Les sens de Dieu des sociétés libres en Occident

Analyse du grand rabbin Jonathan Sacks

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L’idée que la société peut se passer de la religion « va à l’encontre de l’histoire et, aujourd’hui, de la biologie de l’évolution », explique le grand rabbin Sacks.

Le moment le plus religieux

Lord Jonathan Sacks, grand rabbin des communautés juives unies du Commonwealth, a publié une tribune intitulée « L’Animal moral », le 24 décembre 2012 dans l' »International Herald Tribune ». Le grand rabbin Sacks a été reçu par Benoît XVI il y a un an, au Vatican (cf. Zenit du 12 décembre 2012).

Le mois de décembre, fait-il remarquer – en citant « le ciel nocturne éclairé par des symboles religieux, des décorations de Noël, et des menorahs géantes » -, est « le moment le plus religieux de l’année ».

C’est le moment, ajoute-t-il, où « la religion en l’Occident semble bel et bien vivante ». Mais est-ce vraiment cela ? », s’interroge le grand rabbin, se demandant si « ces symboles n’ont pas été vidés de leur contenu, comme une toile de fond scintillant dans la nouvelle foi de l’Occident », à savoir « le consumérisme, et ses cathédrales laïques, les centres commerciaux ».

À première vue, souligne-t-il en effet, « la religion est en déclin ». En Grande-Bretagne par exemple « un quart de la population affirme n’avoir aucune religion, presque le double du chiffre d’il y a 10 ans ».

Cependant, poursuit-il, on peut aussi regarder les chiffres d’une manière différente: en Grande-Bretagne trois personnes sur quatre appartiennent à une religion, ce qui est pour le moins « surprenant » à l’ère de la science, alors que « depuis le XVIIIème siècle, de nombreux intellectuels occidentaux ont prédit la fin imminente de la religion ».

La survie des religions

Le grand rabbin met au jour un paradoxe : « La plupart des nouveaux athées sont des disciples de Charles Darwin », pour qui « nous sommes ce que nous sommes, car il nous a été permis de survivre et de transmettre nos gènes à la génération suivante ». Or, fait-il observer, « la religion est le plus grand survivant de tous » : « Les Superpouvoirs ont tendance à durer un siècle, les grandes religions durent des millénaires ».

Pourquoi ? Le grand rabbin tire sa réponse de Darwin, qui « était surpris par un phénomène qui semblait contredire sa thèse la plus simple, que la sélection naturelle favorisait l’impitoyable ».

Selon cette thèse, « les altruistes, qui risquent leur vie pour les autres, devraient donc mourir généralement avant de transmettre leurs gènes à la génération suivante. Pourtant, l’altruisme est valorisé dans toutes les sociétés ». Cette empathie s’explique d’ailleurs par les « neurones miroirs » de l’homme qui l’amènent à « ressentir de la douleur quand il voit d’autres souffrances ».

Le grand rabbin résume la réponse de Darwin à ce paradoxe : « nous transmettons nos gènes en tant qu’individus, mais nous survivons en tant que membres de groupes, et les groupes ne peuvent exister que lorsque les individus agissent non seulement pour leur propre avantage, mais pour le bien de l’ensemble du groupe ».

Résultat : l’homme a « deux modes de réaction dans le cerveau, l’une mettant l’accent sur un danger potentiel pour lui en tant qu’individu, l’autre, situé dans le cortex préfrontal, prenant en compte les conséquences de nos actions pour lui et les autres ».

« La première réaction est immédiate, instinctive et émotionnelle, précise le grand rabbin, tandis que la seconde est réfléchie et rationnelle » : « la réaction rapide nous aide à survivre, mais elle peut aussi nous conduire à des actes qui sont impulsifs et destructeurs. La réaction lente nous conduit à un comportement plus réfléchi, mais elle est souvent écartée dans le feu de l’action ».

Des habitudes d’altruisme

Dans ce contexte, le grand rabbin estime que la religion « renforce et accélère la voie lente », elle « reconfigure nos circuits neuronaux, transformant l’altruisme en instinct, à travers les rituels que nous effectuons, les textes que nous lisons et les prières que nous prions. Elle reste le pilier de la communauté la plus puissante que le monde ait connu ». Elle « lie les individus dans des groupes à travers des habitudes d’altruisme, créant des relations de confiance assez fortes pour vaincre les émotions destructrices ».

Par conséquent, pour le grand rabbin, « la religion nous a aidés à survivre dans le passé » et « nous en aurons besoin à l’avenir ». Elle est « le meilleur antidote à l’individualisme de l’époque consumériste ».

« L’idée que la société peut faire sans elle va à l’encontre de l’histoire et, aujourd’hui, de la biologie de l’évolution », conclut-il. Il voit dans cette assertion « l’humour de Dieu » mais aussi l’impératif « que les sociétés libres de l’Occident ne doivent jamais perdre leur sens de Dieu ».

En venant au Vatican, en décembre 2011, Lord Sacks disait venir en réponse à ce que le pape avait dit lors de son voyage au Royaume-Uni : « La relation avec le peuple juif m’est précieuse et je veux l’approfondir ».

Le grand rabbin a ajouté que le voyage du pape lui avait permis de rencontrer « un homme de Dieu qui dit la parole de Dieu ».

Yaakov Zvi alias Jonathan Henry, baron Sacks, est né à Londres en 1948. Il est rabbin des communautés juives unies du Commonwealth: il est ainsi à la tête de la plus grande assemblée synagogale du Royaume-Uni.

Il disait, lors d’une conférence à l’Université pontificale grégorienne: « Sans minimiser les tragédies historiques et les divisions religieuses du passé, il est possible de proposer une éthique judéo-chrétienne. Les deux religions ne doivent pas sous-estimer leur influence. »

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ZENIT Staff

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