« L’union intime de Dante avec la chaire de Pierre », célébrée par le pape Benoît XV, est évoquée par le pape François dans son message au président du Conseil pontifical pour la culture, le cardinal Gianfranco Ravasi, à l’occasion de la commémoration du 750ème anniversaire de la naissance de Dante Alighieri (1261-1321), qui a eu lieu lundi 4 mai à Rome, au Sénat de la République italienne.
Le cardinal Ravasi a participé à cette cérémonie pendant laquelle Roberto Begnini a déclamé Dante, dans l’hémicycle, et en particulier la magnifique prière à la Vierge Marie : « Vierge Mère, Fille de ton Fils » (« Vergine Madre Figlia del tuo Figlio », Paradis, chant XXXIII).
A.B.
Message du pape François
À mon vénéré frère, le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture
À l’occasion de la célébration solennelle du 750ème anniversaire de la naissance du grand poète, Dante Alighieri, qui se tient au Sénat de la République italienne, je désire vous adresser, ainsi qu’à tous ceux qui participeront à la commémoration de Dante, mes salutations cordiales et amicales. Je salue en particulier le président de la République italienne, Sergio Mattarella, le président du Sénat, Pietro Grasso, à qui vont mes vives félicitations pour cette importante initiative, et le ministre Dario Franceschini. Je salue enfin toutes les Autorités présentes, les parlementaires, la société Dante Alighieri, les spécialistes de Dante, les artistes et ceux qui veulent par leur présence honorer une des plus illustres figures non seulement du peuple italien mais de l’humanité tout entière.
Je voudrais, par ce message, m’unir moi aussi au chœur de ceux qui considèrent Dante Alighieri comme un artiste d’une très haute valeur universelle, qui a encore beaucoup à dire et à donner, à travers ses œuvres immortelles, et de ceux qui sont désireux de parcourir la voie de la vraie connaissance, de la découverte authentique de soi, du monde et du sens profond et transcendant de l’existence.
Beaucoup de mes prédécesseurs ont voulu solenniser les fêtes en l’honneur de Dante par des documents de grande importance, où la figure de Dante Alighieri était reproposée précisément pour son actualité et pour sa grandeur non seulement artistique mais aussi théologique et culturelle.
Benoît XV a consacré au grand poète, à l’occasion du VIème centenaire de sa mort, l’encyclique In praeclara summorum, en date du 30 avril 1921. Le pape entendait à travers elle affirmer et souligner « l’union intime de Dante avec la chaire de Pierre ». Admirant « la prodigieuse ampleur et la pénétration de son esprit », le pape invitait à « reconnaître qu’il tirait de sa foi en Dieu l’élan puissant de son inspiration » et à considérer l’importance d’une lecture correcte et non réductrice de l’œuvre de Dante, en particulier dans la formation scolaire et universitaire.
Puis le bienheureux Paul VI avait particulièrement à cœur la figure et l’œuvre de Dante, à qui il consacra, en clôturant le concile œcuménique Vatican II il y a exactement cinquante ans, la très belle lettre apostolique Altissimi cantus, dans laquelle il indiquait avec beaucoup de sensibilité et de profondeur, les lignes fondamentales et toujours vivantes de l’œuvre de Dante. Paul VI affirmait avec force et intensité que « Danteest à nous ! À nous, c’est-à-dire, à la foi catholique » (n.9). Quand à la fin de l’œuvre de Dante, Paul VI affirmait clairement : « La fin de la Divine Comédie est d’abord pratique et transformante. Elle ne se propose pas seulement d’être poétiquement belle et moralement bonne, mais hautement en mesure de changer radicalement l’homme et de le mener du désordre à la sagesse, du péché à la sainteté, de la misère au bonheur, de la contemplation terrifiante de l’enfer à celle, béatifiante, du paradis » (n.17). Il citait ensuite le passage significatif de la lettre du poète à Can Grande della Scala : « La fin du tout et de la partie est de détourner de l’état de misère les vivants exilés en cette vie et de les conduire à l’état de félicité » (n.17).
Saint Jean-Paul II et Benoît XVI se sont aussi souvent référés aux œuvres du grand poète et l’on cité plus d’une fois. Et dans ma première encyclique, Lumen fidei, j’ai choisi moi aussi de puiser à cet immense patrimoine d’images, de symboles et de valeurs constitué par l’œuvre de Dante. Pour décrire la lumière de la foi, lumière à redécouvrir et à s’approprier afin qu’elle illumine toute l’existence humaine, je me suis précisément basé sur les paroles suggestives du poète, qui la représente comme une « étincelle, qui se dilate, devient flamme vive et brille en moi, comme brille l’étoile aux cieux » (n. 4; cf. Par. XXIV, 145-147).
À la veille du Jubilé extraordinaire de la miséricorde, qui s’ouvrira le 8 décembre prochain, cinquante ans après la clôture du concile Vatican II, j’espère vivement que les célébrations du 750ème anniversaire de la naissance de Dante, comme celles qui se préparent pour le VIème centenaire de sa mort, en 2021, permettront que la figure d’Alighieri et son œuvre soient comprises et valorisées de façon nouvelle, pour nous accompagner sur notre parcours personnel et communautaire. En effet, la Divine Comédie peut être lue comme un grand itinéraire, ou plutôt comme un véritable pèlerinage, qu’il soit personnel et intérieur ou communautaire, ecclésial, social et historique. Elle représente le paradigme de tout voyage authentique dans lequel l’humanité est appelée à laisser ce que Dante définit comme « la petite ère qui nous rend si fiers » (Par. XXII, 151) pour atteindre une condition nouvelle, marquée par l’harmonie, la paix et le bonheur. C’est là l’horizon de tout humanisme authentique.
Dante est donc prophète d’espérance, annonciateur de la possibilité du rachat, de la libération, du changement profond de tous les hommes et femmes, de toute l’humanité. Il nous invite encore une fois à retrouver le sens perdu et confus de notre parcours humain et à espérer revoir l’horizon lumineux où brille en plénitude la dignité de la personne humaine. En honorant Dante Alighieri, comme nous y invitait déjà Paul VI, nous pourrons nous enrichir de son expérience pour traverser les nombreuses forêts obscures encore disséminées sur notre terre et accomplir heureusement notre pèlerinage dans l’histoire, pour parvenir au but rêvé et désiré par tous les hommes : « l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles » (Par. XXXIII, 145).
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(c) Traduction de Zenit