« La joie de l’Evangile » est une exhortation apostolique « christocentrique » car la « joie » dont parle le pape François « n’est pas un sentiment psychologique général ; c’est la joie de la lumière que la foi en Jésus-Christ jette sur toute la vie, personnelle, familiale, communautaire et sociale », estime Mgr Crepaldi.
Mgr Giampaolo Crepaldi, archevêque de Trieste, donne quelques éclairages sur l’exhortation apostolique « La joie de l’Evangile », publiée le 26 novembre dernier, par le pape François. L’archevêque souligne notamment le lien entre l’exhortation et l’enseignement social de l’Eglise.
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« L’exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » présente de nombreux aspects en lien, directement ou indirectement, avec la doctrine sociale de l’Église. Le texte est marqué par le caractère central, pour la vie du chrétien, de la rencontre avec Jésus-Christ, sauveur et miséricordieux. La « joie » dont parle le pape François n’est pas un sentiment psychologique général ; c’est la joie de la personne qui a connu une renaissance, la joie du salut rencontré et expérimenté dans la vie de la grâce, la joie de la miséricorde qui pardonne nos péchés et, si nous le voulons nous aussi, celle de la lumière que la foi en Jésus-Christ jette sur toute notre vie, personnelle, familiale, communautaire et sociale. C’est une exhortation apostolique « christocentrique » parce c’est à la lumière du Christ que s’éclairent toute la création, l’Église, l’humanité et l’histoire.
Cette dimension christocentrique est très importante pour la doctrine sociale de l’Église qui, comme nous l’a enseigné Jean-Paul II, est « l’annonce du Christ dans les réalités temporelles ». L’annonce doit être faite avec joie parce qu’elle a son origine dans un « oui » qui prime sur toute observation critique des conditions sociales d’aujourd’hui. À l’origine, il y a l’annonce du salut, de la miséricorde et de la justice.
Le pape se réfère souvent au Compendium de la doctrine sociale de l’Église, qui est peut-être plus utilisé en Amérique latine qu’en Europe. Dans celui-ci aussi, au début, il y a le projet d’amour de Dieu pour l’homme qui le remplit de joie et le pousse à sortir pour aller vers les autres et partager cette joie avec eux. Il ne s’agit pas de sous-évaluer le niveau éthique des problèmes sociaux, mais de l’élever. La loi nouvelle de l’amour ne supprime pas la loi ancienne, mais elle l’élève et la purifie.
Le chapitre IV aborde la question de « la dimension sociale de l’évangélisation », avec un approfondissement sur la fameuse « option préférentielle pour les pauvres ». Le pape n’y parle pas de l’amour de Jésus pour les petits, mais de l’attitude des croyants et de l’Église à leur égard. L’insertion sociale des pauvres devient ici plus qu’une politique sociale. C’est la perspective même de notre vie en société, qui nous rappelle sans cesse le motif ultime de l’existence de la communauté politique. Ici est évoquée toute la réflexion de la doctrine sociale de l’Église sur la solidarité et le bien commun, à partir du point de vue des pauvres.
Dans ce même chapitre, le pape approfondit aussi le concept important de « paix sociale » : paix diplomatique entre les nations, paix politique entre les partis, mais aussi paix sociale entre les classes et entre les citoyens. A ce sujet, le texte contient des provocations salutaires invitant le monde de l’économie et de la politique à remettre au centre la personne humaine et un authentique bien commun.
Enfin, l’exhortation « Evangelii Gaudium » a une forte dimension missionnaire qui découle de son caractère christocentrique. L’Église tout entière est invitée par le pape François à avoir le courage de la mission et à dépasser les inerties et les scrupules qui la paralysent. Cela est vrai aussi de la doctrine sociale de l’Église. Jean-Paul II avait écrit, dans Centesimus annus, qu’elle avait un aspect « concret » et « expérimental » et il avait invité tous les croyants à se mettre courageusement en jeu, en s’insérant dans le grand fleuve de ceux qui, depuis toujours dans l’Église, se sont engagés pour le bien commun de leurs frères. Sortir de soi pour la mission ne veut pas dire qu’il faut sortir « des églises » ni qu’il faut abandonner la doctrine et la vie sacramentelle. Pour le pape François, cela veut dire se laisser guider par l’essentiel et, dans la vie du chrétien, l’essentiel doit être donné à tous ».
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat