Le pape François défend les familles nombreuses lors de l’audience générale de ce mercredi 21 janvier 2015 : il affirme qu’elles « ne sont pas la cause de la pauvreté ».
Deux jours auparavant, dans l’avion qui le ramenait des Philippines, le 19 janvier, le pape avait renvoyé dos à dos l’irresponsabilité et le néo-malthusianisme, prônant « la paternité responsable » comme attitude-clé pour vivre la procréation au sein du couple.
Au cours de la catéchèse de ce matin, le pape a dressé un bilan de son deuxième voyage apostolique en Asie (Sri Lanka et Philippines, 12-19 janvier), saluant « les rencontres avec les familles et avec les jeunes, à Manille, comme des moments saillants de la visite aux Philippines ».
Chaque enfant est une bénédiction
« Les familles en bonne santé sont essentielles à la vie de la société », a-t-il affirmé : « Cela console et donne de l’espérance de voir tant de familles nombreuses qui accueillent les enfants comme un vrai don de Dieu. Elles savent que chaque enfant est une bénédiction. »
Le pape a récusé l’affirmation selon laquelle « les familles avec beaucoup d’enfants » seraient « une des causes de la pauvreté » : « Cela me paraît une opinion simpliste. Je peux dire, nous pouvons tous dire, que la principale cause de la pauvreté réside dans un système économique qui a enlevé la personne du centre et y a mis le dieu argent. »
Ce système économique « exclut toujours : il exclut les enfants, les personnes âgées, les jeunes, les chômeurs… – et il crée la culture du rebut… C’est la cause principale de la pauvreté, et non les familles nombreuses », a-t-il insisté.
« J’ai rappelé [lors de la rencontre avec les familles, ndlr], qu’il faut protéger les familles qui sont confrontées à différentes menaces, afin qu’elles puissent témoigner de la beauté de la famille dans le projet de Dieu. Il faut aussi défendre la famille des nouvelles « colonisations idéologiques » qui menacent son identité et sa mission », a ajouté le pape.
Lors de sa rencontre avec les familles, le 16 janvier, il avait défini ces « colonisations idéologiques » : « le relativisme, la culture de l’éphémère et un manque d’ouverture à la vie. »
Le pape plaide pour la « paternité responsable »
Sur le vol de Manille à Rome, au terme de son voyage, le pape a rappelé que « l’ouverture à la vie est une condition du sacrement du mariage. L’homme ne peut donner le sacrement à la femme, ni la femme le donner à l’homme, s’ils ne sont pas d’accord sur ce point, être ouverts à la vie. Au point que, si l’on peut prouver que l’un s’est marié avec l’intention de ne pas être ouvert à la vie, ce mariage est nul, c’est une cause de nullité matrimoniale ».
Mais il a aussi plaidé pour « la paternité responsable » qui se pratique « en dialoguant » non seulement entre époux mais avec les responsables pastoraux : « Toute personne, avec son pasteur, doit chercher à savoir comment vivre la paternité responsable… pour cela il y a dans l’Église des groupes matrimoniaux, des experts en la matière, des pasteurs, et l’on cherche. »
En même temps le pape a voulu affirmer que l’Eglise ne peut encourager les comportements à risque pour la vie de la mère comme si c’était le seul chemin de comportement évangélique: « Certains croient que pour être de bons catholiques nous devons faire – pardonnez-moi l’expression – comme les lapins », a-t-il fait observer. Il a donné un exemple de ce comportement à risque à éviter parce « qu’irresponsable », et même comme une façon de « tenter Dieu » : « J’ai grondé, il y a quelques mois, une femme dans une paroisse parce qu’elle était enceinte du huitième après sept césariennes : « Mais vous voulez laisser sept orphelins ? ». Cela, c’est tenter Dieu… c’est un exemple d’irresponsabilité. « Non, j’ai confiance en Dieu ». « Mais regarde, Dieu te donne des moyens, sois responsable ». »
Si le chrétien n’est pas appelé à « faire des enfants en série », le pape a salué en même temps « la générosité de ce papa et de cette maman qui voit en chacun de ses enfants un trésor » : « pour les gens plus pauvres, un enfant est un trésor… Dieu sait comment les aider. Certains ne sont peut-être pas prudents, c’est vrai. Il faut une paternité responsable. »
La destruction de la famille par la privation d’enfants
Enfin, il a dénoncé, sur les traces de Paul VI, le néo-malthusianisme : « Paul VI voyait le néo-malthusianisme universel qui était à l’œuvre » et qui se traduit aujourd’hui par un taux de fécondité très bas en occident, a-t-il expliqué.
