« Que la nourriture soit notre médecine », par Mgr Mupendawatu

Le vieillissement et la prévention des pathologies chroniques ont fait l’objet d’un congrès à Milan, ce 30 mai, avec la participation de Mgr Jean-Marie Mupendawatu, Secrétaire – « numéro deux » – du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé. 

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« Déjà en 400 av. J.C., Hippocrate déclarait : « que la nourriture soit notre médecine ». Cette affirmation, dictée par l’observation et le bon sens, a trouvé depuis ce temps une confirmation toujours plus grande et la retrouve encore dans les nombreuses études et les observations scientifiques de notre temps », explique Mgr Mupendawatu.

Mgr Jean-Marie Mupendawatu, Secrétaire – « numéro deux » – du Conseil pontifical pour la pastorale de la santé, est en effet intervenu ce 30 mai 2015 à Milan, au cours d’un congrès médical et scientifique sur le thème : « Nous y serons… », sur le vieillissement et la prévention des pathologies chroniques.

Intervention de Mgr Jean-Marie Mupendawatu

      Je suis heureux d’être avec vous, aujourd’hui, et d’avoir l’opportunité de participer à une initiative de cette importance et valence, organisée ici à Milan, dans un contexte tel que l’exposition mondiale 2015. Grâce à plusieurs dizaines de stands officiels, qui représentent des pays riches mais également différents pays désavantagés au point de vue économique, nous pouvons en effet plonger dans la mondialité et rappeler ce que nous pouvons et devons encore faire pour garantir à toutes les personnes, partout, une alimentation appropriée et la possibilité de naître, de grandir et de vivre leur vie dans un milieu qui soit le plus sain possible.

      À partir de ses réalités locales et missionnaires, l’Église a toujours été au premier plan dans le soin de la personne et des personnes, visant à la Salus, c’est-à-dire au bien-être psychophysique et spirituel de chacun, partout. L’existence même du Conseil pontifical pour les services de santé, dont j’ai l’honneur d’être le Secrétaire, est une preuve ultérieure de cette attention et sollicitude. Un engagement explicite dans de nombreux secteurs et par des activités diversifiées ayant toujours au centre la personne. Même lorsque celle-ci a atteint désormais un âge avancé, elle constitue toujours un élément précieux de la famille et de la société.

Et aujourd’hui, nous aborderons, en effet, un aspect important de la santé, dans lequel, comme nous le verrons un peu plus loin, une alimentation correcte joue un rôle de premier plan. Il s’agit de l’augmentation de la population âgée et de la prévention des pathologies chroniques.

      « Vieillir est un privilège et un but de la société. C’est également un défi, qui exerce une influence sur tous les aspects de la société du XXIe siècle ».

      Il s’agit d’un des messages proposés par l’OMS sur le thème de la santé des personnes âgées. Un argument qui acquiert toujours plus d’importance dans une société qui vit une sorte de ‘révolution démographique’ : en 2000, il y avait dans le monde environ 600 millions de personnes de plus de 60 ans, en 2025, il y en aura 1,2 milliard et en 2050, 2 milliards. En outre, les femmes vivent plus longtemps que les hommes dans toutes les sociétés. Par conséquent, dans la tranche de la population très âgée, le rapport entre les femmes et les hommes est de 2 à 1.

      En Europe, comme dans beaucoup d’autres pays riches, une personne sur 5 a plus de 65 ans. Ce rapport s’abaisse à 1 sur 20 en Afrique mais, comme dans d’autres régions de la planète désavantagées au point de vue économique, le processus du vieillissement de la population est plus rapide que dans les pays dits « riches » ; donc, il y a moins de temps pour adopter les mesures nécessaires en vue de faire face aux conséquences de l’augmentation de la population âgée, et parmi celles-ci l’augmentation de la fréquence des pathologies chroniques typiquement associées au vieillissement.

      Le vieillissement est un processus biologique très complexe, inévitable, déterminé par des modifications programmées génétiquement et par une accumulation d’  « offenses »  (sociales, environnementales, alimentaires et dérivant également de notre style de vie, de notre vécu) qui comportent une réduction progressive des capacités des individus à maintenir l’homéostasie en cours de stress aussi bien internes (physiopathologiques) qu’externes (environnementaules), avec une augmentation consécutive de la susceptibilité aux maladies.  

