"L'Albanie a retrouvé le chemin, rude mais passionnant, de la liberté", depuis 25 ans, rappelle le pape François dans ce discours aux autorités de Tirana, au moment où l'Albanie frappe à la porte de l'Europe, et lui présente le visage d'une cohabitation harmonieuse entre différentes religions. Un modèle encouragé par la diplomatie vaticane. 

Voici le coeur de ce message dans le discours du pape: "Ce qui se passe en Albanie démontre (...) que la cohabitation pacifique et fructueuse entre personnes et communautés appartenant à des religions différentes est, non seulement souhaitable, mais concrètement possible et réalisable. En effet, la cohabitation pacifique entre les différentes communautés religieuses est un bien inestimable pour la paix et pour le développement harmonieux d’un peuple. C’est une valeur qui est gardée et qui s’accroît chaque jour par l’éducation au respect des différences et des identités spécifiques, ouvertes au dialogue et à la collaboration pour le bien de tous, et par l’exercice de la connaissance et de l’estime les uns des autres. C’est un don qui est toujours demandé au Seigneur dans la prière. Puisse l’Albanie continuer toujours sur cette route, devenant pour beaucoup de pays un exemple dont on s’inspire !"

Le pape a aussi plaidé pour les pauvres, la "globalisation de la solidarité", le "respect de la création" et pour la famille.

Le cardinal secrétaire d'Etat Pietro Parolin a e effet déclaré, avant le départ du pape, au micro de Radio Vatican:« Le dialogue est possible tout comme la culture de la rencontre sur laquelle le Pape insiste tant. Le Pape préfère dire que, malgré les difficultés que nous connaissons, et que ne sont pas minces, ce pays a décidé de ne jamais utiliser la religion comme un motif d’affrontement ou de conflit. »

Il ajoutait, à propos du régime athée qui a flagellé le pays: « Un pays où Dieu a été éliminé par la loi, doit nous apprendre à vivre une vie en rapport avec le Seigneur et à ne pas nous laisser tenter par une vie où Dieu a pratiquement disparu et où il a été mis de côté ».

A.B.

Discours du pape François

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier Ministre,

Honorables Membres du Corps Diplomatique,

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d’être avec vous, sur la noble terre d’Albanie, terre des héros qui ont sacrifié leur vie pour l’indépendance du pays, et terre des martyrs qui ont témoigné de leur foi aux temps difficiles de la persécution. Je vous remercie de votre invitation à visiter votre patrie, appelée « terre des aigles », et pour votre accueil festif.

Près d’un quart de siècle s’est écoulé depuis que l’Albanie a retrouvé le chemin, rude mais passionnant, de la liberté. Celle-ci a permis à la société albanaise d’entreprendre un parcours de reconstruction matérielle et spirituelle, de susciter beaucoup d’énergies et d’initiatives, de s’ouvrir à la collaboration et aux échanges avec les pays voisins des Balkans et de la Méditerranée, de l’Europe et du monde entier. La liberté retrouvée vous a permis de regarder vers l’avenir avec confiance et espérance, de lancer des projets et de tisser à nouveau des relations d’amitié avec les nations voisines et lointaines.

Le respect des droits humains parole essentielle pour vous -, parmi lesquels se distingue la liberté religieuse et d’expression de la pensée, est, en effet, une condition préalable au développement même du pays qu’il soit social ou économique. Quand la dignité de l’homme est respectée et que ses droits sont reconnus et garantis, fleurissent aussi la créativité et l’esprit d’initiative, et la personnalité humaine peut déployer ses multiples initiatives en faveur du bien commun.

Je me réjouis particulièrement d’une heureuse caractéristique de l’Albanie, qui est préservée avec beaucoup de soin et d’attention : je fais référence à la cohabitation pacifique et à la collaboration entre ceux qui appartiennent à différentes religions. Le climat de respect et de confiance réciproque entre catholiques, orthodoxes et musulmans est un bien précieux pour le pays, et acquiert une importance spéciale à notre époque où le sens religieux authentique est travesti par des groupes extrémistes, et où les différences entre les diverses confessions sont déformées et instrumentalisées, en en faisant un dangereux facteur d’affrontement et de violence ; cela au lieu d’en faire une occasion de dialogue ouvert et respectueux, et de réflexion commune sur ce que signifie croire en Dieu et suivre sa loi.

