Résumé : Un lecteur ami, qui apprécie la forme des indices pensables, exprime une difficulté, voire un désaccord quant à la méthode employée pour les enquêtes, ce qui nous donne une occasion d’en parler.
Cher René, (…) il me semble que différents malentendus président à certaines de vos remarques, et j’aimerais pouvoir les lever.
Vous commencez, et je vous en remercie, par dire beaucoup de bien de la forme : « … dessin sobre, clair et plaisant, dans une mise en page très astucieuse, pleine de fantaisie… » Puis vous écrivez : « La démonstration reste cependant axée sur un certain concordisme du texte biblique avec les théories scientifiques contemporaines, alors que les propos n’étaient pas du tout du même ordre. Pour les faire concorder [Brunor] prend le texte au-delà de ce qu’il dit (…) Mais il n’est pas écrit que le soleil va s’éteindre et il est abusif de faire dire aux Hébreux : « Le Ciel et le Terre aussi ont eu un début et ils s’usent (Tome 1 P. 8). Brunor soulève de justes questions mais fait trop dire à la Bible. »…
Nous touchons ici un des nœuds du malentendu.
Heureusement, il est facile à n’importe qui, de savoir ce que dit la Bible en vérifiant par lui- même si oui ou non, j’ai « pris le texte au-delà de ce qu’il dit ». Par exemple, il suffit d’ouvrir au Psaume 102 qui affirme :
« Depuis longtemps tu as fondé la Terre
Et les Cieux sont l’ouvrage de tes mains,
Eux périssent, toi tu restes,
tous, comme un vêtement, ils s’usent. »
Chacun peut donc vérifier que la Bible dit bel et bien, non seulement que l’Univers entier (dont le soleil) ont eu un commencement, mais qu’ils auront aussi (l’Univers entier et donc le soleil, la terre et tout ce qu’elle contient), une fin.
Bien sûr, il faut se documenter un peu et apprendre que les mots : les Cieux et la Terre
(en hébreu : hashammaïm ve-et haaretz) ont un sens précis qui signifie « l’Univers entier ».
La Bible, dans ce psaume 102, nous dit donc que « l’Univers entier » s’use comme un vieux vêtement. Ce qui nous autorise, dans la Bd, à faire dire par le petit peuple hébreu : « Le Ciel et la Terre aussi ont eu un début et ils s’usent ». Sans être le moins du monde « abusif » puisqu’ils l’ont écrit eux-mêmes dans leur Bible.
Je reconnais que ce n’est sans doute pas très connu des catholiques, et je conçois que cela puisse surprendre, mais si on se penche sur la pensée hébraïque, on constate que c’est un thème fondamental de leur représentation du monde et de leur propre ontologie (qu’ils pratiquent comme Monsieur Jourdain, sans le savoir). Nous développerons cela dans de prochaines chroniques.
En effet, cette représentation du monde, c’est-à-dire ce « paradigme», énoncé par les textes bibliques, est original à plus d’un titre et étrangement « visionnaire ». Chose qui a malheureusement échappé à des générations de chrétiens, Docteurs, Pères, prédicateurs ou simples baptisés, car dans les siècles passés, évidemment, personne ne disposait des moyens pour le vérifier… C’est sans doute la raison pour laquelle est née cette étrange idée que les textes anciens ne pouvaient en aucun cas être confrontés au réel, sous peine d’être suspect de « concordisme ». Alors que ce travail de confrontation au réel (1) répond tout simplement aux exigences de l’exercice normal de l’intelligence.
Ce psaume 102 cité, n’est d’ailleurs qu’un exemple parmi d’autres, car on trouve plusieurs autres citations sur l’aspect provisoire de toutes choses, dans différents livres bibliques qui affirment que l’Univers entier « passera ».
Ce paradigme est même présent à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament où il est écrit que ce « monde de la durée présente » passera et sera remplacé. « Le Ciel et la Terre passeront, mes paroles ne passeront pas »… « Des Cieux nouveaux, une Terre nouvelle » etc.
Donc, je n’ai pas « fait trop dire à la Bible ».
C’eut été d’ailleurs une invraisemblable erreur de ma part, que le premier venu aurait immédiatement relevé dès les premiers albums de l’Univers imprévisible, mis en circulation depuis 2007. Album édité par les Pères Dominicains du Cerf, dont les comités de lecture n’ont pas la réputation de s’en laisser compter en termes d’exégèse ou de concordisme.
Mais j’ai remarqué, au long des rencontres occasionnées par mes conférences, que la définition du mot « concordisme » n’est pas la même pour tout le monde. Je regrette que vous n’ayez pas tenu compte de l’analyse que j’en fais p. 43 du Tome 2. Rappel : Lors des querelles survenues au milieu du XIX° siècle avec les découvertes de Darwin, on a nommé à juste titre « concordisme », une pratique qui consistait à trafiquer des textes anciens pour leur faire dire ce qu’ils ne disaient pas et les faire concorder avec les sciences naissantes, quand… cela ne concordait pas !(2)
Si vous critiquez cette forme de concordisme, sachez que je le critique autant que vous. Car c’est une démarche malhonnête et/ou stupide.
Mais je n’ose imaginer que vous me reprochiez cela. Si c’était le cas, il faudrait être précis.
J’en déduis que vous adoptez sans doute une autre définition du mot « concordisme», assez courante chez les personnes ayant reçue une instruction catholique, du moins dans nos générations. Moi-même j’ai longtemps cru que le simple fait de comparer Bible et sciences était du « concordisme ».
Ce point mérite donc d’être analysé.
En effet, pourquoi serait-il interdit de comparer des représentations du monde ?
Quelle erreur fait-on en comparant :
1- la façon dont les textes bibliques (ou d’autres textes anciens) parlent du monde et…
2- le monde lui-même, tel que nous le découvrons de mieux en mieux ?
Il faudra l’expliquer. Car il s’agit bien du même monde, n’est-ce pas ?
Le même Univers que chacun observe selon ses moyens en cherchant à le comprendre…
(A suivre…) Brunor
(1) L’Être et le néant sont dans un bateau. Brunor Editions
(2) Définition de wikipedia : Le concordisme est un système d'exégèse consistant à interpréter les textes sacrés d'une religion de façon à ce qu'ils ne soient pas contradictoires avec les connaissances scientifiques d'une époque[1]. Il tend à faire coïncider les résultats scientifiques avec les données des textes religieux, ceux-ci étant soit lus de manière quasiment littérale, soit réinterprétés pour correspondre aux théories scientifiques.