« L’objet de prédilection de la charité pastorale sont les pauvres, le marginaux, les petits, les infirmes, les pécheurs et les incrédules », déclare le cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, en voyage au Vietnam.
Le cardinal Filoni a rencontré les prêtres vietnamiens de la province de Hanoï, dans la cathédrale de Hanoï où il a présidé la messe, le 20 janvier.
Voici le texte intégral de l’intervention du card. Filoni.
Homélie du card. Filoni
Chers confrères dans le Sacerdoce,
1. Salutation
Je vous salue tous, chers frères, et vous apporte la bénédiction du Pape François. Je suis heureux de me trouver en cette terre bénie, terre d’une Eglise vivante et dynamique, où le sang des martyrs a été héroïquement versé. Chaque année, le 24 novembre – jour où l’Eglise célèbre la mémoire des Saints André Dung-Lac, prêtre et de ses 26 compagnons martyrs -, j’ai l’occasion de relire la belle lettre que Saint Paul Lê Båo Tinh a écrite, de sa prison, aux séminaristes. Son amour pour le Seigneur Jésus et pour l’Eglise me frappe beaucoup, ainsi que son souci pastoral pour les séminaristes qui lui ont été confiés. Son exemple suscite toujours en moi le désir ardent envers le Seigneur et au service de son Eglise. Comme prêtres et responsables de vos Eglises au Vietnam, vous êtes appelés à être «Sel et lumière » (cfr. Mt 5,13-15) dans votre société. Imitez l’héroïsme de vos ancêtres martyrs et soyez leurs dignes successeurs.
2. Evangelii Gaudium. Chers frères, le thème de l’évangélisation est encore pertinent et le sera toujours, car l’Eglise est par nature missionnaire. Ce thème a été réaffirmé et souligné par le Pape François spécialement dans son Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium. Ce précieux document devrait constituer un point de référence pour l’Eglise du Vietnam, appelée en même temps à un cheminement de conversion et à un engagement fort en faveur de l’évangélisation. Rappelons-nous, dans ce sens, qu’évangéliser nait de l’Evangile et renait continuellement dans la rencontre personnelle avec Jésus. La rencontre avec Jésus provoque le changement de vie et donne, en même temps, une joie véritable et profonde, qui tend toujours à se communiquer. « Si quelqu’un a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il retenir le désir de le communiquer aux autres ? » (EG, n.8). Evangéliser c’est annoncer le Christ, le rencontrer et être renouvelé par lui. C’est intéressant ce qu’écrit le Pape dans l’encyclique Lumen Fidei, et qu’il a repris dans Evangelii Gadium : « L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais « par attraction » (EG, n. 14). Comme évangélisateurs, nous faisons l’expérience de cette joie de l’Evangile en devenant fils de Dieu, prêtres du Seigneur, dans le service des fidèles qui nous sont confiés.
3. La vie spirituelle. Je voudrais avant tout parler de la vie spirituelle du prêtre, car, « si nous vivons selon l’Esprit, nous marcherons également selon l’Esprit », d’après l’enseignement de Saint Paul aux Galates (5, 25). Par ses paroles, l’Apôtre nous rappelle que la vie spirituelle du prêtre doit être animée et guidée par l’Esprit de Dieu qui conduit à la sainteté, rendue parfaite par la charité. Nous prêtres, plus que tout autre fidèle, nous sommes appelés à la sainteté de notre identité : ayant été consacrés par l’onction et envoyés pour annoncer aux pauvres la bonne nouvelle. La sainteté du prêtre consiste avant tout dans son lien intime et profond avec Jésus, Tête et Pasteur de l’Eglise. Les prêtres sont appelés à vivre la radicalité de l’Evangile à la suite du Christ chaste, pauvre et obéissant. Le prêtre est, avant tout, quelqu’un qui est appelé à être configuré à Jésus Grand Prêtre Eternel. En d’autres termes, nous devons aimer comme aime Jésus, penser comme Jésus, agir comme Jésus, servir comme Jésus, à chaque moment de la vie. Le sacerdoce n’est pas un métier ou un travail bureaucratique qu’on peut faire en un instant et c’est terminé. Le sacerdoce c’est « un style de vie » et non un emploi. Le prêtre vit son sacerdoce, mais il ne le possède jamais tout entier. Etre prêtres de Dieu, plutôt que d’être des cléricaux, c’est-à-dire religieusement accoutumés au sacerdoce. Pour vivre pleinement l’identité sacerdotale, la vie spirituelle du prêtre doit être liée à la prière, à l’écoute de la Parole de Dieu. Prière et écoute, comme Marie. Telle est l’attitude de celui qui met sa confiance dans la puissance de Dieu, qui se laisse transfigurer par Jésus, Bon Pasteur, se laisse corriger par Dieu et le laisse agir dans sa propre vie.
