« Je crois qu’il y a dans cette proposition de loi des systématisations qui ne considèrent pas que chaque cas est unique et que l’équipe soignante dans les relations qu’elle a avec le patient peut chercher toujours – avec le patient, avec les proches, avec la personne de confiance – ce qui est le mieux afin que la douleur soit soulagée et la souffrance soit apaisée le plus possible », déclare l’archevêque de Rennes, Mgr Pierre d’Ornellas, chargé des questions de bioéthique pour la conférence des évêques de France, à l’antenne de la Radio Chrétienne Francophone (RCF).
Mgr d’Ornellas a réagi à l’issue du vote à l’Assemblée nationale française où la proposition de loi sur la fin de vie a été adoptée par 436 voix « pour », 34 « contre », et 83 abstentions, mardi 17 mars, après deux jours de débats.
Le texte, porté par les députés Alain Claeys et Jean Leonetti, instaure un droit à une sédation « profonde et continue » pour les malades en phase terminale et rend contraignantes les « directives anticipées ».
Mgr d’Ornellas a évoqué le texte sur trois points: la question des directives anticipées, la sédation et la position de l’Église sur la fin de vie.
Directives anticipées
Les directives anticipées qui permettent à toute personne majeure de faire connaître ses souhaits relatifs à sa fin de vie existaient déjà dans la loi Leonetti de 2005, mais elles pouvaient ne pas être suivies par le médecin. « Tandis qu’aujourd’hui elles sont contraignantes, elles ne sont pas opposables, a expliqué Mgr d’Ornellas. Ça veut dire que le médecin est obligé d’en tenir compte, bien sûr, mais s’il juge que selon la situation clinique ces directives anticipées sont manifestement inappropriées, alors il a l’obligation de consulter un autre médecin et, après avoir consulté un autre médecin, de mettre dans le dossier des raisons précises pour lesquelles il ne suivra pas ces directives anticipées. Donc, là la délibération médicale collégiale et la décision médicale demeurent ».
La sédation profonde et continue
La prescription de la sédation profonde et continue « ce n’est pas la nouveauté », a dit l’archevêque de Rennes. Cette possibilité a été déjà prévue dans la loi de 2005.
« La différence c’est que cette sédation profonde et continue peut aussi être demandée par un patient, quand celui-ci décide qu’on arrête tous les traitements et que l’arrêt de ces traitements engage le pronostic vital. Là, il y a une nouveauté parce qu’on présente cette sédation profonde et continue comme un droit … C’est un droit qui s’imposerait aux médecins… alors la relation soignante qui est une relation de confiance mutuelle entre le patient et le médecin s’arrête, puisque le médecin est contraint par un droit légal. Si jamais il n’obtempérait pas à cette demande du patient, il pourrait être condamné par la justice. Et je crains que nous aboutissions à une juridisation de la relation de soin », déclare Mgr d’Ornellas qui exprimait son inquiétude. « Je crains que ce soit la loi qui décide à la place du médecin », a-t-il ajouté.
Un enjeu de fraternité
En rappelant la position de l’Église sur la fin de vie, Mgr d’Ornellas cite un livre « Fin de vie, un enjeu de fraternité » préparé par le Groupe de travail sur la fin de vie de la Conférence des évêques de France. Mgr d’Ornellas qui préside ce groupe a insisté sur la relation soignante unique entre le médecin et le patient : « C’est vraiment une alliance de confiance entre deux personnes qui cherchent ensemble le meilleur pour le patient … Nous insistons que chaque situation est unique, chaque patient est unique et il ne faut pas systématiser par la loi, par exemple, l’arrêt de traitement et la sédation. »
La sédation « peut être prescrite », a ajouté Mgr d’Ornellas, mais cela n’exclut pas des « traitements ordinaires comme la nourriture et l’hydratation artificielle qui sont des soins tout à fait proportionnels, car il s’agit de prendre soin de la personne ».
« Cette relation unique entre chaque patient et l’équipe soignante c’est ça l’art du soin, la noblesse de soin, la grandeur de l’accompagnement », a conclu Mgr d’Ornellas.