On commence à vieillir bien avant de naître et on vieillir chaque jour de notre vie.

      Bien que le risque de maladies augmente avec l’âge, les problèmes de santé ne sont pas une conséquence inévitable du vieillissement.

Le vieillissement ne signifie donc pas « maladie », mais il est accompagné, de manière très sournoise, de différents processus pathologiques, avec une grande variabilité d’une personne à l’autre, et qui, au fur et à mesure que les années passent, deviennent des maladies chroniques.

De fait, le vieillissement de la population est accompagné de manière typique d’une augmentation du poids des maladies non transmissibles, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, la maladie d’Alzheimer et autres pathologies neurologiques dégénératives, tumeurs, maladies pulmonaires chroniques obstructives et problèmes musculaires et osseux.

Cela entraîne que la pression sur le système de santé mondial augmente. Les maladies chroniques imposent à la population âgée une charge élevée en termes de santé et économiques, en raison précisément de la longue durée de ces maladies, de la diminution de la qualité de la vie et des coûts dus aux soins.

Selon le rapport du Ministère italien de la Santé consacré à « l’État de santé et prestations sanitaires dans la population âgée », aujourd’hui, les personnes âgées en Italie constituent les 37% des hospitalisations ordinaires et 49% des journées d’hospitalisation et des coûts relatifs.

      Aujourd’hui, les maladies chroniques représentent pratiquement la cause principale de décès dans le monde entier. En général, il s’agit de maladies qui ont leur origine déjà dans la jeunesse, mais qui demandent une assistance à long terme, et présentent en même temps diverses opportunités de prévention.

      À la base des maladies chroniques principales, il y a des facteurs de risque communs et modifiables, comme une alimentation incorrecte, la consommation de tabac, l’abus d’alcool, le manque d’activité physique.

      Les maladies chroniques constituent donc un problème de plus en plus grave. Elles sont de loin la cause principale de mortalité : en effet, elles représente 86% de tous les décès dans l’Union Européenne. Chaque année, deux millions de personnes meurent de maladies cardiovasculaires et on estime que 8% de la population souffrent du diabète.

Il est possible de prévenir beaucoup de maladies chroniques en réduisant les principaux facteurs de risque : le tabac, l’abus d’alcool, l’alimentation incorrecte et l’ exercice physique insuffisant.

      Les données épidémiologiques concernant principalement le monde occidental, indiquent que 50% de la mortalité par pathologies chroniques sont à attribuer à des comportements erronés du style de vie, comportements qui regardent en particulier certains aspects comme les habitudes alimentaires incongrues et la réduction ou l’absence d’activité physique.

L’alimentation, dans son rapport bien-être/maladie, a une double valence : elle peut être un facteur de risque pour le développement de pathologies (il suffit de penser à l’obésité et aux pathologies qui lui sont associées, mais également un facteur promoteur de santé. En effet, au-delà de sa valeur nutritive intrinsèque, un régime de qualité (caractérisé par des éléments essentiels et stratégiquement utiles) peut exercer une action importante de prévention non
seulement primaire, mais également secondaire, à l’égard des pathologies chroniques.

Des évidences cliniques et épidémiologiques, de plus en plus importantes, indiquent cependant que le régime à lui seul ne suffit pas s’il n’est pas associé à des habitudes de vie « vertueuses », et en particulier celles qui regardent l’activité physique. Par exemple, d’importants facteurs de risque pour la pathologie coronarienne sont représentés par la vie sédentaire et une alimentation riche en acides gras saturés et en cholestérol, et le moyen de prévention pour cette pathologie doit donc contempler la simultanéité d’un régime approprié et d’un exercice physique régulier.

Les principales pathologies liées à la nutrition sont représentées par les maladies cardiovasculaires, par la pathologie néoplasique, le diabète de type 2 et l’obésité.

