Philippines: le pape François auprès des sinistrés de Tacloban le 17 janvier

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Dégradations de l’environnement, danger, par le P. de Charentenay

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Aux Philippines, le François vient d’abord encourager la population durement éprouvée par le typhon Yolanda/Haiyan en novembre 2013, c’est la raison de son déplacement, samedi 17 janvier, à Tacloban, une région sinistrée, explique le P. de Charentenay. Ce sera aussi l’occasion, souligne-t-il, d’un message « à la communauté mondiale sur les dangers qui touchent les dégradations de l’environnement ».

« Les Philippines, archipel asiatique et catholique » (éd. Lessius): c’est le livre du P. Pierre de Charentenay, sj, qui vient de paraître, et il a été recommandé par le porte-parole du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi, à la presse internationale, le 7 janvier, pour préparer la voyage du pape François au Philippines: un voyage qui commence ce jeudi 15 janvier et s’achève lundi prochain, 19 janvier, après une première étape asiatique au Sri Lanka (13-15 janvier). Il a en même temps annoncé la parution de l’encyclique du pape sur l’écologie « avant l’été ».

Le pape partira samedi matin, 17 janvier, de Manille à 8h15 (1h15 à Rome) pour Tacloban, sur l’île de Leyte, à environ 650 km au sud-est de Manille, soit 1h15 de vol. Il présidera la messe, près de l’aéroport. Il déjeunera avec des rescapés, il bénira le Centre « Pope Francis » pour les pauvres, puis il rencontrera le prêtres, les séminaristes et les consacrés dans la cathédrale de Palo, avant de repartir pour Manille à 17h (10h à Rome).

Les dégradations de l’environnement

Dans un entretien publié par le site de la Conférence des évêques de France, le P. de Charentenay souligne que le pape aurait voulu venir « le plus rapidement possible pour montrer sa solidarité et celle de toute l’Eglise envers les très nombreux morts et blessés d’une telle catastrophe naturelle », mais « les déplacements d’un pape ne sont pas faciles à organiser, il ne pouvait donc pas y aller tout de suite ». 

Le pape passera la journée de samedi à Tacloban dont le P. de Charentenay décrit ainsi la situation: « La région de Tacloban a vraiment été sinistrée. Des petites villes de 5 000 habitants n’avaient toujours pas d’électricité 4 mois après le cyclone. Tout était détruit et il fallait tout reconstruire en même temps. L’aéroport de Tacloban lui-même a été longtemps fantomatique. Le cyclone Haiyan a été le plus puissant jamais enregistré, avec des vents soufflant jusqu’à 350 km à l’heure. « 

Il fait observer que les « dégradations de l’environnement » touchent particulièrement les Philippines: « Les Philippines sont habituées aux phénomènes climatiques hors normes, tremblements de terre, éruptions volcaniques comme cette du Pinatubo en 1991 et cyclones, plusieurs chaque année. Le pays est parmi les plus exposés face au changement climatique, en raison de sa situation insulaire, de la déforestation et de sa position sur le trajet des cyclones en période de mousson. En allant à Tacloban, il fait un signe à la communauté mondiale sur les dangers qui touchent les dégradations de l’environnement. On attend une encyclique sur l’écologie dans les mois qui viennent. Elle sera la bienvenue tout particulièrement pour les Philippines. »

La religiosité populaire et l’engagement

Le pape célébrera une messe votive du « Santo Niño » de Cebu, ce qui souligne l’importance de la religion populaire aux Philippines – comme en Argentine – avec une origine commune, comme le souligne le P. de Charentenay: « Le Pape François a souvent insisté sur l’importance de la religion populaire : là se trouve l’expression d’une foi authentique et forte. Il trouvera une parenté entre les expressions de cette foi aux Philippines et ce qu’il a pu connaître en Argentine, en raison de l’histoire commune des colonies espagnoles. Cette religion se maintient avec vigueur à travers de multiples manifestations religieuses à travers tout le pays. Les Philippines ont même repris et développé une neuvaine de messe à 4h du matin en préparation de Noël, neuvaine qui avait été abolie en Amérique latine au XVIII° siècle, mais qui est toujours en vigueur dans l’archipel. Pour certains, cette religion populaire remplace la pratique du dimanche qui peut sembler répétitive. Pour beaucoup, elle est la seule expression de leur foi chrétienne. »

