intégration européenne s’intensifie. Il est donc essentiel que tous les Européens se concentrent sur leurs tâches et objectifs communs et qu’ils oeuvrent ensemble à leur réalisation.
Pour réussir, il faut avant tout restaurer la confiance qui a été perdue. La consolidation économique et financière, tout comme la collaboration au niveau européen dans d’autres domaines, ne peut progresser sans une confiance mutuelle des Etats et Gouvernements. De même faudra-t-il s’affranchir des préjugés et stéréotypes entre les peuples qui ont été nourris par l’atmosphère tendue de ces dernières semaines. Tous devront prendre des mesures visant à rétablir la confiance si l’on veut apaiser le climat en Europe et avancer ensemble vers l’avenir de manière constructive.
L’Eglise a toujours soutenu le projet d’intégration européen. Je me réjouis donc véritablement qu’une solution européenne ait été trouvée par les Chefs d’Etat et de Gouvernement et que l’Europe et la zone euro ne s’étiolent pas. De nombreuses questions méritent cependant d’être posées : Le paquet de mesures trouvé est-il viable ? Ces mesures permettront-elles à la Grèce de se relever ? Qu’en est-il des pauvres et des faibles ? J’encourage tous les Européens à continuer à s’engager pour un succès commun. Des défis aussi grands et à aussi long terme nécessitent des solutions courageuses et créatives. Jusqu’à présent l’éradication des causes structurelles de la crise n’a pas été suffisamment abordée. Il reste pourtant beaucoup à faire : la lutte contre le chômage des jeunes, la préoccupation commune pour les réfugiés, l’engagement pour la paix en Europe (par ex. en Ukraine) et dans son voisinage (par ex. au Proche et Moyen Orient).
Il est donc nécessaire de tirer les leçons des événements de ces dernières semaines et de tirer des conclusions de la crise. L’Union européenne ne peut se permettre que ses dirigeants passent des nuits à régler des drames. Les Etats membres de l’UE doivent travailler sur les fondements de l’Union économique et monétaire, parce que l’Europe a besoin d’une plus grande coordination politique sur les questions économiques, monétaires et sociales. Si l’UE veut avancer à nouveau vers l’avenir d’un même pas et éviter à long terme les crises monétaires et les instabilités sociales récurrentes, elle doit impérativement repenser la coopération économique et monétaire européenne.
L’intégration européenne a apporté la paix, la sécurité et la prospérité aux Européens. Ces aboutissements doivent être accessibles à tous. L’Europe est un projet de réconciliation, pas de division. Tous les Européens doivent à présent travailler main dans la main pour faire progresser le Projet européen. Cela va au-delà de l’euro. Il s’agit de repenser entièrement l’idéal européen, doté de nouveaux objectifs et d’un nouvel engagement. Les tâches de la période fondatrice de l’Union européenne sont loin d’être terminées. En tant que Chrétiens, nous sommes prêts à continuer à soutenir ce projet avec conviction. »
Cardinal Reinhard Marx
Président de la COMECE
Archevêque de Munich-Freising