      La pathologie cardiovasculaire et la néoplasique contribuent pour deux tiers environ à l’ensemble des maladies en Europe. Un tiers de la pathologie cardiovasculaire est à imputer à une alimentation inappropriée ; des pourcentages analogues (un tiers) ont été signalés également pour la pathologie néoplasique associée à des styles alimentaires incorrects. Un rapport du World Cancer Research Fund et de l’American Institute for Cancer Research, suggère que, par l’amélioration des habitudes alimentaires, une activité physique régulière et un poids optimal, on pourrait réduire l’incidence du cancer dans 30 à 40% des cas.

      D’importantes recherches ont été effectuées pour identifier les éléments du régime qui ont la plus grande responsabilité à l’égard de pathologies dont l’impact sanitaire et sociologique est important, comme les pathologies cardiovasculaire et néoplasique.

Les graisses représentent probablement les éléments sur lesquels s’est concentrée surtout l’attention des chercheurs.

Il est évident que d’autres facteurs nutritionnels peuvent être associés à un risque croissant de pathologie cardiovasculaire et néoplasique. Il y a un accord substantiel dans la considération qu’un excès de l’introduction calorique (déséquilibre entre l’ingestion et la dépense) et d’alcool joue un rôle important dans le développement de certains cancers (bouche, pharynx, larynx, œsophage, foie, colorectal) et que l’action protectrice envers ces pathologies peut être réalisée par l’ingestion de fruits et de légumes. Une donnée ultérieure pour corroborer ce rapport, dérive de l’observation du rôle exercé par le manque de vitamine A, d’autres vitamines avec propriété anti-oxydantes et d’éléments non nutritionnels présents dans les fruits et les légumes. Une analyse menée en Europe sur l’effet préventif potentiel de la consommation de fruits et de légumes a démontré qu’un nombre considérable de décès par pathologies cardiovasculaire et néoplasique pourrait être évité si les pays qui consomment moins de ces aliments s’alignaient sur ceux pratiquent une plus grande consommation.

      En fait, l’objectif de l’OMS consiste à assurer au moins 400 grammes de fruits et légumes par jour et par personne pendant toute l’année. D’autres éléments du régime ont été étudiés pour leur association éventuelle avec des pathologies cardiovasculaires et néoplasiques, en particulier le lait (avec une attention spécifique aux lipides du lait) et le poisson. Il est important de souligner que l’adoption de stratégies, nationales et supranationales, orientées vers l’augmentation de l’usage du lait à faible contenu de graisse, de graisse végétale et de poisson s’est démontré capable de faire diminuer la prévalence de ces pathologies.

      Des évidences toujours plus fortes suggèrent un rapport causal étroit entre obésité et pathologie néoplasique. Ce rapport assume une signification importante, non seulement clinique mais également sociale, à la lumière de l’augmentation constante, dans les pays occidentaux, du surpoids et de l’obésité même. On estime, en effet, qu’environ 30% de la population européenne soit en surpoids ; des pourcentages plus importants (jusqu’à 60%) ont été observés dans des populations américaines. Les complications les plus significatives de l’excès de poids sont représentées, outre les cancers, par le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, la pathologie coronarienne, la pathologie vasculaire cérébrale et la pathologie osseuse/articulaire.

      En outre, on sait que l’obésité est également en augmentation chez les enfants et les adolescents et, par conséquent, chez ces sujets, les pathologies associées à une alimentation incongrue sont en augmentation. Si l’adoption d’un style d’alimentation correct représente un instrument indispensable de prévention, des données récentes indiquent que l’activité physique a un rôle synergique, irremplaçable, dans toute stratégie de prévention primaire et secondaire.

      En effet, le sujet actif par rapport au sédentaire, a un risque inférieur de 50% pour l’infarctus du myocarde ou l’ictus cérébral, de 30-50% pour la fracture du fémur, de 30% pour l’hypertension artérielle, de 40-50% pour le cancer colo-rectal, de 20-60% pour le diabète.

En outre, on réduit le risque de développer des carences fonctionnelles et par conséquent,  la période de vie autosuffisante augmente.

L’instauration et la prolongation du cycle vertueux : activité physique/alimentation correcte, prévention/ralentissement des processus morbides/bien-être psychophysique exercent, en outre, d’importantes répercussion objectives, en suscitant une économie pour la collectivité en termes de dépenses sociales et de santé.

