En la fête de saint Antoine abbé, on bénit les animaux à Rome, Place Saint-Pierre, depuis six ans, et traditionnellement à Sant’Eusebio, sur l’Esquilin, à deux pas de Sainte-Marie Majeure.
Saint Antoine abbé, dit « le Grand », père du désert égyptien (+ vers 175), est en effet souvent représenté avec des animaux sauvages, une clochette, un cochon domestique, le livre, et sa croix d’ermite. En Italie, dans les églises dédiées au saint, on a gardé la tradition, naguère populaire dans les campagnes, de faire bénir les animaux, afin que toute la création soit rendue à son Créateur et protégée de tout mal.
Ce jeudi matin, la ferme mobile était ainsi au rendez-vous place Saint-Pierre : l’association des Eleveurs italiens (Associazione Italiana Allevatori, AIA) y tient, car c’est en fait la « Journée de l’éleveur ».
La campagne dans la ville
Les Romains et les touristes intrigués passent pour admirer de près les fleurons des élevages, certains sont venus avec leur chien qui lui non plus n’est pas très familier avec les animaux de la ferme. Et, pour la première fois les vétérinaires de l’association ont proposé des consultations gratuites pour les compagnons à quatre pattes de la ville: une main tendue très appréciée.
Plus tôt, le cardinal Angelo Comastri, vicaire du pape pour la basilique Saint-Pierre, avait présidé la messe pour les membres de l’AIA. Il y a souligné l’importance des valeurs héritées du monde agricole, comme a pu les incarner un Guiseppe Roncalli-Jean XXIII, d’une famille de vignerons, et dont l’humour, la bonhommie et le bon sens étaient particulièrement appréciés lorsqu’il était nonce à Paris.
Après le défilé, rue de la Conciliation, d’une soixantaine de cavaliers, dont des Carabiniers, des membres de la Police nationale, et de la fanfare du régiment de cavalerie de la Capitale, les « Lanciers de Montebello », il s’est rendu Place Saint-Pierre pour bénir les animaux.
La tradition de Sant’Eusebio
A Sant’Eusebio, une célébration solennelle de la fête de saint Antoine aura lieu dimanche prochain, 20 janvier, pour permettre à tout le quartier, mieux, à tout Rome, d’y participer.
La Ville de Rome a déjà averti les usagers des transports public: « Dimanche, 20 janvier, de 9 h à 13 h, en raison de la fête de saint Antoine Abbé, protecteur des animaux, sera célébrée la bénédiction des animaux. On prévoit la participation de 400 personnes environ, et 150 animaux ».
Depuis quelques années, la messe – liturgie soignée, homélie, chorale -, suivie de la bénédiction individuelle des animaux, sur le parvis est prolongée par une procession vers le square de la Place Vittorio : il faut arrêter la circulation. Et le tout se finit par un moment festif… et un concours animalier. Mais il arrive qu’un retardataire se présente : il peut alors se présenter avec son chien dans la sacristie et c’est lui, avant son chien, qui reçoit une longue bénédiction.
Ciccio et la mule de France
Dans l’église, chiens, chats, lapins, perruches, perroquets, tortues, et même le poisson rouge, assistent à la messe, et il sont bien tolérés par tous, à l’instar de Tommy, alias Ciccio, un berger allemand de 12 ans, fidèle à la messe de 17 h, à San Donaci, près de Brindisi, depuis les obsèques de sa bienfaitrice, il y a deux mois.
Chaque jour en effet, il accompagnait à la messe Maria Margherita Lochi, 57 ans, amie de tous les animaux, et il l’attendait dehors. Lors des obsèques de celle-ci, il est entré dans l’église pour la première fois. Désormais, il se rend à l’église dès que les cloches sonnent la messe de 17 h. Le curé n’a pas eu le coeur de le mettre dehors. Il a été adopté par toute la ville. Maria Margherita n’est plus, mais un de ses protégés continue d’indiquer à tous l’importance de ce rendez-vous avec Jésus dans l’Eucharistie, à sa manière, de chien.
On songe à la mule de l’autre saint Antoine – de Padoue – ou plutôt d’un propriétaire mettant en doute la présence du Christ dans l’Eucharistie. Etait-ce à Toulouse, ou à Bourges ? En France en tout cas. Affamé pendant quelques jours, il fut ensuite conduit devant l’ostensoir et un sac d’avoine. Antoine de Padoue dit à l’animal : « Au moins et par la vertu de ton Créateur, que, malgré mon indignité, je tiens réellement présent ici dans mes mains, je t’ordonne de venir sans tarder t’incliner humblement devant Lui».
Les fioretti décrivent la scène : « En même temps, on présenta l’avoine à l’animal affamé. Mais l’animal, devant la foule rassemblée pour l’occasion s’inclina devant l’Hostie, pliant les jarrets comme agenouillé ».
Le témoignage de Goethe
A Sant’Eusebio, à Rome, la fête de saint Antoine du Désert est une occasion de rendre grâce à Dieu de ces compagnons dont il a fait cadeau aux hommes pour les rendre meilleurs.
L’Eglise de Rome n’a donc pas renoncé à cette tradition antique qui est aussi dans l’esprit de saint François d’Assise, patron d’Italie, un moyen d’évangéliser. Certaines personnes ont cessé d’aller à la messe, mais ne manquent pas cette fête célébrée dès l’enfance pour rendre grâce pour le don de la Création, et finalement de redonner « à Dieu ce qui est à Dieu ».
Aux XVIIe et XIXe s. les chevaux, les ânes, les bœufs étaient de la partie. Goethe (+ 1832) et Andersen (+1875), ont laissé des témoignages de la célébration et l’on signale aussi une lithographie de 1823 du Français Antoine Jean-Baptiste Thomas (+1833), une aquarelle de 1831 due à Bartolomeo Pinelli (+1835) et une peinture de Wilhelm Mastrand (+1873), peintre danois.
Mais alors la bénédiction s’accompagnait d’offrandes des propriétaires, en nature de la part des paysans, et en pièces sonnantes et trébuchantes pour les citadins aisés.
Goethe raconte ainsi, en 1787, que les cochers apportaient des cierges, petits ou grands, les propriétaires envoyaient des aumônes et des cadeaux.