Mgr Silvano Maria Tomasi

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ONU : pour combattre le terrorisme, priorité aux victimes

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Combattre le terrorisme et prévenir le terrorisme: analyse du Saint-Siège à l’ONU à Genève. Mgr Tomasi rappelle la priorité de protéger les victimes.

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Pour combattre le terrorisme, la priorité est de protéger les populations, c’est ce que rappelle le Saint-Siège à l’ONU.

Mgr Silvano M. Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, est en effet intervenu à Genève, mardi 30 juin, lors de la 29ème session du Conseil des droits de l’homme dans le cadre du « Groupe d’étude sur les effets du terrorisme sur la jouissance par toutes les personnes des droits humains et des libertés fondamentales ».

Mgr Tomasi a offert une analyse du phénomène du terrorisme et de ses conséquences, avant de recommander « l’effort de collaboration de la communauté internationale ».

« Les efforts pour arriver à une approche commune de la lutte contre le terrorisme doivent toujours donner la priorité aux victimes du terrorisme », recommande le Saint-Siège. Mgr Tomasi avertit  que « des motifs financiers, politiques ou idéologiques ne devraient jamais prévaloir sur la recherche d’une vision unifiée de la manière de combattre le fléau du terrorisme ».

Voici notre traduction intégrale de cette intervention pleine d’actualité.

Intervention de Mgr Tomasi

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège est reconnaissant envers le Conseil des droits de l’homme de consacrer un groupe d’études spécial de cette 29ème session pour discuter des effets du terrorisme sur la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales.

En particulier, nous reconnaissons le rapport approfondi et instructif du rapporteur spécial. Le terrorisme est une réalité terrible qui affecte toutes les parties du monde, détruisant des vies innombrables, menaçant les sociétés et annihilant des cultures et leur histoire. Il faut malheureusement admettre que la communauté internationale n’a pas toujours été efficace dans la prévention et la lutte contre le terrorisme, en particulier au Moyen-Orient et dans différentes parties d’Afrique. Depuis l’an 2000, le monde a été le témoin d’une hausse vertigineuse de 500% du nombre des victimes d’attaques terroristes. En particulier, ces deux dernières années ont vu une augmentation effrayante du nombre de victimes innocentes aux mains des groupes Daech et Boko Haram, entre autres. En 2013, par exemple, 82% de ces victimes ont été tuées dans seulement cinq pays: l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan, le Nigeria et la Syrie. Tout en considérant les effets négatifs du terrorisme sur la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales, nous devrions aussi montrer clairement dans notre raisonnement que ces effets se poursuivront, et empireront bien sûr, si les causes du terrorisme ne sont pas clairement et rapidement traitées par les États nationaux concernés et par la communauté internationale.[1]

Monsieur le Président,

La délégation du Saint-Siège aimerait dénoncer tout spécialement les actes terroristes menés au nom de la religion. Comme le déclare le pape François, « le fondamentalisme religieux, en effet, plus encore que rejeter les êtres humains en perpétrant des massacres horribles, refuse Dieu lui-même, le reléguant au rang de pur prétexte idéologique ». [2] Le terrorisme est un moyen politique pour influencer les comportements et pour atteindre ses objectifs par la peur. Les actes de terrorisme causent la destruction des droits humains, des libertés politiques et de l’État de droit. Le terrorisme est l’antithèse des valeurs et engagements partagés qui servent de fondement à la coexistence pacifique sur le plan domestique et sur le plan international. En effet, avec la prolifération du terrorisme et l’impunité dont jouissent ses partisans, nous pouvons dire qu’il y a aussi une « mondialisation du terrorisme ». Se développant à partir d’une « stratégie subversive, typique de quelques organisations extrémistes, visant à la destruction des choses et au meurtre des personnes, le terrorisme s’est transformé en un réseau obscur de connivences politiques » [3] dans lequel des pouvoirs politiques antagonistes sont tentés de jouer un rôle en fournissant les ressources de la technologie moderne, d’armes sophistiquées et de financement à ces organisations terroristes. Ainsi se crée une situation où une volonté politique positive des principaux acteurs est nécessaire afin de traiter et de résoudre le problème du terrorisme mondial et ses effets désastreux.

Monsieur le Président,

Les tragiques effets humanitaires et sociaux du terrorisme sont déjà bien connus. En premier lieu, la violation la plus grave est le mépris complet de la vie humaine innocente, le droit fondamental sur lequel tous les autres droits humains sont fondés. « Les États sont donc tenus de protéger le droit à la vie de toutes les personnes se trouvant sur leur territoire et cette obligation ne souffre d’aucune dérogation, même en cas de danger public exceptionnel ».[4] Puisque le terrorisme ne reconnaît pas la dignité de ses victimes, il ne reste aucune autre base ou logique selon laquelle les autres droits et libertés fondamentaux de la personne humaine seront respectés. En tant que tel, nous voyons une sorte d’ « effet domino », notamment, une fois que vous niez à une personne son droit à la vie, vous refusez les autres droits fondamentaux, y compris le droit à la liberté de croyance et de culte, le droit à l’expression et la liberté de conscience, le droit à l’éducation et le droit d’être traité avec une dignité égale à n’importe quel autre citoyen d’une nation, indépendamment des différences de religion, de statut social et économique, de langue et d’ethnie.

