« Les pauvres nous évangélisent », et même les prophètes peuvent être évangélisés par eux, souligne le P. Bruno Secondin dans sa prédication du 25 février après-midi, au quatrième jour de la retraite de carême du pape François et de la Curie romaine à Ariccia.
Exhortant à « se laisser surprendre par Dieu », le père carme s’est arrêté sur le passage biblique d’Élie et la veuve de Sarepta (1 R, 17,2-24), passage illustrant que « les pauvres nous évangélisent ». L’Osservatore Romano publie des extraits de sa méditation.
« Irritable, agressif », Élie est en effet évangélisé par cette pauvre veuve, qui, bien qu’elle n’ait qu’une « poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase », fait confiance en la parole du prophète. Selon les Pères de l’Église, dans ce passage « Dieu cherche à redresser Élie afin qu’il s’amadoue ».
La veuve lui donne aussi une leçon de vie en affrontant la mort « avec dignité » : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. »
Durant son séjour chez elle, Élie apprend à « se confier à Dieu dans sa nudité ». Au départ, il semble puissant : « Ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. »
Mais après la mort du fils de la veuve, il doit « crier son doute et implorer » : « Seigneur, mon Dieu, cette veuve chez qui je loge, lui veux-tu du mal jusqu’à faire mourir son fils ? (…) Seigneur, mon Dieu, je t’en supplie, rends la vie à cet enfant ! »
Par cette épreuve, il découvre le « Dieu de compassion », le « Dieu de miséricorde », le « Dieu qui embrasse, qui porte dans son identité la blessure » de l’homme.
Le prédicateur a conclu avec ces questions pour un examen de conscience : « Sommes-nous capables de rencontrer les pauvres pour parvenir à la vérité ? Ou bien avons-nous peur de perdre la face ? Savons-nous reconnaître et embrasser ceux qui ont un ‘enfant mort’ dans leur cœur : violences, traumatismes de l’enfance, divisions, horreurs… ? Notre parole est-elle la parole pédante du thaumaturge ou la parole qui implore ? Face à des situations de souffrance, mettons-nous en avant le canoniste, avec son bâton ou bien nous servons-nous de nos bras pour embrasser ? »
Avec une traduction de Constance Roques