Que personne ne pense pouvoir se faire de Dieu un bouclier lorsqu’il projette et accomplit des actes de violence et de mépris ! Que personne ne prenne prétexte de la religion pour accomplir ses propres actions contraires à la dignité de l’homme et à ses droits fondamentaux, en premier lieu celui à la vie et à la liberté religieuse de tous !

Ce qui se passe en Albanie démontre, au contraire, que la cohabitation pacifique et fructueuse entre personnes et communautés appartenant à des religions différentes est, non seulement souhaitable, mais concrètement possible et réalisable. En effet, la cohabitation pacifique entre les différentes communautés religieuses est un bien inestimable pour la paix et pour le développement harmonieux d’un peuple. C’est une valeur qui est gardée et qui s’accroît chaque jour par l’éducation au respect des différences et des identités spécifiques, ouvertes au dialogue et à la collaboration pour le bien de tous, et par l’exercice de la connaissance et de l’estime les uns des autres. C’est un don qui est toujours demandé au Seigneur dans la prière.

Puisse l’Albanie continuer toujours sur cette route, devenant pour beaucoup de pays un exemple dont on s’inspire !

Monsieur le Président, après l’hiver de l’isolement et des persécutions, est venu enfin le printemps de la liberté. À travers des élections libres et de nouvelles formes institutionnelles, le pluralisme démocratique s’est consolidé et cela a favorisé la reprise des activités économiques.

Beaucoup de personnes, surtout au début, poussées par la recherche d’un travail et de meilleures conditions de vie, ont pris le chemin de l’émigration et participent à leur manière au progrès de la société albanaise. Beaucoup d’autres ont redécouvert les raisons de rester dans le pays et de le construire de l’intérieur. Les peines et les sacrifices de tous ont contribué à l’amélioration desconditions générales.

L’Église Catholique, de son côté, a pu reprendre une existence normale, reconstituant sa hiérarchie et renouant le fil d’une longue tradition. Des lieux de culte ont été construits ou reconstruits, parmi lesquels se distingue le sanctuaire de Notre Dame du Bon Conseil, à Scutari ; des écoles ont été fondées ainsi que d’importants centres éducatifs et d’assistance, à la disposition de tous les citoyens. La présence de l’Église et son action sont dès lors perçues à juste titre non seulement comme un service à la communauté catholique, mais aussi à la nation tout entière.

La bienheureuse Mère Teresa, avec les martyrs qui ont héroïquement témoigné de leur foi – à eux va notre plus haute reconnaissance et notre prière – se réjouissent certainement au ciel de l’engagement des hommes et des femmes de bonne volonté pour faire refleurir la société et l’Église en Albanie.

Mais maintenant de nouveaux défis se présentent auxquels il faut répondre. Dans un monde qui tend à la mondialisation économique et culturelle, il convient de faire tous les efforts pour que la croissance et le développement soient mis à la disposition de tous, et pas seulement d’une part ie de la population. De plus, un tel développement ne sera pas authentique s’il n’est aussi durable et équitable, c’est à dire s’il ne se souvient pas des droits des pauvres et ne respecte pas l’environnement. À la mondialisation des marchés il est nécessaire que corresponde une mondialisation de la solidarité ; la croissance économique doit s’accompagner d’un plus grand respect de la création ; en même temps que les droits individuels, ceux des réalités intermédiaires entre l’individu et l’État doivent être protégés, et la première de toutes ces réalités c’est la famille. L’Albanie aujourd’hui peut affronter ces défis dans un cadre de liberté et de stabilité, qui sont consolidées et qui font bien espérer pour l’avenir.

Je remercie cordialement chacun de vous pour l’accueil délicat et, comme le fit saint Jean-Paul II en avril 1993, j’invoque sur l’Albanie la protection de Marie, Mère du Bon Conseil, lui confiant les espérances de tout le peuple albanais. Que Dieu répande sur l’Albanie sa grâce et sa bénédiction.

(c) Traduction officielle du Saint-Siège