« Laudato sii » : l’encyclique sur l’écologie, une « exigence de notre foi »

Le respect de la création est une « exigence de notre foi » : c’est un des motifs de l’encyclique du pape François, intitulée « Laudato sii ». Une réconciliation en somme entre « écologie humaine » et « écologie naturelle ». Eléments de décryptage. La publication en harmonie avec l’agenda du pavillon de l’Expo 2015.

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La première encyclique d’un pape totalement consacrée à l’écologie – “naturelle” et “humaine”  – est placée par le pape François sous le signe de son saint patron, François d’Assise. Son  titre cite en effet son fameux “Cantique du soleil”: “Laudato sii” – “Loué sois-tu!”

Une exigence de notre foi

Un titre confirmé par le directeur de la Librairie éditrice du Vatican, le P. Giuseppe Costa, sdb, samedi, 30 mai, dans les colonnes de l’agence de la Conférence épiscopale italienne, le Service d’information religieuse (SIR). Il révèle aussi que le texte a suscité un très grand intérêt dans le monde entier.

Le pape a récemment évoqué le respect de la création à l’occasion de la pentecôte, dans son homélie, le 24 mai : « L’Esprit Saint que le Christ a envoyé du Père, et l’Esprit créateur qui a donné la vie à toute chose, sont un seul et le même. »
Au moment où l’on attend la publication de l’encyclique du pape sur le respect de la Création, ce passage en fait entrevoir le contenu : « Le respect du créé est une exigence de notre foi : le “jardin” dans lequel nous vivons ne nous est pas confié pour que nous l’exploitions mais pour que nous le cultivions et le gardions avec respect. »

Le pape fait aussi observer qu’il n’y a pas de respect de la Création sans renouveau du cœur de l’homme : « Mais cela n’est possible que si Adam – l’homme formé de la terre – à son tour se laisser renouveler par l’Esprit Saint, s’il se laisse remodeler par le Père sur le modèle du Christ, nouvel Adam. »

Le pape cite le psaume 8 : « Alors oui, renouvelés par l’Esprit de Dieu, nous pouvons vivre la liberté des fils, en harmonie avec tout le créé, et nous pouvons reconnaître en chaque créature un reflet de la gloire du Créateur, comme l’affirme un autre psaume : « Ô Seigneur notre Dieu, qu’il est grand ton nom par toute la terre ! »

Un jalon vers la conférence de Paris

Dans son message pour la XXe Conférence des États membres de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques à Lima (décembre 2014), le pape François a dénoncé « la gravité de l’incurie et de l’inaction » : pour le pape, le temps presse.

Pour une « lutte efficace contre le réchauffement climatique », le pape indiquait comme « unique » solution « une réponse collective responsable qui dépasse les intérêts et les comportement particuliers et se déroule librement, loin des pressions politiques et économiques » et qui soit « capable de promouvoir une culture de la solidarité, de la rencontre et du dialogue, de manifester la responsabilité de protéger la planète et la famille humaine ».

Le pape se dit déçu par les résultats de Lima 2014 et il espère plus de courage à Paris: « L’important est qu’il se passe un peu de temps entre la sortie et la rencontre de Paris, afin qu’il s’agisse d’une contribution. La rencontre au Pérou n’a pas donné grand chose. J’ai été déçu par le manque de courage : ils se sont arrêtés à un certain point. Espérons que les représentants à Paris seront plus courageux et feront avancer les choses. »  

La France présidera en effet la 21ème Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015. « Cette échéance est cruciale : elle doit aboutir à l’adoption d’un premier accord universel et contraignant sur le climat pour maintenir la température globale en deçà de 2°C », indique le ministère français.

La conférence aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015. La France a choisi de l’organiser à Paris, sur le site Paris-le Bourget. Entre 20 000 et 25 000 personnes sont attendues pour la conférence elle-même, plus de 40 000 au total.

