Les trois principales nouveautés du pontificat

Analyse du directeur de la salle de presse du Saint-Siège

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Six mois jour pour jour après l’élection du pape François, le 13 mars dernier, le père Federico Lombardi SJ, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, propose, au micro de Radio Vatican, les nouveautés et les points forts du pontificat, mais il rappelle: « ce qui compte, c’est la réforme permanente de la vie de l’Église ».

C’était le 13 mars : à 19h06, l’explosion de joie de la foule Place Saint-Pierre avec l’apparition de la fumée blanche, puis de nouveau lorsque le cardinal proto-diacre, Jean-Louis Tauran, est apparu à la loggia, à 20h12, pour annoncer que l’Église catholique avait un nouveau pape, et enfin, à 20h26, la salutation du pape François, de cette même loggia de la basilique vaticane: « Bonsoir! ».

Père Lombardi, pour reprendre la méthode du pape François, quels sont les trois principales nouveautés de ce pontificat ?

P. Federico Lombardi – Je dirais que la première nouveauté est le nom, qui m’a frappé dès le début : François, un nom tout-à-fait nouveau ; aucun pape ne l’avait choisi auparavant. Et, avec le nom de François, il y a l’explication, donnée par le pape lui-même : « les pauvres, la paix, la sauvegarde de la création ». Et nous avons déjà vu – au moins en ce qui concerne les pauvres et la paix – que ce sont vraiment des traits fondamentaux de ce pontificat, qui sont aussi d’une extrême actualité, comme cet engagement extrêmement courageux pour la paix au Moyen-Orient, au cours des dernières semaines.

Ensuite, une seconde nouveauté me semble être la fin de l’ « eurocentrisme » de l’Église, c’est-à-dire le fait que nous ayons un pape latino-américain. En réalité, on sent cela dans le sens plutôt positif d’un élargissement de l’horizon : nous l’avons vu en particulier au cours des Journées mondiales de la jeunesse, où nous avons vu le pape sur son continent d’origine et nous avons appris que son style aussi est pastoral, sa façon d’être en relation directe avec les gens, son langage très simple… Même les thèmes de l’attention à la pauvreté etc. viennent d’un contexte ecclésial très riche, avec une grande tradition qui arrive maintenant au cœur de l’Église avec une plus grande force et une plus grande présence. Tous les papes ont été « universels », c’était des papes qui avaient à cœur le monde entier et ce n’est pas qu’ils étaient « partiaux ». Mais je crois que l’on peut reconnaître que le choix d’un pape provenant d’un autre continent apporte effectivement quelque chose de spécifique dans le style, dans les perspectives, et c’est quelque chose qui est désiré par l’Église universelle, qui est voulu par les cardinaux et nous l’apprécions comme un nouvel enrichissement du chemin de l’Église universelle.

Et puis, si je dois donner une troisième caractéristique, il me semble qu’il y a la dimension missionnaire. Le pape François parle beaucoup d’une Église non-autoréférentielle, d’une Église en mission, d’une Église qui regarde en dehors d’elle-même le monde entier. Il m’est revenu à l’esprit la très belle Lettre de Jean-Paul II à la fin du Jubilé, « Duc in altum », avance au large – adressée à l’Église du troisième millénaire. Voilà, il me semble que, effectivement, avec le pape François, la barque de l’Église navigue avec détermination vers le large, sans peur, sans angoisses, avec la joie de pouvoir rencontrer le mystère de Dieu sous des horizons nouveaux.

Le pape secoue les chrétiens, parfois même avec des paroles très fortes, et ceux qui sont loin se rapprochent …

Oui, disons que le style, le langage direct du pape, son comportement, et aussi la nouveauté de son style de vie touchent profondément et suscitent beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme. Mais je crois, et j’espère, que le motif fondamental de cet intérêt est profond, que cela vient du fait que le pape insiste énormément sur un Dieu qui aime, un Dieu de miséricorde, un Dieu toujours prêt à pardonner celui qui s’adresse à lui avec humilité.

Et de cette manière, il me semble qu’il touche l’homme en profondeur – l’homme et les femmes de notre temps ; il sait, lui,  combien ils sont blessés : blessés par tant d’expériences difficiles, par tant de frustrations, d’injustices, de situations de pauvreté et de marginalisation dans le monde d’aujourd’hui. Alors, cette manière de parler si efficace et cette capacité à communiquer, par ses paroles et ses gestes et dans un style aussi direct, l’amour de Dieu pour tous, sa proximité, son intérêt pour l’homme, sa tendresse – un des mots que le pape aime particulièrement et qui expriment sa façon d’être – tout cela touche et émeut en profondeur les personnes, toutes : les croyants et ceux qui se disent non-croyants.

Parce que toutes les personnes sont aimées de Dieu et sont vraiment celles à qui est adressé ce grand message de l’amour de Dieu et de l’amour du Christ. Et donc, cela parle à tout le monde, lorsque c’est dit dans la vérité, de manière concrète et proche du cœur de l’homme.

