Le livre de Michée, un programme oecuménique (II/II)

Réflexions de Mgr Bruno Forte

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Le prophète Michée est un important programme œcuménique, estime Mgr Bruno Forte, archevêque italien de Chieti-Vasto et théologien expert de l’œcuménisme. Le livre donne en effet « trois indications fondamentales » pour la marche vers l’unité : « mettre sa confiance dans la miséricorde », une « justice plus forte » et « l’humilité ».

Il fait un état des lieux de la situation œcuménique, à la lumière de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier), pour les lecteurs de Zenit. Nous publions ici la seconde partie de l’entretien (cf. Zenit du 18 janvier 2013 pour la première partie)

Quelle est la signification profonde du thème de la Semaine de Prière pour l’Unité des chrétiens de cette année?

Cette année le thème de la prière pour l’unité des chrétiens est une phrase tirée du livre du prophète Michée: Que nous demande le Seigneur ? (Mi 6,6-8). Cette réflexion, choisie par une commission mixte de catholiques, orthodoxes et protestants, repose sur la volonté de réaliser ce que le Seigneur veut pour nous. On note trois indications fondamentales: la première est une indication de piété, qui est une attitude profonde d’abandon et de confiance en Dieu, en sa primauté absolue. Michée demande que l’on reconnaisse la primauté du Seigneur comme source et référence pour tous nos autres choix. Ce point est l’idée fondamentale sur laquelle le pape insiste tant. Chez Michée, mettre sa confiance dans la miséricorde est le signe d’une recherche continue de se mesurer en fonction de la volonté de Dieu.

Et puis il y a la justice. Comme le montrent les commentaires œcuméniques, la justice est à comprendre dans sa dimension fortement sociale aussi. On reconnaît les droits des pauvres et des faibles. Souvent, une coopération au service des pauvres et visant une justice plus forte est possible là où, par manque d’outils,  la communion doctrinale s’avère impossible.

Enfin l’humilité: nous ne sommes pas les protagonistes de l’unité, car celle-ci vient de Dieu et ce qui nous est demandé c’est surtout d’invoquer l’action de Dieu. Je crois que sans humilité cette unité que demande le Seigneur ne pourra jamais se réaliser. Voilà pourquoi le texte de Michée devient un important programme œcuménique, surtout à une époque où certains  parlent d’un « hiver œcuménique », alors qu’il faudrait regarder avec des yeux de foi, car à la veille du printemps, le grain meurt pour donner son fruit.

Est-ce qu’une structure comme l’ordinariat, choisi par le pape pour réintégrer des fidèles anglicans, pourrait être utile à d’autres communautés non catholiques?

A la base de cela il y a une intuition de Jean Paul II qui, dans Ut unum sint, s’était déclaré disposé à revoir l’exercice de la primauté, pour que des baptisés issus d’autres traditions chrétiennes puissent être accueillis. L’idée est que l’on doit faire la distinction entre un contenu de vérité théologique, d’unité de l’Eglise, qui est confié à l’évêque de Rome, et les modalités de son exercice qui peuvent naturellement se diversifier comme le montre l’expérience historique.

Il peut y avoir un esprit d’unité comme celui qui a fait mûrir l’Eglise latine et il peut y avoir un esprit d’unité comme celui qui lie les Eglises catholiques d’Orient et le Saint-Siège. Il pourrait y avoir aussi d’autres modalités comme ces dernières formes expérimentales d’un ordinariat pour les anglicans. Ce dernier est en train de donner quelques signes d’accueil même si les chiffres ne sont pas ceux que l’on aurait pu, abstraitement, imaginer; mais attention, cela ne veut pas dire que l’intuition n’est pas heureuse : cela signifie, au contraire, que beaucoup d’anglicans, qui ont intégré concrètement  l’Eglise catholique, dont parmi eux tant de prêtres, veulent vivre cette pleine communion avec Rome, car ils se sentent à tous les effets des catholiques. Donc l’ordinariat est une formule qui vaudra pour tous les anglicans particulièrement attachés à la tradition anglicane, au plan de la forme en matière de liturgie et de prière, mais sans que cela compromette pour autant leur pleine communion à la doctrine et à la pastorale de l’Eglise de Rome.

Il nous faut donc être ouverts à une pluralité de possibilités, c’est-à-dire à une communion qui se réalise, comme pour les anglicans, en une simple et pleine communion avec l’Eglise catholique, sans renier le bien reçu dans la communion anglicane mais en portant ce bien à son plein accomplissement au sein de l’Eglise catholique. Il pourrait y avoir des anglicans qui voudront trouver une communion avec Rome mais en gardant certains signes visibles et caractéristiques propres à leur identité et tradition.

Benoît XVI, en faisant ces choix, a montré qu’il était ouvert à toutes les possibilités, les soutenant et les encourageant pour que se réalise la prière de Jésus de voir unis tous les chrétiens.

Comment expliquez-vous les « succès œcuméniques » de Benoît XVI?