4. La vie morale. En ce qui concerne la vie morale, j’aimerais vous parler du célibat sacerdotal. Ce choix doit être considéré dans le contexte du « lien qui existe entre le célibat et l’Ordination Sacrée, qui configure le prêtre à Jésus-Christ, Tête et Epoux de l’Eglise. L’Eglise, comme Epouse de Jésus-Christ, veut être aimée du prêtre de la manière totale et exclusive avec laquelle Jésus-Christ Tête et Epoux l’a aimée » (Pastores Dabo Vobis, n. 29). S’il le comprend ainsi, le prêtre fera le choix du célibat « avec une décision libre et pleine d’amour, à renouveler continuellement » (Ibid.), étant conscient de la faiblesse de sa propre condition humaine. Nous savons cependant que « pour vivre toutes les exigences morales, pastorales et spirituelles du célibat sacerdotal est absolument nécessaire la prière humble et confiante » (ibid.). Cultiver un rapport fraternel avec les confrères dans le sacerdoce est une façon de sauvegarder la vie sacerdotale. La compagnie et le soutien des confrères prêtres est toujours un don de la grâce et un secours précieux pour vivifier notre sacerdoce et notre mission. Là où il manque un rapport fraternel entre prêtres, là commence toujours une crise. Il faut garder un bon rapport également avec l’ Evêque, nourrir de l’estime pour lui et lui faire confiance, en tant que père et chef de l’Eglise locale.
5. La vie pastorale. A propos de la vie pastorale, le Pape François nous a avertis des risques que courent les prêtres « qui se préoccupent avec obsession de leur temps personnel. Fréquemment, écrit-il, cela est dû au fait que les personnes éprouvent le besoin impérieux de préserver leurs espaces d’autonomie, comme si un engagement d’évangélisation était un venin dangereux au lieu d’être une réponse joyeuse à l’amour de Dieu qui nous convoque à la mission et nous rend complets et féconds. Certaines personnes font de la résistance pour éprouver jusqu’au bout le goût de la mission et restent enveloppées dans une acédie paralysante » (EG, n. 81). Pour consacrer toute sa vie et toutes ses forces au service de l’Eglise, nous avons besoin d’avoir la charité pastorale de Jésus qui a donné sa vie pour son troupeau. Nous devons imiter Jésus dans la donation de soi-même et dans son service. C’est précisément la charité pastorale dont nous avons été une fois imprégnés, qui enrichira notre ministère sacerdotal et déterminera « notre façon de penser et d’agir, notre mode d’être en relation avec les gens » (Pastores Dabo Vobis, n. 23). La charité pastorale exige de nous une conversion pastorale, elle nous invite à « sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile » (EG, n. 20). L’objet de prédilection de la charité pastorale sont les pauvres, le marginaux, les petits, les infirmes, les pécheurs et les incrédules.
Dans les grandes villes, ensuite, il faut prêter attention aux immigrés et aux « esclaves » modernes. Dans le mes
sage pour la Journée Mondiale de la Paix 2015, le Saint Père a parlé des multiples visages de l’esclavage : des travailleurs réduits à la servitude, des migrants, des esclaves sexuels, ainsi de suite. En outre, dans le Message pour 101ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2015 (3 septembre 2014), il a écrit que Jésus est « l’évangélisateur par excellence, Il est l’Evangile en personne ; et sa sollicitude, en particulier envers les plus vulnérables et les marginaux, invite tous à prendre soin des personnes les plus fragiles et à reconnaitre son visage souffrant, surtout chez les victimes des nouvelles formes de pauvreté et d’esclavage ». La charité pastorale nous rend toujours disponibles à assumer n’importe quelle charge pour le bien de l’Eglise et celui des âmes.
Chers frères dans le sacerdoce, je vous remercie pour le zèle et le dévouement infatigable que vous réservez à l’évangélisation. Allons en avant, animés d’un amour commun pour le Seigneur et pour la Saint Mère l’Eglise. Que Notre Dame de La Vang vous protège et vous accompagne. Restons unis dans la prière.