Chrétiens d'Orient : un témoignage édifiant

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Homélie du cardinal Sandri lors de la messe annuelle de L’Œuvre d’Orient, en la cathédrale Notre-Dame de Paris en France.

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Pour le cardinal Sandri, le témoignage des chrétiens d’Orient « aide à nous montrer plus courageux lorsqu’il s’agit de professer notre foi, et de défendre la dignité de l’homme de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, du mariage entre l’homme et la femme, du travailleur, du pauvre et de l’exilé ».

La messe annuelle de l’association française L’Œuvre d’Orient, a eu lieu hier, 31 mai 2015, en la cathédrale Notre-Dame de Paris : elle était célébrée par le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, en présence du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et ordinaire des orientaux catholiques en France.

« Le mouvement de Dieu pour le salut de l’homme s’est manifesté dans un espace et un temps précis », au Moyen-Orient, a-t-il rappelé. Et depuis 1856, L’Œuvre d’Orient entend « aider les chrétiens, qui de manière interrompue ont continué à vivre dans ces lieux du Salut et de la première prédication apostolique ».

« Nous ne serions vraiment rien, si, de la Terre de Jésus, suivant son commandement, nous n’avions reçu la Bonne Nouvelle », a insisté le cardinal en saluant l’action de L’Œuvre d’Orient qui soutient leur foi, « purifiée dans le creuset de la souffrance, et aujourd’hui encore à travers le déchaînement de forces obscures que rien ne semble pouvoir arrêter ».

« Le témoignage incessant que nous recevons d’eux, nous aide à nous montrer plus courageux lorsqu’il s’agit de professer notre foi, et de défendre la dignité de l’homme de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, (la dignité) du mariage entre l’homme et la femme, fondement de la société, du travailleur, du pauvre et de l’exilé », a-t-il ajouté.

La cardinal Sandri a évoqué les 400 écoles et trois millions de pauvres que L’Œuvre d’Orient aide grâce aux dons de 70 000 donateurs « que nous remercions et pour lesquels nous prions ».

Il a conclu en demandant l’intercession de la Vierge Marie pour la paix en Syrie, Irak et Ukraine ; pour « une pleine réconciliation » des peuples arméniens et assyro-chaldéens qui célèbrent le centenaire du « Grand Mal » ; et « la bénédiction de Jésus pour l’Œuvre d’Orient ».

On peut cliquer ici pour la vidéo de la célébration sur KTO.

A.K.

Homélie du card. Sandri

Eminence Révérendissime, monsieur le Cardinal Vingt-Trois,

Excellence le Nonce Apostolique,

Excellences,

Révérend Mgr Gollnisch, Directeur de l’Œuvre d’Orient,

Révérends Pères, Religieux et Religieuses,

Frères et sœurs dans le Seigneur !

 

1. Je rends grâce à Dieu qui m’a permis de célébrer l’Eucharistie avec vous, un dimanche, jour du Seigneur Ressuscité, et particulièrement en la fête de la Sainte Trinité. Les paroles de Jésus à Madeleine le matin de Paques : « Va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu », ainsi que l’Ascension et la Pentecôte, nous ont fait découvrir que la réalité d’où vient Jésus et à laquelle il est retourné nous concerne aussi ; son Père est notre Père, son Dieu est notre Dieu. Cette affirmation, appliquée à la solennité d’aujourd’hui, nous remplit de stupeur et de joie. Nous sommes plongés dans le mystère de Dieu, et nous découvrons qu’Il est communion, qu’Il est relation, don ; se découvrir toujours comme venant de l’Autre et prêts à sortir de soi-même pour devenir don pour l’Autre. La Sainte Trinité nous empêche de penser et d’enfermer Dieu comme s’Il était une solitude éternelle et infinie, mais elle nous met face au passage permanent du Père au Fils, du Fils au Père, à l’effusion du Saint Esprit. Nous nous demandons : qu’est-ce qui nous assure de notre lien avec ce mystère d’amour ? C’est notre baptême ! Nous sommes les destinataires de la parole de l’Evangile :  “Allez! De toutes les nations faites des disciples: baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit!”. C’est un don précieux que nous avons reçu, qui ne nous revenait pas en vertu de notre naissance ou de notre appartenance à un peuple, mais simplement par la grâce comme l’affirme Saint Paul :  “C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu”. “Et c’est en l’Esprit que nous crions: “Abba!”. Nous devons être tellement reconnaissants pour cela.