Le pape répondrait à cette question en vous disant que s’il y a des succès, c’est l’Esprit-Saint lui seul, son action, qui en est la cause et que les résultats obtenus sont probablement encore trop peu par rapport à ce que le Seigneur attend de son Eglise. Ceci est une de ses caractéristique, celle d’un homme de foi qui voit les choses loin, dans les limites extrêmes de l’horizon, et n’exalte pas trop les objectifs atteints à ses portes. Autrement dit il y a encore beaucoup à faire. L’œcuménisme est encore une grande promesse et un grand appel, sous certains aspects un grand défi aussi. La pire des tentations serait de se décourager, de penser que cette unité pourrait ne jamais être atteinte. C’est un point sur lequel le pape appelle à réagir avec une grande confiance en ce que Dieu fait et veut. La tentation opposée serait de tout précipiter, chercher à tout prix cette unité en faisant des pas qui, plus que par souci d’obéissance à la vérité, serait dictés par l’irénisme. Le magistère de Benoît XVI nous met bien en garde contre cela : l’unité ne peut se construire que dans la vérité. La vérité chrétienne est inséparable de la vérité, donc unité – vérité – charité sont les trois pôles d’un même chemin, qui doivent fonctionner ensemble.

Quelle valeur donner en revanche à la tentative de réconciliation avec la Fraternité Saint-Pie X?

Sur cela aussi, Benoît XVI a fait preuve d’une grande charité et d’une grande ouverture. Sommorum Pontificum et ses normes rendent possible de vivre ce qu’a été le patrimoine liturgique du passé, de manière ouverte à la plénitude catholique. Personnellement je suis convaincu que la liturgie de Vatican II est vraiment riche et « traditionnelle », donc je ne comprends pas comment ont pu naitre ces nostalgies; toutefois celles-ci existent et le pape a fait montre d’un grand respect et d’un grand accueil.

Mais il y a un élément  incontournable auquel la communauté fondée par Mgr Lefebvre devra se mesurer: l’acceptation pleine et convaincue du Concile Vatican II dans ses contenus doctrinaux. Le refus du concile n’est pas le refus d’un unique moment de la vie de l’Eglise : son acceptation fait partie intégrante de l’acceptation de l’Eglise catholique dans son ensemble.

Comment le dialogue œcuménique doit-il être vécu au niveau diocésain et paroissial?

L’œcuménisme est certainement entré dans l’Eglise catholique comme une dimension incontournable. Naturellement chaque communauté le vit de manière différente : il y a des églises qui doivent se confronter quotidiennement à des orthodoxes ou à des évan
géliques sur leur territoire et d’autres qui vivent moins cette réalité. Mais il y a de toute façon des principes de base que tout le monde doit suivre. A mon avis, il faudrait par exemple mettre de plus en plus en valeur la Semaine de Prière pour l’Unité des chrétiens. Il faut que la pastorale des jeunes et celle pour les adultes donnent de plus en plus d’importance à la prière pour l’unité.

Dans mon diocèse de Chieti-Vasto, comme il y a beaucoup d’orthodoxes j’ai adhéré à une demande du métropolite Dervos en confiant une église à un curé orthodoxe. Dans une communauté adventiste, le pasteur est venu m’accueillir avec des égards et un amour qui m’ont ému, m’invitant ensuite à parler à leur faculté de théologie à Florence, sur la Parole de Dieu. Sur le terrain, les expériences œcuméniques sont très sereines : cela vaut aussi pour les communautés vaudoises qui, depuis des siècles, sont au milieu de nous.

On trouve quelques communautés fondamentalistes comme les témoins de Jéhovah, avec lesquels il est impossible de dialoguer car ils ne veulent pas et fuient ce dialogue, spécialement s’ils ont devant eux des personnes avec une bonne formation chrétienne. Dans ce cas c’est la maturation de la vie chrétienne qui doit parler plus que n’importe quelle parole. Je vois par exemple que dans certaines paroisses on assiste au retour de nombreux anciens témoins de Jéhovah ou à leur conversion tout court. Quand, à l’occasion d’un cours de préparation au mariage, j’ai demandé à des ex témoins de Jéhovah pourquoi ils étaient revenus, leur réponse fut: « parce que dans l’Eglise on se sent libre ». Le Dieu chrétien n’est pas un Dieu qui nous fait peur ou qui nous impose sa volonté mais un Dieu qui nous appelle à travers des liens d’amour et cela nous remplit de joie.

Traduction d’Océane Le Gall

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Luca Marcolivio

Roma, Italia Laurea in Scienze Politiche. Diploma di Specializzazione in Giornalismo. La Provincia Pavese. Radiocor - Il Sole 24 Ore. Il Giornale di Ostia. Ostia Oggi. Ostia Città (direttore). Eur Oggi. Messa e Meditazione. Sacerdos. Destra Italiana. Corrispondenza Romana. Radici Cristiane. Agenzia Sanitaria Italiana. L'Ottimista (direttore). Santini da Collezione (Hachette). I Santini della Madonna di Lourdes (McKay). Contro Garibaldi. Quello che a scuola non vi hanno raccontato (Vallecchi).

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