      Manger sainement, pratiquer des exercices physiques et conserver un bon entraînement du cerveau. Voilà les conseils à suivre à tout âge, mais plus encore si on est dans cette étape de la vie où la santé mentale est davantage à risque.

Respecter ces simples indications, outre le contrôle des facteurs de risque vasculaire et métabolique, semble être efficace dans le ralentissement du déclin cognitif chez les personnes âgées afin de prévenir l’apparition de la démence. L’information provient d’une étude, le premier contrôle randomisé de ce genre, publié sur « The Lancet ».

      La démence est un syndrome caractérisé par la détérioration des fonctions cognitives, comme la mémoire, la compréhension, l’orientation, le calcul, la capacité de parler. On commence par des moments où l’on ne se rappelle plus les choses, on perd la notion du temps et même les endroits les plus familiers deviennent tout d’un coup inconnus. Ensuite, arrivent les trous de mémoire sur les événements les plus récents, sur les noms des personnes et les premières difficultés à communiquer et à prendre soin de soi jusqu’à arriver à la perte totale de conscience du temps et des lieux où l’on se trouve.

La démence sénile est une parabole descendante qui  aspire dans un tourbillon la personne âgée et tous ses familiers, avec un impact social et économique énorme. Dans le monde, 47,5 millions de personnes en souffrent, d’un âge moyen de 60 ans, une armée destinée à atteindre 75,6 millions en 2030 et même à tripler avant 2050 avec 135,5 millions de déments.

Chaque année, on compte 7,7 millions de nouveaux cas et le phénomène est reconnu comme une véritable émergence par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Bien qu’elle frappe surtout les personnes âgées, la démence n’est pas un élément normal du vieillissement. Perdre quelque coup est normal, mais dans le cas de la démence, des maladies ou des lésions interviennent, qui ont une incidence sur les fonctions cérébrales, l’Alzheimer avant tout, mais aussi l’ictus.

Aujourd’hui, selon l’OM
S, elle représente la principale cause d’infirmité chez les personnes âgées et met en déroute, à différents niveaux, tous ceux qui s’occupent du troisième âge, les familiers in primis, et ensuite les soignants et toute la société.

En 2010, les coûts sociaux mondiaux de la démence ont été estimés à 604 milliards de dollars, équivalant à 1% du PIB mondial.

      Pour le moment, aucun traitement n’est disponible et la prévention se fonde sur des interventions de prévention qui agissent sur des facteurs de risque déjà connus, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension, l’obésité, le tabac et l’inactivité physique.

      À l’occasion de la Semaine mondiale du cerveau (16-22 mars 2015), la Société italienne de neurologie (SIN) a voulu souligner l’importance de l’alimentation en protégeant le cerveau contre l’apparition des troubles cognitifs et des démences.

Le rôle de la prévention est donc capital pour les maladies neurologiques dégénératives également, et se fonde principalement sur une alimentation correcte du cerveau, aussi bien au sens strict, par une alimentation saine et correcte, qu’au sens large, par l’exercice physique et l’entraînement intellectuel.

      Dans le cas de l’Alzheimer, la cause de démence la plus commune, qui frappe en Italie plus de 700.000 personnes, les spécialistes de la Sin conseillent une alimentation pauvre en cholestérol et riche en fibres, vitamines et anti-oxydants dérivés des fruits et légumes et des graisses insaturées contenues dans l’huile d’olive, qui ont démontré d’en réduire l’incidence.

Ensuite, certaines carences en vitamines, folates et vitamine B 12 en particulier, peuvent faciliter l’apparition de la démence en provoquant l’augmentation d’homocystine, qui s’avère toxique pour les vaisseaux et les neurones. Des quantités modérées de café et de vin rouge font du bien car, grâce à leurs nombreuses substances anti-oxydantes, elles semblent avoir un rôle protecteur contre le développement de la démence.

      Je termine en rappelant que déjà en 400 av. J.C., Hippocrate déclarait : « que la nourriture soit notre médecine ». Cette affirmation, dictée par l’observation et le bon sens, a trouvé depuis ce temps une confirmation toujours plus grande et la retrouve encore dans les nombreuses études et les observations scientifiques de notre temps.

 

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ZENIT Staff

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