Mais le pape sait aussi tirer le meilleur de ce socle fertile: « Le Pape expliquera certainement que cette foi doit aussi s’exprimer sous le mode de la charité, de la solidarité, de l’attention à la communauté. Le passage de cette religion populaire à une pratique des valeurs évangéliques n’est pas une évidence pour beaucoup. Il est pourtant nécessaire comme authentification de cette religion populaire. Bien des évêques ont tenté de l’expliquer aux chrétiens. La parole du Pape sera essentielle pour le confirmer. »

La pauvreté et la corruption

Le pape en effet abordera aussi les questions qui fâchent comme la pauvreté ou la corruption, continue le jésuite français: « Il est évident que le Pape évoquera la situation sociale et politique aux Philippines, probablement pas pour accuser l’un ou l’autre groupe de la pauvreté ou de la corruption, mais pour rappeler les grands principes de la vie commune : la dignité humaine envers chacun, spécialement envers les petits et les pauvres, puis le respect et la solidarité. Les Philippines ont un potentiel considérable à cause d’un système éducatif de base qui est très largement répandu comme à cause de l’usage de l’anglais qui assure une communication directe avec le monde. Mais des inégalités se sont développées et ne sont pas résorbées : 20% de la population reste en dessous du niveau de pauvreté depuis 20 ans alors que le pays connaît une croissance économique de 7% depuis plusieurs années. La corruption et tous les trafics illégaux avec l’extérieur coûtent des milliards au pays, alors que beaucoup d’entreprises florissantes paient leurs employés à des salaires très bas, sans sécurité sociale (en les licenciant tous les 6 mois et en les rembauchant). Des réformes de fond doivent être faites. Le gouvernement s’y emploie, mais l’administration et le secteur privé résistent souvent. Le pape encouragera certainement les efforts qui sont faits en appelant chacun à respecter un peu plus l’état de droit. »

L’Eglise, conscience critique

Le P. de Charentenay évoque aussi le rôle de « conscience critique », prophétique, de l’Eglise catholique aux Philippines: « Selon les diverses situations politiques des Philippines, l’Eglise catholique s’est positionnée différemment : face à la dictature de Marcos, surtout à partir de 1979, elle a eu une attitude de refus et de critique très sévère du régime. On était en plein dans la Loi Martiale avec des exactions sans nombre et une corruption généralisée. Elle a donc participé très directement au renversement de Marcos en février 1986 pour que soient rétablis les droits fondamentaux. Cela étant réalisé, elle est maintenant dans une position différente, celle d’une instance éthique qui rappelle au pouvoir les exigences de sa mission, comme dans toutes les démocraties du monde. Elle continue son combat contre la corruption, qui reste une plaie du pays, malgré les efforts du gouvernement, notamment dans la fameuse affaire Napoles, pour laquelle trois sénateurs ont été mis en examen en juillet 2014. Il reste que sur le plan de la morale personnelle des citoyens, le gouvernement, soutenu par une majorité des parlementaires, tend à prendre des initiatives qui ne correspondent pas aux principes de la morale chrétienne. Une loi sur la santé reproductive et l’éducation sexuelle (RH Bill), que l’Eglise a durement combattue, a été votée, puis, après amendements, approuvée par le Cour Suprême. Dans une soci
été de plus en plus diversifiée, il faut s’attendre à de nouveaux débats très difficiles, notamment quand viendra un jour la discussion sur la légalisation du divorce, qui n’existe pas aux Philippines. L’Eglise doit encore ajuster ses interventions à une démocratie qu’elle ne contrôle pas. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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