2. Ce « mouvement de Dieu » pour le salut de l’homme, nous devons le reconnaître, s’est manifesté d’une façon précise : dans un espace et dans un temps. L’espace est sans aucun doute la Palestine, Nazareth, Bethléem, Jérusalem, mais nous savons bien que les événements qui ont préparé l’Incarnation du Christ et ceux qui ont suivi, comme la première prédication apostolique, embrassent une région beaucoup plus vaste, qui va de la Mésopotamie, l’Irak actuel, traverse le Moyen et le Proche-Orient, et arrive jusqu’à l’Egypte et aux pays situés le long du Nil. Voilà la Terre Sainte : des lieux où se sont succédés des royaumes et des dynasties, des affrontements et des conflits, des invasions, des persécutions d’innocents, des déportations et des retours d’exil. Le temps est une époque antique, celle d’il y a deux mille ans : et pourtant la Parole qui, à l’époque, a fait sa demeure en nous, reste une parole de vie, à travers l’Esprit qui est Dominunum et vivificantem, qui rend possible et vraie la parole du Deutéronome : “Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie?”.

3. Quand, dans le lointain 1856, le Baron Augustin Cauchy, mathématicien, professeur à la Sorbonne, a eu l’intuition, avec d’autres collègues et amis laïcs, de fonder  “l’Œuvre des Ecoles d’Orient”, et jusqu’en 1856 quand celle-ci a été reconnue  comme Œuvre d’Eglise et qu’elle a eu son premier directeur en la personne de l’abbé Lavigerie, je suis certain qu’au fond de leur âme il y avait la certitude de vouloir servir et préserver cet espace et ce temps dont je viens de parler, par la proximité et l’aide aux chrétiens, qui, sans interruption jusqu’alors, avaient continué à habiter dans les lieux du salut et de la première prédication apostolique. Dans le cadre d’une laïcité positive et étant donné le rôle politique confié à la France après le Traité de Paris en 1856 de protéger les chrétiens de l’Empire Ottoman, cette association est née à l’initiative de fidèles et croyants qui voulaient agir au sein de l’Eglise catholique. Cette association n’est pas laissée décourager par les nombreux obstacles, liés, par exemple, à la diffusion, déjà à l’époque, d’une mentalité antichrétienne au sein des gouvernements européens, ni par les tragédies touchant les chrétiens auxquelles l’Œuvre fut très vite amenée à répondre, comme le massacre d’environ trois mille chrétiens entre le Liban et Damas en 1860.

Je me plais à imager que l’intuition première et la force d’y rester fidèle puisse s’exprimer par les paroles qu’un grand auteur français, Charles Péguy, met dans la bouche de la Sainte Patronne de France, Jeanne d’Arc que nous avons célébrée hier, le 30 mai. En pensant à la terre de Jésus et à ses habitants, cette terre bénie par son passage, en voulant en même temps secouer dans l’amour de Dieu et de l’humanité sa France bien-aimée, et aujourd’hui nous dirions, notre Occident, elle affirme : “.. Or vous n’êtes rien, villes chrétiennes, grandes villes, résidences de chrétienté, chaires, cathédrales de sainteté, vous n’êtes rien…Car tout a été pris, une fois pour toutes; et rien n’est plus à prendre…Vous seuls, vous l’avez vu par terre. Vous seuls, vous l’avez vu.. Il y a plusieurs classes de saints, il y en a deux, et vous êtes de la première classe, et nous tous les autres, pécheurs et saints, nous ne sommes tous après que des ouvriers de la onzième huere…Villes cathédrales, vous n’avez point vu cela. Vous enfermez dans vos églises  cathédrales des siècles de prière, des siècles de sacrement, des siècles de sainteté, la sainteté de tout un peuple, montant de tout un peuple, mais vous n’avez pas vu cela. Et eux ils l’ont vu” (Peguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc).

4. Chers frères et sœurs, célébrer la messe annuelle de l’Œuvre d’Orient dans cette splendide basilique Notre-Dame nous aide à rendre grâce au Seigneur pour les dons qui par elle se sont écoulés sur l’Eglise en France : et ces dons sont multiples.

