Bénin: colloque sur "Jésus de Nazareth" de J. Ratzinger-Benoît XVI

Homélie de Mgr Barthélemy Adoukonou

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Messe d’ouverture du colloque, Cotonou, 18 septembre 2013

Textes : 1Tim 3,14-16, Lc 7,31-35

Quand j’ai lu, il y a une semaine, ces textes que je voudrais brièvement vous commenter en cette ouverture liturgique de notre Séminaire sur Jésus de Nazareth, je me suis dit que les gens vont rire de moi, quand une fois encore je vais parler de la Providence qui nous a devancés et qui a préparé pour nous ce rendez-vous eucharistique. Les textes que nous venons d’écouter, vous en conviendrez avec moi, ouvrent de manière très profonde la méditation sur le mystère du Christ que se voudrait ce colloque d’approfondissement de la lecture entamée, il y a trois jours, de la trilogie du théologien pape, Benoît XVI. Oui ! notre génération ressemble bien à celle pour laquelle Jésus de Nazareth avait inventé la parabole des enfants joueurs de flûte. En Occident aujourd’hui on pense selon une conception de la culture totalement coupée de Dieu et de la religion, mais on construit aussi activement et résolument le monde, comme si Dieu n’existait pas ; l’homme lui-même, créé « à l’image de Dieu », vit dans une tourmente spirituelle telle, qu’il n’arrive pas à entendre le message de la Sagesse de Dieu, encore moins à s’éprendre d’amitié pour la figure de miséricorde de Dieu manifestée dans le Christ Jésus notre Seigneur. Pendant ce temps en Afrique, et tout particulièrement ici au Bénin où le Vodun et la mentalité sorcelleresque ont fortement imprégné la culture africaine traditionnelle, une véritable gloutonnerie en matière de religiosité et de spiritualité fait courir le risque de noyer le spécifique chrétien. Les enfants musiciens chantant à l’adresse à ces deux mondes désormais unifiés dans la contemporanéité et dans la juxtaposition du village planétaire où nous vivons, n’obtiennent de nous ni pleurs, ni danse : « Nous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé. Nous avons entonné des chants de deuil, et vous n’avez pas pleuré ».

« Mais la sagesse de Dieu se révèle juste auprès de tous ses enfants ».

L’Occident athée, comme le reste du monde qui est croyant, doivent renaître pour devenir enfants de la Sagesse de Dieu dont l’évangile nous dit qu’elle s’atteste juste auprès de ses enfants. C’est cette Toute-puissante Sagesse, « folie pour les grecs, faiblesse pour les juifs » que célèbre l’hymne paulinienne de la 1ère lecture :

« Il est grand le mystère de notre religion : c’est le Christ manifesté dans la chair, justifié par l’esprit, apparu aux anges, proclamé chez les païens, accueilli dans le monde par la foi, élevé au ciel dans la gloire ». St. Paul, son disciple Timothée et tous ceux qui acceptent de devenir enfants de la Sagesse par la foi, voilà le Mystère, qu’à genoux, ils doivent tous confesser.

Cette Sagesse, Benoît XVI nous a enseigné dans sa première encyclique, que c’est elle qui s’est révélée en croix comme agapê et eros en unité. Dieu se retournant dramatiquement contre lui-même, et laissant imploser son cœur pour ne pas donner libre cours à sa violence contre son enfant chéri Ephraïm, meurt d’amour et, les bras ouvertes, en croix, semble crier sa soif d’amour : « Aimez-moi ». Augustin, le grand maître de J. Ratzinger/Benoît XVI, nous invite lui aussi, pathétique, « Je vous en conjure, aimez avec moi ! ». Une certaine manière rationnelle de faire la théologie a abouti à un morcellement de la foi qui, dit-on, serait désormais plurielle, selon les cultures et les systèmes de penser. Avec toute la Tradition, J. Ratzinger/Benoît XVI nous enseigne que la foi est une et unique, pour le charbonnier comme pour les élites, elle est l’unique et même élan d’amour vers ce Dieu vivant qui est amoureux de l’homme. Pour les Blancs comme pour les Noirs, elle reste unique : c’est dans son universalité que nous nous retrouvons tous frères.

