Que vos communautés deviennent « des îles de miséricorde au milieu de la mer de l’indifférence »: c’est le coeur du message du pape François pour le carême 2015 (18 février-5 avril).
Le message de carême du pape s’adresse à plus d’un milliard de catholiques dans le monde, sous toutes les latitudes. Il est placé sous le signe du Coeur du Christ et sous le signe de François d’Assise. Il peut être décrypté à partir de trois remarques: l’invocation au sacré Coeur, la date de la signature, la citation de saint Jacques sui forme son titre.
En effet, le pape François date son message du 4 octobre, mémoire liturgique du Poverello d’Assise. Un modèle dont le pape a choisi le nom pour « ne pas oublier les pauvres ».
Un coeur miséricordieux
Et il le conclut par une invocation au Coeur de jésus, tiré des litanies du Sacré-Coeur, qui indique que toute conversion part du coeur et de l’imitation de l’humilité et de la douceur de celui du Christ : « Je désire prier avec vous le Christ en ce Carême : « Fac cor nostrum secundum cor tuum » : « Rends notre cœur semblable au tien » (Litanies du Sacré Cœur de Jésus). Alors nous aurons un cœur fort et miséricordieux, vigilant et généreux, qui ne se laisse pas enfermer en lui-même et qui ne tombe pas dans le vertige de la mondialisation de l’indifférence. »
Le pape explique comment dépasser à la fois le sentiment d’impuissance face à l’ampleur du mal et un sentiment de toute-puissance, comme si on pouvait le vaincre tout seuls: faire pendant le carême un « parcours du coeur », à l’école de Benoît XVI (Deus caritas est, 31), pour « avoir un cœur miséricordieux ».
il précise: « Celui qui veut être miséricordieux a besoin d’un cœur fort, solide, fermé au tentateur, mais ouvert à Dieu. Un cœur qui se laisse pénétrer par l’Esprit et porter sur les voies de l’amour qui conduisent à nos frères et à nos sœurs. Au fond, un cœur pauvre, qui connaisse en fait ses propres pauvretés et qui se dépense pour l’autre. » on retrouve François d’Assise.
De fait, troisième élément significatif, le message a pour titre: « Tenez ferme ». Il cite la lettre de l’apôtre saint Jacques ( Jc 5, 8) qui évoque, avant cette citation la perpective de la « venue » du Christ: « Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur » (Jc 5, 7-10).
Une tentation mondiale et la voix des prophètes qui réveillent
On se souvient que souvent, le pape François évoque les oeuvres de miséricorde en relation avec le jugement dernier de Matthieu 25.
D’emblée, le pape indique le carême comme un « temps de renouveau pour l’Église, pour les communautés et pour chaque fidèle », un « temps de grâce » donné par Dieu parce qu’il « n’est pas indifférent à nous », parce que « chacun de nous l’intéresse » et que « son amour l’empêche d’être indifférent à ce qui nous arrive ».
Pourtant le pape fustige une « attitude égoïste, d’indifférence, a pris aujourd’hui une dimension mondiale, au point que nous pouvons parler d’une mondialisation de l’indifférence »: voilà ce que le pape veut « affronter » dans ce message en en donnant aussi les moyens aux baptisés.
« L’indifférence envers son prochain et envers Dieu est une tentation réelle même pour nous, chrétiens. C’est pour cela que nous avons besoin d’entendre, lors de chaque Carême, le cri des prophètes qui haussent la voix et qui nous réveillent », explique le pape.
« Dieu, insiste, n’est pas indifférent au monde, mais il l’aime jusqu’à donner son Fils pour le salut de tout homme. »
Trois pistes de renouveau
Il indique trois pistes de « renouveau » pour ce carême: la communion des saints, la responsabilité des communautés et la responsabilité individuelle.
La charité de Dieu dit le pape est capable, elle de « rompre » ce « mortel enfermement sur soi-même qu’est l’indifférence, nous est offerte par l’Église dans son enseignement et, surtout, dans son témoignage ».
Il rappelle le rite du Jeudi saint, du lavement des pieds: « Jésus ne veut pas être seulement un exemple de la manière dont nous devons nous laver les pieds les uns les autres. Ce service ne peut être rendu que par celui qui s’est d’abord laissé laver les pieds par le Christ. » C’est la condition pour être prêt à « servir l’homme »: « se laisser servir par le Christ et apprendre ainsi à servir comme lui ».
Mais pas tout seuls, dans la « communion des saints qui est aussi « communion aux choses saintes »: « Puisque nous sommes liés en Dieu, nous pouvons faire quelque chose autant pour ceux qui sont loin. »
Dépasser les frontières visibles
Dans la seconde partie de son message, le pape insiste sur la communion des paroisses et des communautés. Il les invite à « dépasser les frontières de l’Église visible dans deux directions »: s’unir « à l’Église du ciel dans la prière » et « franchir le seuil » de la société avec « les pauvres et ceux qui sont loin », vers « tous les hommes ».
C’est un double mouvement: « Tout ce que nous avons reçu, nous l’avons reçu aussi pour eux. Et pareillement, ce que ces frères possèdent est un don pour l’Église et pour l’humanité entière. »
Mais le pape indique aussi la responsabilité personnelle de chaque baptisé, avec un triple appel, pour sortir d’un sentiment d’impuissance face à la souffrance du monde: « prier dans la communion de l’Église terrestre et céleste », « aider par des gestes de charité », se convertir « parce que le besoin du frère me rappelle la fragilité de ma vie, ma dépendance envers Dieu et mes frères ».
Voilà comment le sentiment d’impuissance peut être surmonté: « Si nous demandons humblement la grâce de Dieu et que nous acceptons les limites de nos possibilités, alors nous aurons confiance dans les possibilités infinies que l’amour de Dieu a en réserve. »
Le pape diagnostique en même temps ce qu’il appelle une « tentation diabolique »: croire « que nous pouvons nous sauver et sauver le monde tout seuls ».