Le sacrement de la confession « a une dimension ecclésiale » : tout en ramenant le chrétien « dans les bras du Père », il le remet « dans la joyeuse communion avec l’Église ». C’est pourquoi « toute absolution donnée est une fête pour l’Église tout entière », affirme le cardinal Piacenza.
Dans le cadre du carême, le cardinal Mauro Piacenza, Grand Pénitencier de la sainte Église romaine, médite pour les lecteurs de Zenit sur « la vertu de pénitence », qui signifie « vivre dans le souvenir du Christ, en sa présence, lui qui a offert sa vie… pour le salut de tous les hommes ».
La « vertu de pénitence » concerne toute l’existence chrétienne : « l’offrande quotidienne et libre de nous-mêmes à Dieu est l’exercice le plus simple et le plus humble, mais le plus concret et le plus réaliste de la vertu de pénitence, comme participation aux souffrances du Seigneur », explique-t-il.
Zenit – Quel est le sens de la pénitence en carême ?
Card. Mauro Piacenza – Le carême, avec l’esprit de pénitence qui en découle, nous rappelle que nous avons tous besoin de conversion. Même d’un point de vue purement sociologique, il est évident que les hommes ont une indomptable « soif de changement ». Quelle est cette soif, sinon l’appel à une conversion qui ne peut vraiment se produire que dans la rencontre avec le Christ, véritable motif de changer. Sans une rencontre personnelle avec le Ressuscité, tout désir de changement authentique reste une simple velléité. La pénitence est avant tout mémoire de l’offrande que Jésus a faite de lui-même à son Père, pour nous et pour notre salut. Nous autres chrétiens, « nous faisons pénitence » seulement parce que nous participons à la vie, à la mort et à la résurrection de notre Seigneur. Le carême est un temps favorable pour vivre avec sincérité la vertu de pénitence.
Qu’est-ce que la « vertu de pénitence » ?
Comme je le disais, le salut nous est donné gratuitement par Jésus-Christ. Un tel don demande ensuite à être accueilli par notre liberté, demande, dans un certain sens, une participation. Comme toutes les vertus, la vertu de pénitence est un « habitus », une « stabilité dans le bien ». Vivre la vertu de pénitence signifie vivre dans le souvenir du Christ, en sa présence, lui qui a offert sa vie et qui, sans effusion de sang continue à l’offrir dans le saint sacrifice de la messe, pour le salut de tous les hommes. On comprend immédiatement que la « vertu de pénitence » n’est pas liée exclusivement au temps du carême, mais qu’elle concerne toute l’existence chrétienne : l’offrande quotidienne et libre de nous-mêmes à Dieu est l’exercice le plus simple et le plus humble, mais le plus concret et le plus réaliste de la vertu de pénitence, comme participation aux souffrances du Seigneur.
Comment bien vivre ces quarante jours ?
Certainement en les commençant par une bonne confession et en préparant, tout au long du carême, la joyeuse confession de Pâques. Un temps de conversion ne peut pas être un temps triste, parce que c’est le temps de la miséricorde, de l’étreinte de Dieu qui bénit, du retour à la maison du Père de cet « enfant prodigue » qui est en chacun de nous. Le style, alors, doit être celui indiqué par Jésus : « Lave-toi le visage et parfume-toi la tête pour que personne ne voit que tu jeûnes ». C’est le style sobre, typiquement chrétien du « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite ». C’est là qu’est le véritable mérite devant Dieu. La discrétion la plus absolue, même dans les œuvres de pénitence et d’aumône, est un véritable « acte de foi » en Dieu, selon la la parole de Jésus : « Ton Père qui voit dans le secret te le rendra ».
Il sera bon de redécouvrir aussi tous ces pieux exercices auquel, d’ailleurs, est liée la concession de l’indulgence plénière (la rémission de toutes les peines dues pour les péchés). Je pense à l’exercice du chemin de croix, communautaire ou personnel, surtout les vendredis de carême ; je pense à la neuvaine à la divine miséricorde, indiquée par le Seigneur lui-même à sainte Faustine Kowalska : elle commence le vendredi saint et se termine le dimanche in Albis (dit de la Miséricorde)… Les instruments et les moyens de sanctification ne manquent vraiment pas. L’Église a reçu la plénitude des moyens du salut !
Profitons-en, utilisons et diffusons une telle plénitude de moyens, implorant pour nous-mêmes le don de la conversion, de la componction du cœur et, si Dieu nous en fait la grâce, en surmontant un peu de « respect humain », en invitant aussi les autres à s’approcher du sacrement de la réconciliation. Parfois une parole, bien dite, avec gentillesse et charité, peu soutenir le choix d’un cœur incertain qui, peut-être après des années, retourne au confessionnal, pour se laisser embrasser à nouveau par Dieu. Le mérite au ciel, pour avoir amené un frère au confessionnal, est certainement incalculable !
Un dernier conseil ?
Ne vivons pas le carême tout seuls ! Vivons-le avec toute l’Église ! Je voudrais tellement que nous soyons bien conscients que le péché n’infecte pas seulement celui qui le commet, le péché est une maladie contagieuse. Il se propage jusqu’à attaquer toute l’Église. Tout le corps ecclésial s’en ressent. Je dirais qu’il s’agit de l’équivalent négatif de cet apostolat silencieux qui – comme nous le rappelle souvent le Saint-Père – diffuse le bien et la grâce. Et cela ne se produit pas seulement par le mauvais ou le bon « exemple », par une influence psychologique. Il y a davantage. Gardons à l’esprit que l’Église est un corps vivant. Il y a en elle une communauté de vie et de biens. Dans ses membres coulent une osmose de grâces : ils sont solidaires, c’est pourquoi mon péché a des répercussions sur tout le Corps mystique et affaiblit l’Église dans sa vigueur intérieure. C’est pour cela que nous devons garder à l’esprit que notre péché constitue aussi une rupture avec l’Église. Mais le pardon aussi, par divine miséricorde, a une dimension ecclésiale : tout en nous ramenant dans les bras du Père, il nous remet dans la joyeuse communion avec l’Église. Toute absolution donnée est une fête pour l’Église tout entière !
Traduction de Constance Roques