Zenit – Vous êtes un prêtre français incardiné en Italie et curé de paroisse à Ciampino, près de Rome. Vous venez de publiez en italien chez Cantagalli un livre sur la différence sexuelle. Quelle est la genèse de ce livre?
P. Etienne Roze – Exact, je suis curé de paroisse à Ciampino, ville connue pour son aéroport qui se situe au sud de Rome. Cependant avant de devenir curé j’ai partagé, pendant plus de 30 ans, une intense vie pastorale avec de nombreux jeunes, ce qui m’a permis d’affronter avec eux les thèmes qui les intéressent, donc la différence sexuelle.
Pendant l’été 2003, une mère de famille me disait presque furtivement: “Le problème aujourd’hui c’est la différence; le masculin et le féminin s’effacent de plus en plus pour laisser place à un étrange indifférencié”. Cette affirmation mettait à la lumière une intuition observée auprès des jeunes mais que je n’arrivais pas encore à formuler.
A partir de ce moment, je n’ai cessé d’approfondir le thème de la différence homme-femme et les causes de son éclipse culturelle et politique. Si j’ai parcouru une vaste bibliographie pour avoir la confirmation de mes intuitions, l’originalité de cette étude remonte cependant aux très nombreux échanges vécus avec les milliers de jeunes rencontrés.
Et c’est ainsi que j’ai soutenu en 2014 ma thèse de doctorat à l’Institut Pontifical Jean Paul II pour les études sur le mariage et la famille (Université du Latran -Rome). Considérant le climat culturel et politique qui va de plus en plus vers la négation de la “différence sexuelle” pour favoriser la “différence des sexualités” j’ai décidé de publier, aux éditions Cantagalli de Sienne, cette thèse afin de la rendre accessible à beaucoup, c’est-à-dire à ceux et celles qui cherchent à approfondir les raisons ultimes de la différence sexuelle.
Pourquoi avez-vous donné ce titre à votre livre?
Le titre du livre ou plus exactement de ma thèse de doctorat est, en italien: “Verità e splendore della differenza sessuale”. Ce n’est pas un titre par hasard mais déjà une direction qui veut être dynamique afin de donner au livre une âme et donc rendre la lecture la plus intéressante possible. En effet, la beauté et la splendeur comme éclat du vrai obligent!
D’une certaine façon, nul être humain est vraiment libre face au bonheur car tout homme veut être heureux chacun à sa façon, il en va de même pour la beauté. Ce livre donc est traversé par la beauté ou plus exactement par la splendeur qui habite la relation privilégiée entre l’homme et la femme et vice versa: c’est la clef de lecture pour comprendre, comme il se doit, les sept chapitres qui affrontent la vérité de la différence sexuelle. Cela donne à l’ensemble un mouvement à la fois progressif et unitaire qui permet au lecteur d’entrer à “petits pas” dans la profondeur du projet du Dieu créateur.
Quelle est l’articulation de votre livre?
Le premier chapitre – “Une révolution anthropologique” – étudie les causes de la gender theory, mais aussi ses applications autrement dit l’antagonisme marxiste, appelé homophobie et lutte à l’homophobie, qui oppose les nombreux genres queers (d’où la queer theory) à l’hétérosexualité dans l’intention de “déconstruire” le modèle binaire homme-femme; il étudie encore les stratégies de l’idéologie de la gender theory qui s’infiltrent subrepticement dans l’éducation des petits et des adolescents pour imposer des modèles indifférenciés ou revendiquer la parité des couples de personnes de même sexe avec les couples hétérosexuels.
Face à ces perspectives dont l’horizon veut être une redéfinition de l’anthropologie, c’est-à-dire un “transhumanisme”, les six autres chapitres du livre, par contraste, réagissent à cette dérive en mettant en évidence la vérité et la splendeur de la différence sexuelle qui est considérée sous divers points de vue, philosophique, exégétique, biologique, anthropologique, phénoménologique, psychologique et théologique.
C’est ainsi que le deuxième chapitre – “L’insaisissable différence” – pose les bases philosophiques de l’étude en approfondissant le concept de différence pour, ensuite, l’appliquer à la différence sexuelle qui se présente comme complémentaire, réciproque, chiasmatique et asymétrique.
Le troisième chapitre – “Mise en comparaison du mythe de l’androgyne avec le récit de la Genèse” – analyse dans le détail les paroles fondatrices et les “expériences originaires” de l’anthropologie biblique de la Genèse (chapitre 1 et 2) pour recueillir l’essence de la différence sexuelle à la lumière de la Parole de Dieu.
Grâce à l’apport des deux précédents chapitres, le quatrième – “Repartir du corps” – peut enfin affronter la théologie du corps, c’est-à-dire le corps vivant signifié et signifiant ou “corporéité” qui n’est autre que l’épiphanie de la personne. Une étude d’autant plus importante que la gender theory nie toute signification au corps lequel est réduit à un amas de cellules biologiques, l’être humain étant alors libre de décider de son genre et de définir son identité.
Dans la ligne du précédent, le cinquième chapitre – “L’intériorisation de l’identité dans la société de Narcisse” – par contraste à une culture qui s’est bloquée sur le stade pré-oedipique ou sexualité primitive, reprend et approfondit une par une les étapes nécessaires et fondamentales de l’élaboration de l’identité dans un contexte identitaire flou et nébuleux.
Le sixième chapitre – “Un chant à deux voix” – rassemblant les données jusque là analysées peut enfin mettre en relation les identités de l’homme et de la femme lesquelles, grâce à leur rencontre, mûrissent et s’accroissent en “un chant à deux voix”. Parmi les nombreux aspects de cette réflexion, il faut considérer l’excellente étude sur la vocation du père et de la mère, aujourd’hui plus que nécessaire.
Ce livre ne pouvait pas s’achever sans oser une autre différence, non plus celle de l’homme avec la femme et vice versa mais celle du Christ avec l’Eglise, ou différence sponsale qui est le “archétype théologique” de la différence sexuelle et le fondement de sa vérité et de sa splendeur: c’est la septième chapitre ou “Le Grand mystère”. R
estait une dernière question: savoir si ce livre devait avoir une conclusion. J’ai choisi de laisser la porte ouverte sur la pastorale de la différence, si importante aujourd’hui pour les familles, les enfants et les adolescents.
Vous envisagez une traduction en français?
J’ai peut-être été un peu long, cependant cette exposition était nécessaire pour avoir une idée de ce que propose le livre “Verità e splendore della differenza sessuale” si utile aujourd’hui car dans le marasme d’une culture qui hésite et qui dérive, il offre des pistes de réflexions pour mûrir des idées claires.
Puis-je émettre un souhait? Mon désir est celui de pouvoir publier ce livre en français qui aura certainement en France et non seulement, un succès au moins égal à celui qu’il remporte actuellement en Italie.