Dans l’avion Colombo-Manille, le 15 janvier dernier, le pape disait notamment : « Quand tu t’appropries trop la création et que tu dépasses une limite, cette culture se retourne contre toi. Pensons à Hiroshima. »
 
La sagesse d’un vieux paysan
 
Il expliquait la genèse de l’encyclique : « C’est le cardinal Turkson, avec son équipe, qui a préparé une première mouture de l’encyclique. Ensuite, j’y ai travaillé moi-même avec l’aide de certains. Puis, avec des théologiens, j’ai fait la troisième version,  et maintenant j’ai préparé la troisième version et j’en ai envoyé une copie à la Congrégation pour la doctrine de la foi, à la deuxième section de la Secrétairerie d’État et au théologien de la Maison pontificale, pour qu’ils vérifient bien que je ne dise pas de « bêtises ». Il y a trois semaines, j’ai reçu leurs réponses, certaines grandes comme cela, mais toutes constructives. Et maintenant, je prendrai une semaine entière, en mars, pour l’achever. Je crois que fin mars elle sera finie et elle partira pour les traductions. »
 
Il encourageait le dialogue interreligieux sur ce thème : « Je crois que le dialogue avec les religions est important sur cette question. Les autres religions ont une bonne façon de voir. Sur ce point aussi, nous sommes d’accord pour avoir une même vision. »
 
Il citait, entre autres, l’Amazonie : « Je me souviens – vous avez déjà entendu cela – d’un vieux paysan qui m’a dit un jour: « Dieu pardonne toujours, nous, les hommes nous pardonnons parfois, la nature ne pardonne jamais. » Si tu la gifles, elle le fait aussi. Je crois que nous avons trop exploité la nature: la déforestation par exemple. Je me souviens qu’à Aparecida, je ne comprenais pas bien le problème quand j’entendais les évêques du Brésil parler de la déforestation de l’Amazonie, je n’arrivais pas à bien comprendre. L’Amazonie est un poumon du monde. Puis, il y a cinq ans, avec une commission pour les droits humains, j’ai présenté un recours devant la Cour suprême de l’Argentine pour arrêter, au moins de façon temporaire, une déforestation terrible dans le nord du pays, à Salta, Tartagal. C’est un aspect. Et puis, il y a la monoculture. Les paysans, par exemple, savent que si tu cultives du blé pendant trois ans, tu dois ensuite t’arrêter et faire une autre culture pendant un-deux ans, pour refaire les nitrates de la terre, pour que la terre se régénère. Par exemple, aujourd’hui, chez nous, on ne cultive que le soja et on fait dusoja jusqu’à ce que la terre s’épuise. Tous ne font pas cela. Mais c’est un exemple, il y en a beaucoup d’autres. Je crois que l’homme est allé trop loin. »
 

Ecologie humaine et naturelle

Récemment aussi, le 28 mai, le cardinal Turkson, une cheville ouvrière du texte, a évoqué la réconciliation entre « écologie humaine » et « écologie naturelle ». A l’occasion de l’Expo de Milan 2015, le président du Conseil pontifical « Justice et paix »  a en effet révélé que « les principaux thèmes de la nouvelle encyclique seront l’écologie humaine et l’écologie naturelle ». Et de préciser : « Dans la Bible, Dieu a créé deux choses: la Terre et l’homme, le jardin et la personne. Vous ne pouvez pas aimer Dieu sans aimer ce qu’il a créé. (…) L’Église ne s’occupe pas directement de l’environnement, mais elle attire l’attention sur la question. L’Église doit accompagner l’humanité et l’Encyclique ira dans cette direction. » Il a souligné que l’on ne peut « aimer Dieu » sans aimer et respecter sa création.
L’encyclique devrait être présentée au Vatican d’ici la mi-juin. Le jeudi 11, ce sera la Journée nationale du Saint-Siège à l’Expo de Milan, avec deux manifestations l’une contre le scandale de la faim dans le monde – thème écologique s’il en est – et l’autre sous l’égide de saint François: « Les visages de la terre – Laudato si’, mi’ Signore, per sora nostra matre terra”, « Loué sois-tu, ô mon Seigneur, pour notre soeur et mère la terre ». Avec la participation de Nicolas Hulot.

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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