Expo 2015 : la Terre n'est pas un héritage mais un prêt

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Message pour « les idées d’expo 2015 » (traduction intégrale)

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« La Terre n’est pas un héritage que nous avons reçu de nos parents, mais un prêt que nous font nos enfants… La terre, qui est la mère de tous, demande respect et non pas violence ou arrogance de patrons. Nous devons la redonner à nos enfants, plus belle qu’avant, soignée », déclare le pape François

Le pape a fait parvenir un message vidéo à l’occasion de la rencontre « Les idées d’expo 2015 – vers la Charte de Milan » organisée à Milan par le ministère italien des politiques agricoles, alimentaires et forestières en collaboration avec Expo Milan 2015, le 7 février dernier.

Le pape exhorte les 500 experts nationaux et internationaux participants à « aller des urgences aux priorités », c’est-à-dire aller au-delà d’une « proposition toujours provisoire », vers « des propositions fermement décidées à résoudre les causes structurelles de la pauvreté ».</p>

Il encourage également les responsables gouvernementaux à être des « témoins de la charité » en mettant toujours au centre de leurs décisions « la dignité de la personne humaine et le bien commun ».

Enfin, il appelle tous les hommes à prendre soin de la terre, « mère, capable de donner à chacun tout ce qui lui est nécessaire pour vivre » : « Être des gardiens de la terre n’est pas une attitude exclusive des chrétiens, cela concerne tout le monde. »

A.K.

Message vidéo du pape François

Bonjour à vous tous, hommes et femmes, qui êtes rassemblés aujourd’hui pour réfléchir au thème : « Nourrir la planète, Énergie pour la vie ».

A l’occasion de ma visite à la FAO [Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture], je rappelais qu’en plus de l’attention « à la production alimentaire, à la disponibilité de nourriture et à l’accès à celle-ci, ainsi qu’aux changements climatiques et au commerce agricole » qui sont des questions inspiratrices cruciales, « la première préoccupation doit concerner les personnes qui manquent du pain quotidien, qui en sont réduits à lutter pour survivre au point de ne plus se préoccuper de vie sociale ni de rapports familiaux » (Discours à la FAO, 20 novembre 2014).

Aujourd’hui, en effet, malgré la multiplication des organisations et les différentes interventions de la communauté internationale sur la nutrition, nous vivons ce que le pape Jean Paul II appelait un « paradoxe de l’abondance ». Car « il y a de quoi nourrir tout le monde mais tous ne parviennent pas à manger, alors même que le surplus et le rebut, la surconsommation et l’usage détourné d’aliments sont monnaie courante. Malheureusement, ce paradoxe est plus que jamais actuel. Il y a peu de sujets comme la faim auxquels on applique tant de sophismes, dont on manipule les données et les statistiques en fonction de la sécurité nationale, par corruption ou référence feinte à la crise » (ibid.).

Pour surmonter la tentation des sophismes – ce nominalisme de la pensée qui va toujours plus loin, plus loin, mais ne touche jamais la réalité – pour surmonter cette tentation, je vous suggère trois comportements concrets.

1) Aller des urgences aux priorités

Que votre regard et vos cœurs se tournent non pas vers un pragmatisme d’urgence qui se révèle comme une proposition toujours provisoire, mais vers des propositions fermement décidées à résoudre les causes structurelles de la pauvreté. Rappelons-nous que la disparité sociale est la racine de tous les maux (cf. Evangelii gaudium, 202). Je tiens à vous rappeler ce que j’ai écrit dans Evangelii gaudium: « Non à une économie de l’exclusion et de la disparité. Une telle économie tue. Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une » (ibid., 53). Ceci entre dans le jeu de la compétitivité selon laquelle le plus fort l’emporte toujours sur le plus faible. Mais attention : ici la logique à laquelle on a à faire n’est plus uniquement celle de l’exploitation mais celle du déchet ; en effet « les exclus ne sont pas des ‘exploités’, mais des déchets, ‘des restes’. » (ibid., 53).

Si nous voulons donc vraiment résoudre les problèmes et ne pas nous perdre dans les sophismes, il est nécessaire de résoudre la racine de tous les maux qui est la disparité. Pour y arriver il y a des choix prioritaires à faire : renoncer à l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière et agir avant tout sur les causes structurelles de la disparité.

2) Soyez des témoins de charité

« La politique, tant dénigrée, est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun ». Nous devons nous convaincre que la charité « est le principe non seulement des micro-relations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques » (ibid., 205).

D’où une saine politique économique doit-elle donc partir ? Quel véritable engagement faudrait-il attendre des politiciens ? Sur quels piliers doivent s’appuyer ceux qui sont appelés à administrer la chose publique ? La réponse est précise: la dignité de la personne humaine et le bien commun. Or, malheureusement, bien souvent, ces deux piliers, qui devraient structurer la politique économique, « semblent être des appendices ajoutés de l’extérieur pour compléter un discours politique sans perspectives ni programmes d’un vrai développement intégral » (ibid., 203). S’il vous plaît, soyez courageux et ne craignez pas, dans les projets politiques et économiques, de toujours vous laisser interroger par un sens plus large de la vie car cela vous aidera à « servir vraiment le bien commun », et vous donnera la force de « multiplier et rendre plus accessibles à tous les biens de ce monde. » (ibid.).

3) Des gardiens et non des patrons de la terre

Comme je le disais à la FAO, je me souviens d’une phrase, que j’ai entendue d’une personne âgée, il y a de nombreuses années: « Dieu pardonne toujours les offenses, les abus. Dieu pardonne toujours. Les hommes pardonnent parfois. La terre ne pardonne jamais ! Protéger la sœur terre, la mère terre, afin qu’elle ne réponde pas par la destruction » (Discours à la FAO, 20 nov. 2014).

Face aux biens de la terre nous sommes appelés à « ne jamais perdre de vue ni l’origine, ni la finalité de tels biens, de façon à réaliser un monde juste et solidaire », dit la doctrine sociale de l’Église (Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, 174). La terre nous a été confiée afin que qu’elle soit pour nous une mère, capable de donner à chacun tout ce qui lui est nécessaire pour vivre. Un jour j’ai entendu une jolie chose: la Terre n’est pas un héritage que nous avons reçu de nos parents, mais un prêt que nous font nos enfants, pour que nous en soyons les gardiens et la fassions tourner avant de la leur rendre. La terre est généreuse et ne fait manquer de rien à ceux qui veillent sur elle. La terre, qui est la mère de tous, demande respect et non violence ou pire encore arrogance de patrons. Nous devons la redonner à nos enfants, plus belle qu’avant, soignée, car c’est un prêt qu’ils nous ont fait. Être des gardiens de la terre n’est pas une attitude exclusive des chrétiens, cela concerne tout le monde. Je vous confie ce que j’ai dit au cours de ma première messe comme évêque de Rome [19 mars 2013] : « J
e voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes des « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, des gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! Mais pour « garder » nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes ! […] Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même pas non plus de la tendresse ! ». Prendre soin de la terre demande non seulement bonté, mais aussi tendresse.

Voici les trois attitudes que je vous offre pour surmonter les tentations du sophisme, des nominalismes, de ceux qui cherchent à faire quelque chose mais sans rien de concret pour la vie. Choisir à partir de la priorité : la dignité de la personne ; être des hommes et des femmes témoins de charité ; ne pas avoir peur de protéger la terre qui est la mère de tous.

Je vous demande à tous de prier pour moi : j’en ai besoin. Et j’invoque sur vous la bénédiction de Dieu. Merci.

Traduction de Zenit

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Francis NULL

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