L’enquête d’un journaliste italien, Nello Scavo, qui publie « La liste de Bergoglio », a permis de retrouver une centaine de personnes sauvées sous la dictature argentine (1976-1983), par le P. Jorge Mario Bergoglio SJ: il avait été élu supérieur provincial des Jésuites du pays en 1973, à 36 ans.
Après l’élection du pape François, le 13 mars 2013, des voix l’ont accusé de complicité avec la dictature argentine: des calomnies démenties par des témoins comme le Prix Nobel de la paix, Perez Esquivel, défenseur des droits de l’homme, qui n’a pas hésité à lui rendre visite à Rome, et l’avocate Alicia Oliveira, secrétaire pour les droits de l’homme de la Chancellerie, au temps du ministre Rafael Bielsa et du président Nestor Kirchner, et sauvée par lui alors qu’elle était persécutée par les militaires.
Nello Scavo, journaliste du quotidien italien « Avvenire », a voulu en savoir davantage et il a mené son enquête, rencontrant des personnes que le père Bergoglio avait aidées à fuir. En tout, il a retrouvé une vingtaine de témoins, ce qui lui a permis d’établir une liste d’une centaine de personnes.
Il a rassemblé leurs histoires dans son livre « La liste de Bergoglio », qui paraîtra en italien fin septembre aux éditions EMI, selon le quotidien « La Provincia di Como », la province de Côme, où vit le journaliste, dans le Nord de l’Italie.
Autorisé par le directeur éditorial d’Avvenire à se consacrer à ce sujet, Nello Scavo a commencé ses recherches, à prendre des contacts et il a progressivement découvert de nouveaux témoignages.
« Le pape ne voudra peut-être pas le reconnaître, explique-t-il, mais nous avons découvert qu’à cette époque, pour sauver les dissidents et les personnes persécutées, il a lancé une chaîne de solidarité dont chaque maillon ignorait les autres. »
Nello Scavo admet que l’enquête n’avait pas été facile, parce que de nombreux amis du pape François n’ont presque rien dit des personnes qu’il avait sauvées et parce que le provincial des Jésuites de l’époque ne s’est jamais vanté de ce qu’il avait fait.
Le journaliste donne deux raisons à cela : la première, évoquée par un ami du pape, serait que « le pape ne veut pas d’opérations de marketing autour de son image ». La seconde, estime l’auteur, « à cause des souffrances que les événements de ces années-là ont causées, en particulier celles des « desaparecidos », les opposants disparus et les enfants enlevés à leurs mères mortes sous la torture ». Et pour Jorge Mario Bergoglio, en avoir sauvé quelques-uns n’est rien devant la douleur de ces personnes.
Le 10 avril dernier, le pape François a adressé à l’« Association des mères de la Plaza de Mayo », mère des « disparus », une lettre par l’intermédiaire de la Secrétairerie d’Etat : « Le Saint-Père prend part à votre douleur et à celle de tant de mères et de parents qui ont souffert et qui souffrent encore de la tragique perte de l’un des leurs en ce moment de l’histoire argentine ».
Elles ont elles-mêmes salué l’action de Bergoglio sous la dictature dans une lettre, environ un mois après son élection (cf. Zenit du 23 avril 2013).
L’action du père Bergolgio ne faisait acception de personne, au-delà des différences de foi et des partis, c’est ce que confirme un des témoins, ni baptisé ni croyant, qui publiait à l’époque une revue: « Bergoglio m’a protégé et, grâce aux jésuites, j’ai réussi à fuir, d’abord en Uruguay, puis au Brésil et, finalement, sur un bateau de marchandises en direction de l’Italie ».
Avec Hélène Ginabat pour la traduction