Le pape François recommande aux évêques de la République du Congo d’être jaloux de leur liberté face aux aides économiques.
Veillez, recommande le pape, « à ce que les aides économiques accordées à vos Églises particulières pour les soutenir dans leur mission spécifique, ne limitent pas votre liberté de pasteurs ni n’entravent la liberté de l’Église, qui devrait toujours avoir les coudées franches pour annoncer l’Évangile avec crédibilité ».
Le pape salue l’ouverture d’un sanctuaire de la Divine miséricorde dans le pays.
Voici le texte intégral de ce message du pape remis aux évêques ce lundi matin, 4 mai, à l’occasion de l’audience accordée par le pape lors de leur visite ad limina.
A.B.
Message du pape François
Chers Frères dans l’épiscopat,
C’est pour moi une grande joie de vous accueillir à l’occasion de votre visite ad limina Apostolorum, qui vous permet de resserrer vos liens avec le Siège Apostolique et avec les Évêques du monde entier, renforçant ainsi la collégialité. Ma joie est d’autant plus grande qu’à travers vous, j’entrevois des communautés chrétiennes jeunes et dynamiques, qui cherchent à s’enraciner dans l’amour du Seigneur. En vous recevant, j’ai une pensée spéciale pour elles, ainsi que pour les prêtres, les religieux, les religieuses, les catéchistes et tous les autres agents pastoraux qui œuvrent pour la progression du Règne de Dieu au Congo.
C’est aussi pour vous conforter dans votre charge à leur service, en vous ressourçant, que vous effectuez le pèlerinage sur le tombeau des Apôtres Pierre et Paul, qui ont témoigné de la foi au Christ jusqu’au sacrifice suprême du martyre. Je suis sensible au témoignage d’attachement au Successeur de Pierre, exprimé en votre nom, par Son Excellence Monseigneur Daniel Mizonzo, Président de votre Conférence. En l’en remerciant vivement ainsi que chacun d’entre vous, je voudrais vous manifester mes encouragements dans votre travail apostolique.
La récente création de trois nouveaux diocèses témoigne de la vitalité de l’Église catholique dans votre pays, ainsi que du zèle dont ses pasteurs font preuve dans l’œuvre de l’évangélisation. C’est là un motif de grande satisfaction, qui engage en même temps à un effort accru pour répondre toujours mieux aux besoins du peuple de Dieu et aux attentes des nombreuses personnes auxquelles l’Évangile de Jésus Christ n’a pas encore été annoncé.
Il est heureux que ces dernières années, les réflexions de votre Conférence se soient portées sur la mission des laïcs dans l’Église et dans la société. Je voudrais saluer ici leur remarquable contribution à l’œuvre de l’évangélisation. Il importe que votre pastorale aide leurs mouvements de spiritualité et d’apostolat à redécouvrir et à affermir leur vocation en vue du « témoignage crédible des laïcs rendu à la vérité salvifique de l’Évangile, à son pouvoir de purifier et de transformer le cœur humain, et à sa fécondité pour édifier la famille humaine dans l’unité, la justice et la paix » (Discours lors de la rencontre avec les responsables de l’apostolat des laïcs, en Corée, 16 août 2014). Les laïcs ont en effet besoin d’être accompagnés et d’être formés au témoignage de l’Évangile dans les domaines socio-politiques, qui constituent leur champ spécifique d’apostolat (cf. Apostolicam actuositatem, nn. 4 ; 7). La pastorale de la famille fait partie intégrante de cet accompagnement. Les réticences des fidèles face au mariage chrétien révèlent la nécessité d’une évangélisation en profondeur, qui implique non seulement l’inculturation de la foi mais aussi l’évangélisation des traditions et de la culture locale (cf. Africae munus, nn. 36-38).
A ce propos, je tiens à vous remercier pour la contribution de vos diocèses au Synode des Évêques sur la famille. Vous ne manquerez pas d’en tirer profit pour mieux adapter votre pastorale familiale aux réalités locales.
Chers frères dans l’épiscopat, dans ces domaines et dans beaucoup d’autres, les prêtres sont vos premiers collaborateurs. Par conséquent, leurs conditions de vie et leur sanctification ne doivent pas cesser d’être au cœur de vos préoccupations et de votre sollicitude (cf. Presbyterorum Ordinis, n. 7). En particulier, la formation continue leur est indispensable, afin qu’ils puissent servir toujours mieux le peuple de Dieu et l’accompagner spirituellement comme il convient, notamment à travers des célébrations liturgiques dignes et des homélies qui nourrissent la foi des fidèles. A ce sujet, je vous invite à continuer de veiller aux conditions d’envoi aux études des prêtres de vos diocèses et de les soutenir durant leur séjour à l’extérieur pour favoriser leur retour en temps utile, en sorte que le bien de l’Église soit toujours sauvegardé.
Je rends grâce à Dieu pour les nombreuses vocations sacerdotales et religieuses qui fleurissent dans vos diocèses. Elles témoignent aussi de votre zèle apostolique, béni par le Seigneur, car en définitive c’est Lui le Maître de la moisson qui appelle et envoie des ouvriers dans sa moisson (cf. Mt 9, 38). Cela n’en crée que davantage d’obligations pour vous les pasteurs auxquels ces vocations sont confiées, afin que dans une écoute personnalisée, vous accompagniez ceux qui se sentent appelés à servir le Seigneur dans sa vigne, selon des charismes variés. L’immense besoin pastoral de l’Église locale exige lui-même un discernement rigoureux, afin que le peuple de Dieu puisse compter sur des pasteurs zélés, qui édifient par leur témoignage de vie, notamment en ce qui concerne le célibat et l’esprit de pauvreté évangélique. En outre, il ne faut rien négliger pour que tous, prêtres, catéchistes, familles, jeunes, groupes de prières et d’autres encore, prennent toujours mieux conscience de l’importance de leur contribution dans l’accompagnement et la formation des candidats au sacerdoce et en assument chacun sa part.
