« L’austérité, en période de crise, est une erreur qui ne fait qu’aggraver la situation », reconnaissent deux économistes au Fonds Monétaire international (FMI).
Olivier Blanchard et Daniel Leigh sont les auteurs d’un rapport, paru le 3 janvier dernier sous le titre « Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers » (« Erreurs de prévisions de croissance et multiplicateurs fiscaux »), qui critique la politique des coupes budgétaires mise en œuvre dans les pays européens pour surmonter la crise économique.
« Cela fait des mois que l’on dénonce cette erreur des politiques utilitaristes fondées exclusivement sur l’austérité et la rigueur budgétaire », commente Carmine Tabarro, de la communauté Shalom
Expert en doctrine sociale de l’Église et en économie publique et de marché, il fait pour Zenit une analyse de ce rapport à la lumière de la situation de crise qui afflige aujourd’hui de des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne mais aussi l’Italie :
« L’histoire économique nous enseigne que les politiques d’austérité en période de crise sont dévastatrices et ne portent qu’à une aggravation ultérieure de la crise, comme cela est arrivé en Europe et de manière particulièrement douloureuse, ces dernières années, aussi en Italie.
Enfin, avec une incroyable honnête intellectuelle, l’erreur a été admise par Olivier Blanchard, économiste en chef au FMI. Le contenu de l’étude des deux chercheurs du FMI, très concret, fait suite à – et confirme – une étude déjà parue dans le World Economic Outlook d’octobre dernier, indiquant que l’impact des plans d’austérité et de rigueur budgétaire pratiqués, de manière violente, dans la zone euro, avait été bien plus négatif que celui qu’avaient prévu les estimations.
Quelles sont, en substance, les conclusions du rapport des deux chercheurs ? Leur étude est axée sur le rapport entre une réduction du déficit public et la croissance de l’économie. Les modèles utilisés par la troïka (BCE, UE, FMI), pour les programmes d’ajustement des pays qui utilisent l’Euro se basaient sur un multiplicateur tournant autour de 0,5 : autrement ils estimaient que chaque euro de coupe dans le déficit aurait impliqué une croissance mineure d’environ un demi point.
L’étude Blanchard-Leigh en conclut que « les multiplicateurs implicites dans les prévisions étaient sous-estimés, en moyenne, d’environ une unité ».
On comprend que passer d’un multiplicateur 0,50 à un multiplicateur 1,5 est lourd de conséquence. Cela signifie que lorsqu’on retire un euro dans un budget, la croissance subit une dépression majeure. Une erreur de prévision importante qui a des conséquences dramatiques.
Pour expliquer la bévue, Olivier Blanchard dresse la liste des divers facteurs extraordinaires de la Grande Récession : des taux d’intérêt déjà proches du zéro, et donc impossibilité d’équilibrer l’action fiscale avec la politique monétaire; un système financier inefficace, qui a fait que les biens consommés dépendaient beaucoup plus du revenu actuel que du revenu futur; la présence de larges ressources inutilisées; et la synchronisation continentale des politiques d’ajustement. Tous des facteurs propres à la crise de l’Euro qui ont annulé les estimations faites par les multiplicateurs en vigueur.
L’admission de cette erreur donnerait donc raison à tous ceux qui, y compris chez nous, sont contre les politiques d’ajustement ? Certainement pas.
Le problème de l’ajustement des comptes publics reste essentiel pour la quasi totalité des économies avancées. Ce qu’il faut trouver c’est un rythme d’assainissement approprié et durable.
En d’autres mots, il faut un nouvel assainissement des comptes publics qui marche à l’allure d’un marathon et non d’une compétition sur un cent mètres. De cette prise de conscience, le FMI s’en est fait le porte-parole au sein même de la troïka, à condition qu’il y ait des programmes de rentrée crédible à moyen terme.
Que signifie tout cela pour l’Italie? On se rappelle que le FMI avait déjà jugé que le rythme de correction prévu pour 2012-2013 était « approprié », s’appuyant sur des objectifs structurels (corrigés par le cycle), qui tiennent compte de l’avancée réelle de l’économie.
Mais il a largement critiqué la composition de ce nouvel assainissement, invoquant de plus grandes coupes dans les dépenses pour permettre entre autre une réduction de l’impôt sur le travail – qui est la vraie anomalie italienne. Sur l’IMU (taxe foncière), le FMI a demandé ce que son montant soit calculé sur la base des biens possédés. Il a aussi rappelé plusieurs fois à une meilleure utilisation du patrimoine public.
Voilà les vrais problèmes qui devront être affrontés par le prochain gouvernement », conclut Carmine Tabarro.
Traduction d’Océane Le Gall