Bolivie : "Je suis un homme pardonné", dit le pape aux prisonniers

Au troisième jour de sa visite en Bolivie, le pape François s’est rendu à la prison de Palmasola, souhaitant apporter aux détenus « Jésus Christ, la miséricorde du Père » et les encourageant à s’entraider (texte intégral).

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« Je suis un homme pardonné », dit le pape aux prisonniers de Palmasola qu’il a tenu à rencontrer au troisième et dernier jour de sa visite en Bolivie, deuxième étape de son voyage en Amérique latine, ce 10 juillet 2015.

Le pape s’est présenté à eux ainsi : « Celui qui est devant vous est un homme pardonné. Un homme qui a été et qui est sauvé de ses nombreux péchés… Je n’ai pas grand chose de plus à vous donner ou à vous offrir, mais ce que j’ai et ce que j’aime, oui, je veux vous le donner, oui, je veux vous le partager : Jésus Christ, la miséricorde du Père. »

Après avoir célébré la messe en privé, le pape François a pris congé de la résidence de l’archevêque émérite de Santa Cruz de la Sierra et a rejoint en voiture le Centre de rééducation Santa Cruz-Palmasola, connu pour le surpeuplement – 4.000 détenus – la lenteur de la justice et la violence qui y règnent.

Il a été accueilli à 9h30 (15h30 à Rome) par le directeur de la prison, l’aumônier et l’évêque responsable de la pastorale des prisons, Mgr Jesús Juárez Párraga, SDB, archevêque de Sucre. Puis il a rejoint le terrain de sport du secteur des hommes PC-4 pour rencontrer une foule de détenus.

Après les témoignages de trois détenus, le pape a déploré « le surpeuplement, la lenteur de la justice, le manque de thérapies d’occupation et de politiques de réhabilitation, la violence » qui sévissent à Palmasola, en encourageant les prisonniers : « Nous ne pouvons pas considérer que tout est perdu. Il y a des choses que nous pouvons faire déjà maintenant… la cohabitation dépend en partie de vous. »

« La souffrance et la privation peuvent rendre notre cœur égoïste et donner lieu à des conflits, mais nous avons aussi la capacité de les transformer en occasion d’authentique fraternité. Aidez-vous entre vous. N’ayez pas peur de vous entraider. Le diable cherche la rivalité, la division, les factions. Luttez pour aller de l’avant », a-t-il exhorté.

« La réclusion n’est pas la même chose que l’exclusion, parce que la réclusion fait partie d’un processus de réinsertion dans la société », a aussi souligné le pape, invitant « tous ceux qui travaillent dans ce Centre » à « relever et non abaisser ; donner la dignité et non humilier ; encourager et non causer de la peine. Un processus qui demande d’abandonner une logique de bons et de mauvais pour passer à une logique centrée sur l’aide à la personne ».

A.K.

Discours du pape François

Chers frères et sœurs, bonjour,

Je ne pouvais pas quitter la Bolivie sans venir vous rencontrer, sans partager la foi et l’espérance qui naissent de l’amour offert sur la croix. Merci de m’avoir accueilli. Je sais que vous vous êtes préparés et que vous avez prié pour moi. Je vous remercie beaucoup.

Dans les paroles de Mgr Jésus Juárez – sa calotte s’envole à cause du vent et le pape dit : je ne sais pas si j’ai mal à la tête, il n’y a pas de problème – et dans les témoignages de ceux qui sont intervenus, j’ai pu constater combien la douleur n’est pas en mesure d’éteindre l’espérance au plus profond du cœur, et que la vie continue à germer avec force dans des circonstances adverses.

Qui est devant vous ? Vous pourriez vous le demander. J’aimerais répondre à la question avec une certitude de ma vie, avec une certitude qui m’a marqué pour toujours. Celui qui est devant vous est un homme pardonné. Un homme qui a été et qui est sauvé de ses nombreux péchés. Et c’est ainsi que je me présente. Je n’ai pas grand chose de plus à vous donner ou à vous offrir, mais ce que j’ai et ce que j’aime, oui, je veux vous le donner, oui, je veux vous le partager : c’est Jésus, Jésus Christ, la miséricorde du Père.

Il est venu nous montrer, rendre visible l’amour que Dieu a pour nous. Pour vous, pour vous, pour vous, pour vous, pour moi. Un amour actif, réel. Un amour qui a pris au sérieux la réalité des siens. Un amour qui guérit, pardonne, relève, soigne. Un amour qui s’approche et restitue la dignité. Une dignité que nous pouvons perdre de multiples façons et formes. Mais Jésus est un obstiné en cela : il a donné sa vie pour cela, pour nous restituer l’identité perduepour nous revêtir de toute sa force de dignité.