En cette Année de la vie consacrée, je voudrais saluer à titre particulier l’engagement des religieux et des religieuses au service des populations au Congo, auxquelles ils apportent avec générosité et dévouement l’assistance aussi bien spirituelle que matérielle, en témoignant du Christ chaste, pauvre et obéissant. Si une harmonieuse collaboration entre vous Évêques et les consacrés, nécessaire à tous les niveaux, favorise l’annonce de l’Évangile, votre affectueuse proximité ne peut que leur donner assurance et leur permettre de contribuer toujours plus à la croissance de l’Église locale, dans la diversité de leurs charismes.
Chers frères dans l’Épiscopat, certains Diocèses éprouvent de grandes difficultés, en raison de l’insuffisance des ressources matérielles et financières locales disponibles. Je mesure l’ampleur des soucis et des préoccupations liées à une telle situation dans le cœur d’un pasteur. Voilà pourquoi, je vous encourage à engager résolument vos diocèses sur la voie de l’autonomie, de la prise en charge progressive et de la solidarité entre Églises particulières dans votre pays, selon la belle tradition remontant aux premières communautés chrétiennes (cf. Rm 15, 25-28). A ce sujet, vous continuerez de veiller à ce que les aides économiques accordées à vos Églises particulières pour les soutenir dans leur mission spécifique, ne limitent pas votre liberté de pasteurs ni n’entravent la liberté de l’Église, qui devrait toujours avoir les coudées franches pour annoncer l’Évangile avec crédibilité.
En ce qui concerne l’entraide et la solidarité entre Églises particulières, elle
s doivent se traduire également dans la promotion de l’esprit missionnaire d’abord à l’intérieur de l’Afrique. Je reprends volontiers à votre adresse l’appel solennel de mon prédécesseur le bienheureux Paul VI à Kampala : « Vous, Africains, vous êtes désormais vos propres missionnaires ! » (Homélie de la célébration eucharistique en conclusion du Symposium des Evêques d’Afrique, 31 juillet 1969).
La communion ecclésiale doit se manifester aussi concrètement dans l’exercice de la dimension prophétique de votre charge pastorale. Il est en effet important que vous puissiez, d’une seule voix, dire des paroles fortes inspirées par l’Évangile pour orienter et éclairer vos compatriotes sur tout aspect de la vie commune, dans les moments difficiles pour la Nation ou lorsque les circonstances l’exigent. En ce sens, vos efforts en vue d’une concertation toujours plus grande sont à poursuivre parce que l’unité dans la diversité est à la fois l’une des notes caractéristiques et l’une des exigences de l’Église, en tant que Corps du Christ. Non seulement cette cohésion vous permettra toujours de défendre le bien commun ainsi que le bien de l’Église devant toute instance, mais elle favorisera aussi vos efforts pour affronter ensemble les nombreux défis pastoraux, dont la prolifération des sectes n’est pas le moindre.
L’évangélisation en profondeur constitue un autre grand défi. Or, elle suppose nécessairement une attention particulière aux conditions concrètes de vie des populations, c’est-à- dire en définitive à la promotion de la personne humaine. Sur ce plan aussi, l’engagement de l’Église catholique au Congo est important : que ce soit dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’assistance aux diverses catégories de personnes dans le besoin dont des réfugiés des pays voisins, vos communautés diocésaines apportent une contribution considérable. Avec la générosité et le dévouement du bon samaritain, elles se dépensent sans compter au service de leurs frères et sœurs.
Comme pasteurs, vous continuerez de veiller à ce que la pastorale sociale se réalise toujours davantage dans l’esprit de l’Évangile et se perçoive toujours mieux comme une œuvre d’évangélisation, et non comme l’action d’une Organisation Non-Gouvernementale. A ce sujet, dans certains secteurs de la société, les blessures provoquées par la grave crise qui a affecté le Congo à la fin des années 1990 ont laissé de profondes cicatrices qui parfois ne sont pas encore complètement refermées. Dans ce domaine en particulier, l’Église, forte de l’Évangile de Jésus, a reçu la mission de réconcilier les cœurs, de rapprocher les communautés divisées et de construire une nouvelle fraternité ancrée sur le pardon et la solidarité.
Vous pasteurs, continuez d’être des modèles et des prophètes en ce sens ! Récemment, dans le Diocèse de Dolisie, à Louvakou, a été inauguré le Sanctuaire dédié à la Divine Miséricorde, qui devient un lieu de pèlerinage, de retraites et de rencontres spirituelles. Je m’en réjouis, et je souhaite que ce Sanctuaire devienne vraiment un lieu où le peuple de Dieu vienne raffermir sa foi, notamment à l’occasion du prochain Jubilé extraordinaire de la Miséricorde et des autres initiatives pastorales que vous prendrez. Pour finir, en vous renouvelant ma fraternelle et priante affection, je réitère mes encouragements aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux laïcs consacrés, aux catéchistes, et à tous les fidèles de l’Église qui pérégrinent en cette belle et chère terre du Congo. Invoquant sur vous et sur votre pays la Divine Miséricorde, de grand cœur je vous accorde, ainsi qu’à chacune de vos communautés diocésaines, la Bénédiction apostolique.
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