Tribune de Benoît XVI dans le « Financial Times »

Les chrétiens invités à ne pas fuir le monde mais s’y engager

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ROME, jeudi 20 décembre 2012 (Zenit.org) – A la demande du « Financial Times », Benoît XVI a accepté de rédiger une tribune, publiée ce 20 décembre 2012, à l’approche de la fête de Noël.

Une démarche qui s’inscrit dans la volonté de Benoît XVI de communiquer la Bonne nouvelle auprès du plus grand nombre de personnes possibles, comme il l’a montré dernièrement en ouvrant un compte sur le réseau social « twitter ».

Malgré le « caractère inhabituel » de la demande du « Financial Times », le pape a « accepté volontiers », précise un communiqué du Saint-Siège, rappelant « la disponibilité du pape » pour ce type de demandes, comme l’entretien accordé à la BBC, à Noël 2010, ou l’entretien télévisé pour l’émission « A sua imagine « , produite par la chaine nationale italienne RAI, à l’occasion du Vendredi saint 2011.

Ces interventions sont donc « l’occasion de parler de Jésus-Christ » et de « porter son message à un large public » lors des « moments marquants de l’année liturgique chrétienne », peut-on lire dans la note.

Dans cette tribune du « Financial Times », Benoît XVI appelle les chrétiens à « ne pas fuir le monde » mais à « s’y engager », notamment dans la « politique et l’économie ». Leur engagement se distingue cependant, souligne-t-il, car il est « libre des contraintes de l’idéologie » et inspiré par « une vision si noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent pas accepter de se compromettre avec tout ce qui la menace ».

Tribune de Benoît XVI dans le « Financial Times »

Un temps pour que les chrétiens s’engagent dans le monde

 « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », fut la réponse de Jésus quand on le questionna sur les impôts. Ses interlocuteurs, bien sûr, lui tendaient un piège. Ils voulaient le forcer à prendre parti dans le débat politique très tendu sur la domination romaine en terre d’Israël. Mais l’enjeu allait encore au-delà : si Jésus était vraiment le Messie attendu depuis longtemps, alors il s’opposerait certainement à la suprématie romaine. Ainsi, la question était calculée pour l’exposer soit comme une menace pour le régime, soit comme un imposteur.

La réponse de Jésus déplace habilement la discussion sur ​​un plan supérieur, mettant en garde avec douceur à la fois contre la politisation de la religion et la déification du pouvoir temporel, mais aussi contre la poursuite incessante de la richesse. Son auditoire avait besoin de se faire rappeler que le Messie n’était pas César, et que César n’était pas Dieu. Le royaume que Jésus était venu établir était d’un ordre tout à fait supérieur. Comme il le dit à Ponce Pilate: « Mon royaume n’est pas de ce monde ».

Les récits de Noël dans le Nouveau Testament sont destinés à transmettre un message similaire. Jésus est né au cours d’un « recensement de toute la terre » ordonné par César Auguste, l’empereur connu pour avoir établi la Pax Romana sur toutes les terres sous la domination romaine. Pourtant, cet enfant, né dans un coin obscur et lointain de l’Empire, allait offrir au monde une paix beaucoup plus grande, d’une portée vraiment universelle et transcendant toutes les limites de l’espace et du temps.

Jésus nous est présenté comme l’héritier du roi David, mais la libération qu’il a apportée à son peuple ne concernait pas la façon de tenir des armées hostiles à distance ; il s’agissait de vaincre le péché et la mort pour toujours.

La naissance du Christ nous pousse à revoir nos priorités, nos valeurs, notre mode de vie. Alors que Noël est sans aucun doute un moment de grande joie, c’est aussi une occasion de réflexion profonde, et même d’examen de conscience. A la fin d’une année qui s’est traduite par des difficultés économiques pour beaucoup, que pouvons-nous apprendre de l’humilité, de la pauvreté, de la simplicité de la crèche ?

Noël peut être le moment où l’on apprend à lire l’Evangile, pour parvenir à connaître Jésus non seulement comme l’enfant dans la crèche, mais comme celui en qui nous reconnaissons Dieu fait Homme.

C’est dans l’Evangile que les chrétiens trouvent l’inspiration pour leur vie quotidienne et pour leur implication dans les affaires du monde – que ce soit dans les Chambres du Parlement ou en Bourse. Les chrétiens ne devraient pas fuir le monde, ils devraient s’y engager. Mais leur implication dans la politique et l’économie devrait transcender toute forme d’idéologie.

Les chrétiens luttent contre la pauvreté parce qu’ils reconnaissent la dignité suprême de tout être humain, créé à l’image de Dieu et destiné à la vie éternelle. Les chrétiens travaillent pour un partage plus équitable des ressources de la terre parce qu’ils croient que, en tant qu’intendants de la création de Dieu, nous avons le devoir de prendre soin des plus faibles et des plus vulnérables. Les chrétiens s’opposent à la cupidité et à l’exploitation parce qu’ils sont convaincus que la générosité et l’amour désintéressé, enseignés et vécus par Jésus de Nazareth, sont le chemin qui mène à la plénitude de la vie. La foi chrétienne en la destinée transcendante de chaque être humain implique l’urgence du devoir de promouvoir la paix et la justice pour tous.

Puisque ces objectifs sont partagés par beaucoup, une coopération beaucoup plus fructueuse est possible entre les chrétiens et les autres. Cependant, les chrétiens rendent à César seulement ce qui appartient à César, non pas ce qui appartient à Dieu. Les chrétiens, à travers l’histoire, n’ont parfois pas pu consentir aux exigences formulées par César. Du culte à l’empereur de la Rome antique aux régimes totalitaires du siècle dernier, César a essayé de prendre la place de Dieu. Quand les chrétiens refusent de se prosterner devant les idoles proposées aujourd’hui, ce n’est pas à cause d’une vision du monde archaïque. Au contraire, c’est parce qu’ils sont libres des contraintes de l’idéologie et inspirés par une vision si noble de la destinée humaine qu’ils ne peuvent pas accepter de se compromettre avec tout ce qui la menace.

En Italie, de nombreuses crèches sont construites sur un arrière-plan de ruines d’édifices romains antiques. Cela montre que la naissance de l’enfant Jésus marque la fin de l’ordre ancien, le monde païen, dans lequel les demandes de César étaient pratiquement incontestables. Il y a maintenant un nouveau roi, qui ne compte pas sur la force des armes, mais sur la puissance de l’amour. Il apporte l’espérance à tous ceux qui, comme lui, vivent en marge de la société. Il apporte l’espérance à tous ceux qui sont vulnérables face aux aléas d’un monde précaire. De la crèche, le Christ nous appelle à vivre en citoyens de son royaume céleste, un royaume que toutes les personnes de bonne volonté peuvent aider à construire ici, sur la terre.

Traduction de Zenit, Anne Kurian

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ZENIT Staff

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