Ce pontificat suscite de grandes attentes. À quoi devons-nous nous attendre dans les prochains mois ?

Mais… je ne suis pas prophète… Nous savons, pour dire les choses simplement, que, dans les prochains mois, le pape affrontera aussi des questions qui concernent le gouvernement de l’Église, en consultant ses collaborateurs, que ce soit ses collaborateurs de la curie romaine, comme il l’a déjà fait récemment, ou les cardinaux, comme il le fera au mois d’octobre, les cardinaux qu’il a choisis et qui viennent de différentes parties du monde. Mais, honnêtement, je ne voudrais pas que l’on surestime ces fameuses réformes de structure, qui concernent un peu l’institution.

Ce qui compte, c’est le cœur de la réforme permanente de la vie de l’Église et, en ce sens, le pape François, par son exemple, sa spiritualité, son attitude d’humilité et de proximité, veut certainement nous rendre proches de Jésus, veut faire de nous une Église en marche, proche de l’humanité d’aujourd’hui, en particulier de l’humanité qui souffre et qui a davantage besoin de la manifestation de l’amour de Dieu. Et donc, cette Église en marche, capable d’être solidaire, compagne de l’humanité qui chemine. Je crois que c’est à cela que nous pouvons et devons nous attendre à travers tant de signes et de décisions.

Ces dernières semaines, nous avons eu la grande question de la paix, de ceux qui souffrent des tensions et des guerres, mais nous pouvons en avoir beaucoup d’autres : il y a la question de la proximité à l’égard des réfugiés, la proximité à l’égard des différentes formes de marginalisation, de la prison, etc. Alors, laissons le Seigneur nous conduire. Le pape n’est pas quelqu’un qui pense avoir la main sur la planification et l’organisation de l’Histoire. Le pape est une personne qui écoute l’Esprit du Seigneur et qui cherche à le suivre docilement et, en ce sens, il nous entraîne sur un chemin toujours nouveau et dont nous sommes convaincus qu’il sera beau et plein d’espérance.

Comment se passe la coexistence au Vatican du pape François avec le pape émérite Benoît XVI ?

Ah, cela se passe très bien, cela se passe parfaitement ! Je dirais que nous sommes tous contents – à commencer par le pape François – de la présence du pape émérite au Vatican, avec sa discrétion, sa spiritualité, sa prière, son attention. C’est exactement ce qu’il nous avait promis, ce qu’il nous avait annoncé à l’occasion de sa renonciation : il continuerait à être en chemin avec l’Église, mais davantage sous la forme de la prière, de l’offrande de sa vie, de la proximité spirituelle plutôt que celle d’une présence, disons, opérationnelle.

En même temp
s, nous savons qu’il existe aussi une relation personnelle, extrêmement cordiale entre le pape François et son prédécesseur ; il y a eu quelques moments symboliques où nous l’avons vu : lorsque le pape François l’a invité à une très belle cérémonie dans les Jardins du Vatican pour inaugurer un nouveau monument ; mais ce qui a été encore plus éloquent, c’est lorsqu’il est allé le trouver avant son voyage au Brésil, pour lui demander sa prière, sa proximité, son soutien pendant ce moment si important ; et puis, quand il est allé le rencontrer à son retour pour lui raconter les belles expériences de ce voyage, le remercier de sa proximité dans la prière.

Moi aussi, j’ai eu une fois la joie de pouvoir être proche du pape Benoît et de voir sa sérénité, sa foi, sa spiritualité, son extraordinaire affabilité, dont il a si souvent témoigné au cours de son pontificat et qui continue à le caractériser, même si maintenant, c’est d’une manière nouvelle et discrète. Je crois que nous percevons, même si nous ne le voyons pas souvent, nous sentons toujours la présence de son affection, de sa prière, de sa sagesse et de son conseil, qui est certainement toujours à la disposition de son successeur, s’il le demande.

En quoi  le travail du porte-parole du pape a-t-il changé ces six derniers mois ?

Mais… j’ai toujours dit que je ne suis pas tant le porte-parole du pape que le directeur de la salle de presse qui rend l’humble service de mettre à disposition les informations, les textes et les réponses pour bien faire comprendre ce que le pape dit et fait.

Honnêtement, il me semble que, pendant ces six derniers mois de pontificat du pape François, le pape a agi et parlé de manière tellement intense que, effectivement, et heureusement, j’ai pu être tout-à-fait dans l’ombre par rapport à ce qu’est le protagoniste, la voix principale que les fidèles veulent écouter, et qui est justement celle du pape.

Et donc, le service est toujours le même : celui d’aider le ministère du pape pour le service du peuple de Dieu, mais c’est un temps où la parole du pape est très claire, concrète, bien reçue, ses gestes sont très intenses, très fréquents… Disons donc qu’il y a beaucoup à faire pour le suivre, mais il parle de lui-même.

Traduction Hélène Ginabat

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Federico Lombardi

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