Ce néo-malthusianisme cherche « à faire contrôler l’humanité par les puissances… Paul VI était un prophète qui nous a dit : méfiez-vous du néo-malthusianisme qui est en train d’arriver », a poursuivi le pape.
Lors de sa rencontre avec les familles à Manille déjà, le pape avait pris son inspiration chez Paul VI et son encyclique Humanae Vitae : « Je pense au bienheureux Paul VI, qui à un moment où se posait le problème de l’accroissement de la population, a eu le courage de défendre l’ouverture à la vie dans la famille… il a vu cette menace de destruction de la famille par la privation d’enfants. »
Familles nombreuses, espérance pour la société
Le pape a encouragé les familles nombreuses d’Italie et de toute l’Europe dont il a reçu une association au Vatican, le 28 décembre dernier en disant: « On voit que vous aimez la famille et que vous aimez la vie ! » Il les avait remerciées pour leur exemple « d’amour de la vie… de sa conception jusqu’à sa fin naturelle ».
Le pape avait plaidé pour « une plus grande attention de la politique et des administrations publiques » afin de soutenir les familles nombreuses : « chaque famille est cellule de la société, mais la famille nombreuse est une cellule plus riche, plus vitale, et l’État a tout intérêt à investir en sa faveur ! ».
Il s’était ensuite adressé aux enfants : « chacun de vous est un fruit unique de l’amour… Vous êtes uniques, mais pas seuls ! Il est bon d’avoir des frères et sœurs : les fils et les filles d’une famille nombreuse sont plus capables de communion fraternelle dès la petite enfance. »
« Dans un monde souvent marqué par l’égoïsme, la famille nombreuse est une école de solidarité et de partage ; et ces attitudes bénéficient ensuite à toute la société », avait ajouté le pape : « la présence des familles nombreuses est une espérance pour la société ».
Responsabilité et bien commun
Le passage de l’intervention du pape dans l’avion n’a pas été bien compris, sinon volontairement interprété comme s’opposant à son enseignement précédent et constant et encore à Manille, et comme un renoncement à son soutien aux familles nombreuses. Il s’agissait d’un appel à la responsabilité pour le bien commun de ces familles nombreuses elles-mêmes: surtout dans le contexte du sud du monde qu’il avait immédiatement sous les yeux et qui représente la grande majorité des catholiques aujourd’hui.
Une fois posée l’ouverture à la vie comme condition de la validité du mariage sacramentel, le pape déplore implicitement l’absence d’enseignement des méthodes naturelles de maîtrise de la fécondité, ce qui finit par réduire le choix des époux à une fausse alternative: ou contraception chimique ou fécondité sans contrôle, voire, dans le cas cité, à risque, non seulement pour la vie d’une maman mais pour l’avenir de toute sa
famille. Il ne se place pas dans le cas du choix héroïque des mamans qui renoncent à elles-mêmes pour sauver la vie de l’enfant déjà là. Mais dans la perspective de la maîtrise de la contruction d’une famille, pour le bien supérieur de toute la famille.
Le rapport final du synode sur la famille a insisté sur les méthodes naturelles, rappelant aux époux chrétiens la troisième voie, raisonnable, fondée sur la connaissance de soi, et de la sagesse de Dieu dans sa création, et sur le dialogue entre époux, pour une plus grande responsabilité, le bien des enfants et des époux. Ce qui n’exclut pas l’accueil de ce que le pape a encore appelé, dans un autre contexte, les « surprises » de Dieu.
Avec A. B.