Frères et sœurs Africains et Européens participants à cette eucharistie, la foi catholique n’est pas plurielle ; nous devons sortir de nos particularismes pour aller à la remonte du Dieu vivant et véritable. La foi n’est le fruit d’aucun système culturel, et pas davantage de nos systèmes philosophiques. Elle est l’élan d’adhésion à cet Amour qu’est Dieu et qui, en Jésus de Nazareth, « manifesté dans la chair, justifié par l’Esprit, apparu aux anges, proclamé chez les païens …. élevé au ciel dans la gloire » nous supplie de l’aimer. L’unique vraie foi, c’est la foi dans ce Dieu vivant, mendiant d’amour sur la croix. C’est cette foi qui a été confessée par toutes les générations de chrétiens, dans la diversité des cultures, comme, dès les débuts, les témoins de l’événement de Pentecôte le proclamaient, ravis :

« Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?, Parthes, Mèdes et Elamites …. nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu » (Ac. 2,7-11).

Vous savez F. Nietzsche, l’athée le plus cinglant dans ses railleries des chrétiens, nous parlait des trois âges de l’esprit – chameau, lion, enfant -. Sa prétention à nous enseigner comment l’esprit entre tour à tour dans ces trois états, ne peut franchir le seuil de l’enfance. Nous, nègres, pour avoir expérimenté dans nos ancêtres la vie de bêtes de somme – la traite négrière le documente à souhait -, savons comment nous sommes devenus lions sous l’inspiration marxiste. A. Césaire, marxiste en rupture de ban avec le parti communiste français, ainsi que l’atteste sa célèbre Lettre à Thorez, proclame en notre nom à tous par la bouche du « Roi Christophe » : « Griffus ou non griffus ? Je choisis d’être griffus ! ». Mais tous échouent à nous faire renaître comme des enfants. Et nous, les nègres, nous pouvons unanimement attester qu’aucune philosophie, qu’aucune idéologie n’a pu nous faire redevenir des enfants. Seule la Famille de Dieu qu’est l’Eglise nous a fait rencontrer en Jésus de Nazareth la grâce de la conversion qui donne à tout homme de renaître enfant. Cela n’est pas un mérite de notre part, cela n’est pas une valeur culturelle, cela n’est pas une conquête intellectuelle. Un penseur chrétien allemand à pu écrire « Der Mensch als Anfang » (l’Homme comme un enfant). En cette année de la foi qui marque le jubilée d’or de Vatican II, nous sommes venus pour, ensemble, tenter de porter au langage la raison dont notre foi est chargée. Benoît XVI nous y invite et nous aide admirablement par tout son engagement plus que sexagénaire dans la tâche théologique, et tout particulièrement par ses quatre encycliques sur les trois vertus théologales – charité, espérance et foi – et par sa trilogie Jésus de Nazareth.

Le message et la figure de Jésus nous y sont exposés selon les critères scientifiques les plus modernes, et avec un enthousiasme contagieux, celui-là qui naît de la foi, la même pour toute l’humanité et dont l’Eglise est le Sujet historique une, sainte, catholique et apostolique.

Nous voudrions, au cœur de cette célébration inaugurale, demander au Seigneur de ne pas en rester à la foi et à la fête intellectuelles que ces jours d’approfondissement théologique promettent d’être, mais que notre joie soit la joie simple et vivante des enfants, une joie qui s’empare de chacun de nous entièrement. Qu’au terme de ces journées, le Seigneur puisse, aujourd’hui encore, exulter, comme jadis, quand ses apôtres sont revenue de mission : « Je te bénis, ô Père, d’avoir caché cela aux sages et aux savants, et de l’avoir révélé aux enfants ». Amen !

Publié le 18 septembre 2013.

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ZENIT Staff

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