En raison de la violence des nouvelles formes de terrorisme et de la violation du droit humanitaire international, la communauté internationale est confrontée au défi de répondre à l’afflux de réfugiés fuyant ces zones troublées pour trouver un refuge sûr. Ces pays d’accueil ne doivent pas seulement être loués pour leur volonté de fournir une protection mais ils ont, eux aussi, besoin de l’assistance de la communauté internationale pour faire face à la crise humanitaire afin d’éviter l’explosion de nouveaux problèmes sur leur terre. Le terrorisme encourage aussi la traite de personnes et le trafic d’armes, créant ainsi un marché noir pour le commerce humain. Là où le terrorisme s’est effectivement installé, des dommages sociaux et culturels irréparables ont été causés, qui auront des répercussions sur les générations futures. En détruisant l’infrastructure de villes et de régions, en particulier en attaquant les bâtiments gouvernementaux, les écoles et les institutions religieuses, le terrorisme met littéralement une société à genoux. En outre, la démolition de sites culturels et anciens par les terroristes menace d’annihiler l’histoire de cultures et de populations. Une telle destruction crée un terrain favorable à un extrémisme encore plus violent, perpétuant ainsi le cercle vicieux de la violence qui propage davantage de violence.

Monsieur le Président,

À côté des effets dévastateurs sociaux et humanitaires qui, en réalité, sont beaucoup plus immédiats et concrets, les effets politiques négatifs actuels du terrorisme continueront de se répercuter, de bien des manières, d’une façon imprévisible pour les générations encore à venir. L’impact politique du terrorisme est multiforme et les parties qui facilitent ou soutiennent de façon occulte, financi
èrement ou autrement, des activités terroristes en vue de leurs agendas politiques futurs, ne sont pas toujours très clairement identifiées. Néanmoins, on ne peut douter que le terrorisme a des effets politiques et influe sur le processus politique, au moins dans des États démocratiques et partiellement démocratiques. En plus de créer un environnement d’instabilité politique pour les pays et régions qui souffrent le plus du terrorisme, l’effet politique à l’échelle mondiale continue de croître. Des gouvernements dans le monde, utilisant dans certains cas le terrorisme comme une excuse, sont préoccupés pour la sécurité nationale et les efforts pour lutter contre le terrorisme, certains d’entre eux portant atteinte à la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales. Ceci montre que l’instabilité politique et la fragmentation causées par le terrorisme créent une réaction équivalente et contraire avec des conséquences politiques graves. En ce sens, l’effort de collaboration de la communauté internationale est d’autant plus nécessaire. Les efforts pour arriver à une approche commune de la lutte contre le terrorisme doivent toujours donner la priorité aux victimes du terrorisme; des motifs financiers, politiques ou idéologiques ne devraient jamais prévaloir sur la recherche d’une vision unifiée de la manière de combattre le fléau du terrorisme.

La façon la plus évidente dont le terrorisme peut influencer le processus politique est d’amener des changements dans l’opinion publique, que les gouvernements ont ensuite tendance à prendre en compte en formulant leurs politiques. Il peut être très difficile pour des gouvernements de résister à la pression de l’opinion publique en faveur d’une réaction forte à la suite d’une attaque terroriste. L’impact du terrorisme sur l’opinion publique, toutefois, n’est pas aussi direct ou prévisible que l’on pourrait l’imaginer. Il n’existe pas de réponse publique uniforme à une attaque terroriste. Et les attaques terroristes ne changent pas nécessairement les opinions politiques des populations. Plus les peuples ont de confiance dans leurs propres valeurs, moins ils sont susceptibles de changer à la suite d’un événement majeur, comme une attaque terroriste. Enfin, le rôle et le pouvoir des médias dans la formation et l’information de l’opinion publique, quand ils traitent des événements terroristes, sont de la plus haute importance.

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège est profondément convaincu que le terrorisme, en particulier ces formes qui dérivent de l’extrémisme religieux, doit être affronté avec des efforts politiques concertés de tous les acteurs, en particulier de toutes les parties locales et régionales impliquées, ainsi que par les acteurs internationaux majeurs, dont le rôle est indispensable pour négocier et trouver une solution viable, diplomatique ou autre, afin de protéger la vie et la stabilité future des régions touchées par le terrorisme. La réponse au terrorisme ne peut pas se faire simplement par voie d’action militaire. La participation politique, des systèmes juridiques justes et équitables, et couper toutes les formes de soutien public et privé au terrorisme, sont des moyens non seulement pour réagir au terrorisme, mais aussi pour le prévenir. Il est aussi important de se souvenir de l’obligation positive qui incombe aux États d’entreprendre afin de protéger leurs citoyens et, là où ce n’est pas possible, de collaborer avec les autres autorités régionales afin de faire face aux menaces représentées par les groupes terroristes.

Merci, Monsieur le Président.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

 

 

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ZENIT Staff

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