Il me vient à la mémoire une expérience qui peut nous aider : Pierre et Paul, disciples de Jésus, ont aussi été prisonniers. Ils ont aussi été privés de la liberté. En cette circonstance, il y a quelque chose qui les a soutenus, quelque chose qui ne les a pas laissé tomber dans le désespoir, dans l’obscurité qui peut jaillir du non sens. Ce fut la prière. Ce fut de prier. La prière personnelle et communautaire. Ils ont prié et on priait pour eux. Deux mouvements, deux actions qui ensemble forment un réseau qui soutient la vie et l’espérance. Ce réseau nous soutient dans le désespoir et nous stimule à continuer à marcher. Un réseau qui soutient la vie, la vôtre et celle de vos proches. Tu as parlé de ta mère. La prière des mères, la prière des épouses, la prière des enfants, c’est un réseau, et le vôtre, qui fait avancer la vie.

Car, lorsque Jésus entre dans la vie de quelqu’un, celui-ci ne reste pas emprisonné dans son passé, mais il commence à regarder le présent d’une autre manière, avec une autre espérance. Il commence à se regarder lui-même d’un autre œil, ainsi que sa propre réalité. Il ne reste pas ancré dans ce qui est arrivé, mais il est en mesure de pleurer et d’y trouver la force de recommencer. Et si à certains moments nous nous sentons tristes, mal, abattus, je vous invite à regarder le visage de Jésus crucifié. Dans son regard, nous pouvons tous trouver place. Nous pouvons tous lui confier nos blessures, nos douleurs ainsi que nos erreurs, nos péchés. Tant de choses où nous pouvons nous être trompés. Dans les plaies de Jésus, nos plaies trouvent place. Nous sommes tous blessés, d’une façon ou d’une autre. Apportons nos plaies aux plaies de Jésus : pour quoi ? Pour être soignées, lavées, transformées, ressuscitées. Il est mort pour vous, pour moi, pour nous donner la main et nous soulager. Parlez avec les prêtres qui viennent, parlez, parlez avec les frères et sœurs qui viennent, bavardez, bavardez, avec toute personne qui vient vous parler de Jésus. Jésus veut toujours nous relever.

Cette certitude nous pousse à travailler pour notre dignité. La réclusion n’est pas la même chose que l’exclusion, parce que la réclusion fait partie d’un processus de réinsertion dans la société. Les éléments qui jouent contre vous sont nombreux en ce lieu – je le sais bien et vous l’avez mentionné avec une grande réalité – : le surpeuplement, la lenteur de la justice, le manque de thérapies d’occupation et de politiques de réhabilitation, la violence, le manque de possibilités d’études universitaires. Et cela rend nécessaire une synergie rapide et efficace entre les institutions pour trouver des réponses.

Toutefois, pendant qu’on lutte pour cela, nous ne pouvons pas considérer que tout est perdu. Il y a des choses que nous pouvons faire déjà maintenant.

Ici, dans ce Centre de Réhabilitation, la cohabitation dépend en partie de vous. La souffrance et la privation peuvent rendre notre cœur égoïste et donner lieu à des conflits, mais nous avons aussi la capacité de les transformer en occasion d’authentique fraternité. Aidez-vous entre vous. N’ayez pas peur de vous entraider. Le diable cherche la dispute, la rivalité, la division, les factions. N’entrez pas dans son jeu. Luttez pour aller de l’avan
t.

J’aimerais vous demander de porter mes salutations à vos familles, certains sont ici. Leur présence et leur aide sont si importantes ! Les grands-parents, le père, la mère, les frères, la femme, les enfants. Ils nous rappellent qu’il vaut la peine de vivre et de lutter pour un monde meilleur.

Enfin, une parole d’encouragement à tous ceux qui travaillent dans ce Centre : aux dirigeants, aux agents de la Police pénitentiaire, à tout le personnel. Vous accomplissez un service public fondamental. Vous avez une mission importante dans ce processus de réinsertion. La mission de relever et non d’abaisser ; de donner la dignité et non d’humilier ; d’encourager et non de causer de la peine. Un processus qui demande d’abandonner une logique de bons et de mauvais pour passer à une logique centrée sur l’aide à la personne. Et cette logique d’aider les personnes vous sauvera de tout type de corruption et améliorera votre situation à tous. Cela créera de meilleures conditions pour tous. Car un processus vécu ainsi nous grandit, nous encourage et nous relève tous.

Avant de vous donner la Bénédiction je voudrais que nous priions un moment en silence, en silence dans votre coeur. Chacun sait comment le faire…

S’il vous plaît, je vous demande de continuer à prier pour moi, parce que j’ai moi aussi mes erreurs et je dois faire pénitence. Merci. Et que Dieu Notre Père voie notre cœur, Dieu notre Père, qui nous aime, nous donne sa force, sa patience, sa tendresse de Père, nous bénisse. Et n’oubliez pas de prier pour moi.

© Librairie éditrice du Vatican et Zenit, Anita Bourdin pour les passages improvisés.

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ZENIT Staff

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