Je pense tout d’abord à la possibilité, pour la France de se sentir, comme nous venons de l’entendre, membre d’un Occident qui reste « parmi les ouvriers de la onzième heure », dont parle une parabole de l’Evangile : il ne s’agit pas d’amoindrir le patrimoine de foi et de sainteté, mais simplement de l’enrichir en nous sentant redevables à ceux que le Concile Vatican II a appelés « Les témoins vivants de la tradition apostolique »  (Orientalium Ecclesiarum 2). Nous ne serions vraiment rien, si de la Terre de Jésus, suivant son commandement, nous n’avions reçu l’annonce de la Bonne Nouvelle. Entrant en dialogue avec nos frères et sœurs qui vivent là-bas depuis près de deux millénaires, nous faisons l’expérience de ce que Moïse affirme dans la première lecture : “Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre: d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil?”.

L’ Œuvre d’Orient accompagne et soutient leur foi qui a été purifiée dans le creuset de la souffrance et qui l’est encore aujourd’hui face au déchaînement de forces obscures qui semblent inextinguibles. Ils reçoivent l’héritage dont parle Saint Paul : “nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui, pour être avec lui dans la gloire”.

Pendant que l’action caritative, grâce à plus de 70 000 donateurs que nous remercions et pour lesquels nous prions, s’efforce de soulager les blessures, leur témoignage incessant nous aide à nous montrer plus courageux dans la profession de notre foi et dans la défense de la dignité des êtres humains, de la conception jusqu’à la mort naturelle, du mariage entre un homme et une femme, fondement de la société, des travailleurs, des pauvres et des exilés. Fermes et déterminés, mais dans l’attitude bienveillante de ceux qui ne veulent pas imposer mais proposer la bonne voie pour la construction du bien commun.

5. Avec le pain et le vin, qui deviendront le corps et le sang du Christ, nous porterons spirituellement à l’autel les 400 écoles soutenues par l’Œuvre d’Orient, les quelque trois millions de pauvres et de malades secourus, et tous les membres qui à différents niveaux et de diverses manières sont engagés, l’Eglise de France, dans ses composantes latine et orientale, ici représentées par l’Archevêque Paris, que je salue avec affection, et par quelques évêques des circonscriptions orientales catholiques. C’est aussi grâce à l’Œuvre d’Orient que s’est développée la sensibilité ecclésiale, qui doit encore mûrir dans d’autres pays européens, permettant que l’accueil des fils et des filles venus des anciennes églises d’Orient se déroule dans un climat de respect et que le maintien du patrimoine liturgique, disciplinaire et spirituel qui les caractérise est présenté comme une ressource pour toutes les communautés. Permettez-moi enfin de saluer le travail éducatif accompli en faveur des jeunes : non seulement ceux qui bénéficient d’une aide dans les pays d’Orient, mais aussi ceux de cette Nation, la France, que j’ai rencontrés par exemple en Géorgie, en Arménie et plus récemment en Irak et au Kurdistan, qui mettent à la disposition de l’Œuvre d’Orient leur vie et leurs talents.

Je remercie donc le directeur actuel, Mgr Gollnisch, pour sa compétence et son dévouement, je salue son prédécesseur, Mgr Brizard, ainsi que Mgr Bressolette qui pendant plusieurs années a collaboré avec le cardinal Vingt-Trois comme Vicaire général de l’Ordinariat pour les fidèles orientaux.

6. Notre Dame,  Sanctae Trinitatis domicilium – demeure de la Sainte Trinité (Saint Proclus de Constantinople), donne ta paix à la Syrie, à l’Irak, à l’Ukraine, accorde la pleine réconciliation aux fils et aux filles du peuples arménien y syro-chaldeen, qui célèbrent le centenaire du Metz Yegern, le Grand Mal, y du Seyfo, obtiens pour l’Œuvre d’Orient la bénédiction de ton Fils. Enseigne-nous à suivre l’exemple du Pape François, qui aime l’Orient et l’assure toujours de sa proximité : il m’a demandé de vous transmettre ses salutations et sa bénédiction.

Aide-nous donc, Marie, à être des témoins crédibles d’unité et de communion, à l’image de la Sainte Trinité, comme l’a écrit Saint Jean-Paul II, il y a vingt ans, dans sa Lettre Apostolique Orientale Lumen : “Écoutons ensemble l’invocation des hommes qui veulent entendre la Parole de Dieu tout entière. Les paroles de l’Occident ont besoin des paroles de l’Orient pour que la Parole de Dieu dévoile toujours plus ses insondables richesses. Nos paroles se rencontreront pour toujours dans la Jérusalem céleste, mais nous souhaitons et nous voulons que cette rencontre soit anticipée dans la sainte Église qui marche encore vers la plénitude du Royaume”. Amen

 

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ZENIT Staff

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