Cinéma : se réconcilier avec soi-même, avec le monde, avec Dieu

Film de Giorgio Diritti sur la recherche de Dieu

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Le scénariste, monteur, producteur et metteur en scène Italien, Giorgio Diritti, vient de sortir son nouveau long-métrage « Un giorno devi andare » (Un jour tu dois partir), sur la distance : entre le Nord et le Sud du monde ; entre la pauvreté et la richesse ; entre deux manières de concevoir l’appartenance à une communauté; entre une mère et sa fille; entre l’homme et Dieu.

Après « L’homme qui viendra » (L’uomo che verrà) qui a connu également en France un succès grandissant par l’enthousiasme du public et de la critique, ce nouveau film est l’histoire d’Augusta, une jeune femme de 30 ans, qui a été quittée par son mari, après que celle-ci eût perdu un enfant et la possibilité d’en avoir d’autres, et qui décide de partir rejoindre Sœur Franca, une amie de sa mère, dans une mission catholique au Brésil, pour trouver un sens à donner à sa vie, à la recherche de Dieu et d’elle-même.  

En collaborant avec la mission, dans un secours désintéressé auprès de son prochain, Augusta est convaincue de pouvoir donner un sens à son existence. Mais sans le support de la voix de Dieu, son action lui paraît stérile.

Alors elle part plus loin encore, jusque dans les périphéries, toujours plus loin de la civilisation, dans les bidonvilles les plus pauvres, pour donner à son âme tourmentée un lieu d’appartenance qu’elle trouvera peut-être sur une plage lointaine « à l’autre bout du monde ».

Giorgio Diritti est un metteur en scène très habile qui arrive – grâce surtout au travail de ses acteurs et à sa vision élargie, « cinématographique », de l’espace –  à bien rendre cet écart qui sépare la nature vaste, intacte, des rives du Rio Amazonien, et la ville de Trente (Italie) figée par le froid et ensevelie sous la neige.

Ce film reflète l’appel que des personnes entendent clairement au fond d’elles, « parce qu’elles ont laisser pousser ce grain que Dieu a mis dans leur âme », explique Sœur Franca, la missionnaire catholique au Brésil, à la jeune Augusta, tourmentée, qui l’a suivie dans les régions les plus pauvres de la planète, poussée non pas à répondre à une vocation mais à trouver des réponses à une question.

Au moins une fois dans la vie – ne cesse de répéter la religieuse – Dieu se fait rencontrer de manière claire pour que l’homme puisse, librement, le suivre ou pas. Augusta voudrait bien croire à cette vision du monde mais elle est meurtrie par cette absence de rencontre avec ce Dieu qui, à ses yeux, semble ignorer la blessure lancinante qu’elle porte dans son corps et dans son âme.

Dans le Trentin, pendant ce temps-là, sa mère et sa grand-mère s’inquiètent pour elle. Le couvent de San Romedio, en Val di Non, où vit la communauté de religieuses dont fait partie Sœur Franca, est le seul contact qu’elles ont avec Augusta. Anna, la mère d’Augusta, appartient en effet à cette communauté, qui l’aime et la console, mais – exactement comme sa fille – elle est dans l’attente que Dieu fasse le premier pas vers elle. Antonia, la grand-mère, a beaucoup vieilli, va peut-être mourir, et elle ne peut que s’interroger sur le sens d’une vie qui s’achève.

Augusta respire à nouveau quand elle quitte la mission catholique, où il lui semble que les efforts d’évangélisation des prêtres et des sœurs sont inutiles. Elle part vivre dans les bidonvilles: elle aide les familles à sa manière, sans parler de sacrements et de conversion mais en cherchant avant tout à trouver un langage commun pour raccourcir cette distance anthropologique abyssale, lui semble-t-il, qui sépare les différentes manières de se concevoir soi-même, de concevoir le monde, la société, le travail.

Mais cette approche aussi ne paraît rencontrer aucun résultat : Augusta se fait des illusions, elle croit pouvoir changer les choses en mieux mais se heurte à une mentalité tellement enracinée que tous ses efforts semblent inutiles. Le sens que les hommes de la favela ont de la communauté est déjà diffèrent de celui qu’ont les femmes, soumises à une culture machiste et fondée sur l’assistance.

Perdante mais pas désespérée, Augusta part encore plus loin, vers les contreforts du monde, courant obstinément après une valeur à donner aux choses de la vie, en laissant toujours ouverte la porte à Dieu. Sa rencontre, dont parlait Sœur Franca n’a pas encore eu lieu, mais peut-être arrivera-t-elle.

La rencontre avec Dieu est une présence appelée, attendue, mendiée – même si, comme dit une citation de Simone Weil reprise dans le film, Dieu aussi mendie l’amour de l’homme. Aucun des personnages en effet, n’exclut à priori le divin de son existence, même si le regard du film – pas vraiment sceptique – est assez prudent dans son jugement sur le travail et les méthodes de l’Eglise missionnaire.

Les prêtres et religieuses décrits dans le film sont décrits positivement et leur bonne foi n’est jamais mise en doute, ni la gratuité et l’honnêteté de leur action. Toutefois, dans leur description, émerge un élément sceptique concernant l’efficacité de leurs objectifs.

Quand Augusta reproche à Sœur Franca: « Pour toi, il suffit qu’on baptise, peu importe qu’ils n’en comprennent pas le sens », la sœur répond: « Je n’ai jamais pensé à ces choses en ces termes ». La sœur non plus n’arrive pas à donner raison de sa conviction selon laquelle Dieu, quoiqu’il arrive, est à leurs côtés.

Cet échange raconte la confiance que la femme consacrée repose sur la proximité de Dieu mais dénonce une certaine difficulté, de la part des religieux catholiques, à sortir d’un regard « missionnaire » un peu détaché de la réalité.

« Dans ma tension – explique le metteur en scène – il y a la volonté de s’interroger sur la façon dont, parfois, un schéma devient plus fort que l’authenticité. Dans certains cas, peut-être que l’Eglise a elle aussi favorisé la mentalité de l’homme blanc porteur de vérité. Alors qu’au contraire un regard plus ouvert permet de mieux voir combien certaines communautés sont tout naturellement très proches du christianisme et incarnent une partie du message du Christ ».

« J’espère, ajoute-t-il, que le film, à son petit niveau, soulèvera des débats, incitera à s’interroger sur la façon dont chacun, à partir de la rencontre avec l’autre, peut aider la société à être plus juste, plus sainte d’une certaine façon. Espérons qu’il en sera ainsi ».

Traduction d’Océane Le Gall

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Raffaella Chiarulli

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