« Libérez tous les esclaves »: le pape François descend en lice contre tous les esclavages modernes et il demande à la communauté internationale un « engagement commun pour vaincre l’esclavage » dans son message pour la Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2015.
Ce n’est pas la première fois: c’est désormais un leitmotiv du pontificat que la libération des esclaves. Mais le pape fait observer que la paix mondiale est en jeu là aussi. En tout, 21 millions de personnes seraient concernées.
Abolir réellement l’esclavage
Le message est en date du 8 décembre 2014. Il compte 6 pages (A 4), environ 20 000 caractères: il est donc bref et va à l’essentiel.
Le pape promeut, tous azimuts, et en en appelant à la responsabilité des gouvenrnants et des organisations internationales, une mondialisation de la fraternité: il appelle à « globaliser la fraternité, non l’esclavage ni l’indifférence ».
Et pour cela, il invite notamment à promouvoir la place de la femme dans la société. Il salue l’engagement permanent des communautés religieuses dans ce domaine.
Le pape en appelle aux déclarations qui ont aboli l’esclavage: « Aujourd’hui, suite à une évolution positive de la conscience de l’humanité, l’esclavage, crime de lèse-humanité, a été formellement aboli dans le monde. Le droit de chaque personne à ne pas être tenue en état d’esclavage ou de servitude a été reconnu dans le droit international comme norme contraignante. »
Les mariages forcés
Et pourtant, dénonce le pape, « aujourd’hui encore des millions de personnes – enfants, hommes et femmes de tout âge – sont privées de liberté et contraintes à vivre dans des conditions assimilables à celles de l’esclavage ».
Il cite les « nombreux travailleurs et travailleuses, même mineurs, asservis dans les divers secteurs, au niveau formel et informel, du travail domestique au travail agricole, de l’industrie manufacturière au secteur minier, tant dans les pays où la législation du travail n’est pas conforme aux normes et aux standards minimaux internationaux que, même illégalement, dans les pays où la législation protège le travailleur ».
Il dénonce « les conditions de vie de nombreux migrants qui, dans leur dramatique parcours, souffrent de la faim, sont privés de liberté, dépouillés de leurs biens ou abusés physiquement et sexuellement ».
Par exemple, selon un rapport du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR), publié ce mercredi 10 décembre, la Méditerranée est devenue «la route la plus mortelle du monde» en 2014, avec au moins 3 419 réfugiés qui y ont perdu la vie en tentant de la traverser sur des embarcations de fortune, avec des passages payés à prix exhorbitants aux trafiquants sans scrupules.
Le pape dénonce le « travail esclave » et le fait que des personnes soient « contraintes de se prostituer », que des femmes soient « forcées de se marier », soient « vendues en vue du mariage » ou « transmises par succession à un membre de la famille à la mort du mari ».
Le terrorisme et les conflits
ll dénonce la situation de « tous ceux qui, mineurs ou adultes, font l’objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes, pour être enrôlés comme soldats, pour faire la mendicité, pour des activités illégales comme la production ou la vente de stupéfiants, ou pour des formes masquées d’adoption internationale ».
Et la situation de « tous ceux qui sont enlevés et tenus en captivité par des groupes terroristes, asservis à leurs fins comme combattants ou, surtout en ce qui concerne les jeunes filles et les femmes, comme esclaves sexuelles. Beaucoup d’entre eux disparaissent, certains sont vendus plusieurs fois, torturés, mutilés, ou tués ».
Enfin, le pape analyse les « causes profondes » et invite à s’y attaquer: « la pauvreté », « le sous-développement » et « l’exclusion », « spécialement quand ils se combinent avec le manque d’accès à l’éducation ou avec une réalité caractérisée par de faibles, sinon inexistantes, opportunités de travail ».
Il explique le lien: « Fréquemment, les victimes de trafic et de d’asservissement sont des personnes qui ont cherché une manière de sortir d’une condition de pauvreté extrême, en croyant souvent à de fausses promesses de travail, et qui au contraire sont tombées entre les mains de réseaux criminels qui gèrent le trafic d’êtres humains. Ces réseaux utilisent habiliment les technologies informatiques modernes pour appâter des jeunes, et des très jeunes, partout dans le monde. »
Mondialisation de la solidarité et de la fraternité
Le pape dénonce aussi « la corruption de ceux qui sont prêts à tout pour s’enrichir doit être comptée parmi les causes de l’esclavage ».
« D’autres causes de l’esclavage sont les conflits armés, les violences, la criminalité et le terrorisme. De nombreuses personnes sont enlevées pour être vendues, ou enrôlées comme combattantes, ou bien exploitées sexuellement, tandis que d’autres sont contraintes à émigrer, laissant tout ce qu’elles possèdent : terre, maison, propriétés, ainsi que les membres de la famille », fait encore observer le pape.
Il conclut sur cette évocation du jugement dernier qui ponctue tout le pontificat: « Nous savons que Dieu demandera à chacun de nous : Qu’as-tu fait de ton frère ? (cf. Gn 4, 9-10). La mondialisation de l’indifférence, qui aujourd’hui pèse sur les vies de beaucoup de soeurs et de frères, requiert que nous nous fassions tous les artisans d’une mondialisation de la solidarité et de la fraternité, qui puisse leur redonner l’espérance et leur faire reprendre avec courage le chemin à travers les problèmes de notre temps et les perspectives nouvelles qu’il apporte et que Dieu met entre nos mains. »