Le card. Poupard, témoin d'un consistoire "ordinaire"

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Benoît XVI « préoccupé pour les JMJ de Rio »

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« J’étais allé au consistoire ordinaire, et tout s’était déroulé comme à l’ordinaire »… jusqu’au moment où « le maître des cérémonies nous a fait signe de nous rassoir. Première surprise ! » : le cardinal français Paul Poupard, président émérite du Conseil pontifical de la culture, témoigne de la réaction des cardinaux à l’annonce de la renonciation du pape, au micro de Radio Vatican. Le pape était, dit-il, « préoccupé ces derniers temps pour les JMJ de Rio ».

Comment a été vécu ce moment chez les cardinaux ?

J’étais allé au consistoire ordinaire, et tout s’était déroulé comme à l’ordinaire, comme vous le savez, liturgiquement, avec la prière des heures, l’intervention du cardinal Amato pour présenter les trois bienheureux qui allaient être canonisés et demander l’avis des cardinaux, l’adhésion du pape, la formule solennelle, sa bénédiction. Nous allions partir… lorsque le maître des cérémonies nous a fait signe de nous rassoir. Première surprise ! Et puis le pape nous a dit qu’il nous avait convoqués non seulement pour le consistoire ordinaire mais aussi pour nous faire une communication, nous donner une nouvelle d’importance pour la vie de l’Église. En parfait latin, est arrivé tout de suite le « Senectutem », « la vieillesse », et je lisais sur les visages de mes confrères en face de moi, les sentiments qui étaient dans mon cœur, c’est-à-dire d’abord la surprise et ensuite la stupéfaction.

Avec le recul nécessaire, est-ce que cela vous semble cohérent avec le parcours de Benoît XVI ?

Tout à fait cohérent ! Dès le début j’ai pensé que le pape Ratzinger, dont j’ai été le collègue pendant 25 ans avant d’être son collaborateur à la culture et au dialogue interreligieux, était le seul pape, enfin le premier pape, des temps modernes, qui était capable de démissionner. Mais ne me faisons pas dire ce que je n’ai pas dit, je n’avais absolument pas pensé que cela pouvait être hier. Je me disais seulement qu’il le ferait lorsqu’il aurait la conviction qu’il a exprimée en termes parfaitement clairs : la conscience devant Dieu de l’affaiblissement de son corps et de son esprit, qui l’empêcheraient de remplir de façon « adéquate », c’est le mot clef, le ministère de Pierre. Et vous avez lu comme moi son livre d’entretiens avec Peter Seewald, où il avait répondu de façon nette à cette question. Il s’agit donc une parfaite cohérence jointe à une grande lucidité et un grand courage.

Est-ce que sa proximité avec Jean-Paul II lors de sa maladie a eu un impact sur sa décision ?

C’est évident ! Je me rappelle nos conversations à ce sujet, à ce moment-là. Nous avons été témoins de cette fin dramatique du pontificat, et si, bien sûr, nous avons tous été saisis par le témoignage spirituel, cela posait cependant des questions sur le gouvernement de l’Eglise. C’est évident !

Est-ce que ce n’est pas une manière aussi de réunifier la curie  autour d’un nouveau pape après une année difficile… Vatileaks… Les scandales ?

Non, je crois vraiment que c’est ce qu’il a dit, il ne faut pas chercher ailleurs. Une crise de conscience aiguë de l’impossibilité. Certaines choses me paraissent évidentes : par exemple, il était préoccupé ces derniers temps pour les JMJ de Rio et je pense qu’il a pris conscience qu’il ne pouvait pas aller à Rio.

Beaucoup d’observateurs, de commentateurs, parlent également d’un geste historique…  

Là, je suis sans équivoque. On a beaucoup galvaudé depuis quelques temps les termes « extraordinaire » et « historique », mais s’il y a une circonstance dans laquelle il faut l’appliquer, c’est bien celle-là. Nous sommes devant une décision qui a un caractère extraordinaire, ce qui en fait un événement historique dans l’histoire de l’Eglise depuis deux millénaires. Cette décision change les données dans lesquelles nous allons continuer désormais.

Après le conclave, après l’élection du nouveau pape, il y aura finalement « deux papes », si j’ose dire, au Vatican. Comment cela va-t-il se passer selon vous ?

Nous sommes dans une situation totalement inédite. Mais tel que je connais Joseph Ratzinger, vous pouvez être tranquille, il ne changera pas sa sobriété, sa discrétion et son humilité.

Est-ce que vous pouvez évoquer un souvenir, un fait marquant, quelque chose qui vous rappelle Joseph Ratzinger ?

Au lieu d’accepter ma démission pour raison d’âge, du dicastère de la Culture, il m’a donné le Dialogue interreligieux … et en travaillant avec lui à ce moment-là, j’ai constaté aussi sa grande cohérence dans le dialogue religieux : pour lui, ce qui était important était toujours le dialogue avec la raison. Pour Benoît XVI, l’homme reçoit sa plénitude, il s’accomplit parfaitement, dans ce dialogue entre la foi et la raison.

Traduction d’Océane Le Gall

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ZENIT Staff

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