Anita Bourdin
ROME, mercredi 25 juillet 2012 (ZENIT.org) – Mgr Müller évoque un livre dans lequel « la profession de foi de l’Eglise est exposée de façon convaincante ».
Dans un entretien publié en italien dans L’Osservatore Romano du 26 juillet 2012, Mgr Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, invite à « faire resplendir » ce qui a été confié à l’Eglise, en « dépassant les affrontements idéologiques » .
“La foi est caractérisée, souligne l’archevêque allemand, par une ouverture maximum. C’est une relation personnelle avec Dieu, qui porte en elle tous les trésors de la sagesse. C’est pourquoi notre raison finie est toujours en mouvement vers le Dieu infini”.
“Nous pouvons toujours apprendre quelque chose de nouveau et comprendre la richesse de la Révélation avec une profondeur toujours plus grande. Nous ne pourrons jamais l’épuiser », déclare le nouveau préfet de la Doctrine de la foi.
Dans cet entretien avec Giovanni Maria Vian, directeur, et Astrid Haas, il évoque aussi bien son arrivée dans le dicastère romain, sa vocation sacerdotale, l’époque où il enseignait la théologie et ses séjours, en tant qu’évêque, en Amérique latine. Il confie avoir appris à connaître et apprécier Joseph Ratzinger par son “Introduction au christianisme”, un best-seller dès 1968!
Complexité de la curie
“Pendant cinq ans, en tant que membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi, j’ai pu participer aux réunions des cardinaux et des évêques, en admirant leur façon de travailler consciencieuse et collégiale. Les tâches de ce dicastère ne me sont donc pas inconnus. Pendant de nombreuses années, j’ai fait partie aussi de la Commission théologique internationale et j’ai pu collaborer aussi avec d’autres dicastères. Mais dans l’ensemble, beaucoup de choses sont neuves et insolites. Il me faudra un peu de temps avant de réussir à m’orienter dans la structure complexe de la curie”, avoue Mgr Müller.
Ce qui est surtout nouveau, c’est justement son rôle de “préfet”: “En tant que membre, j’ai approfondi les documents préparés par la Congrégation et j’ai participé aux consultations. Maintenant, en revanche, il faut effectuer un travail quotidien, le diriger, avec qui travaille dans le dicastère, préparer et prendre correctement les décisions. J’ai été reconnaissant au Saint-Père de m’avoir confié cette tâche”.
Il confie aussi que “les problèmes en perspective sont très grands” dans l’Eglise universelle, étant donné les “défis qu’il faut affronter et face à un certain abattement qui se répand dans certains milieux” et qu’il faut “dépasser”. Il évoque l’existence de “groupes – de droite ou de gauche, comme on a l’habitude de dire” qui “occupent beaucoup de notre temps et de notre attention”, d’où “le danger de perdre un peu de vue notre tâche principale qui est d’annoncer l’Evangile et d’exposer de façon concrète la doctrine de l’Eglise”.
Une relation personnelle avec Dieu
“Nous sommes convaincus, ajoute l’archevêque, qu’il n’y a pas d’alternative à la révélation de Dieu en Jésus-Christ. La Révélation répond aux grandes questions des hommes de tout temps: quel est le sens de ma vie? Comment affronter la souffrance? Ya-t-il une espérance qui aille au-delà de la mort, étant donné que la vie est brève et difficile? Nous sommes fondamentalement convaincus que la vision sécularisée et immanente ne suffit pas. Nous ne pouvons pas trouver par nous mêmes une réponse convaincante. C’est pourquoi la révélation est un soulagement, puisque nous ne devons pas chercher à tout prix des réponses”.
Il reconnaît les “capacités” qui rendent l’être humain “capax infiniti”, capable de l’infini: “Dans le Christ, le Dieu infini s’est manifesté à nous. Le Christ est la réponse à nos questions les plus profondes. C’est pour cela que nous voulons affronter l’avenir avec joie et avec force”.
Pour ce qui est de la genèse de sa vocation, l’archevêque évoque tout d’abord sa famille: son père, ouvrier chez Opel, à Rüsselsheim, tandis qu’ils habitaient à Mayence-Finthen, une localité de fondation romaine, comme Mayence, ce qui était un objet de fierté, surtout pour des catholiques. Sa mère était “au foyer”. Il a grandi “dans la foi catholique et dans sa pratique, dans le juste équilibre entre liberté et contraintes, avec des principes clairs”: “Aujourd’hui encore, dit-il, je suis tout fait d’accord avec mes parents”.
Puis est venu l’âge des études, en théologie, de façon à “s’approprier une dimension plus profonde de la foi”: “Pour mon choix de devenir prêtre, confie Mgr Müller, il a été important de continuer à rencontrer des prêtres qui alliaient une vie spirituelle exemplaire avec une exigence intellectuelle. De ce point de vue, il n’y a jamais eu pour moi de contradiction entre le fait d’être prêtre et l’étude. J’ai toujours été convaincu que la foi catholique correspond aux exigences intellectuelles les plus élevées et que nous ne devons pas nous cacher. L’Eglise peut se vanter de beaucoup de grandes figures dans l’histoire de la culture. C’est pourquoi nous pouvons répondre en toute sécurité aux grands défis des sciences naturelles, de l’histoire, de la sociologie et de la politique ».
Des prêtres authentiques
Et voici comment il définit la foi : « La foi est caractérisée par la plus grande ouverture. C’est une relation personnelle avec Dieu, qui porte en elle tous les trésors de la sagesse. C’est ainsi que notre raison finie est toujours en mouvement, vers le Dieu infini. Nous pouvons toujours apprendre quelque chose de nouveau et comprendre avec une profondeur toujours plus grande la richesse de la Révélation. Nous ne l’épuiserons jamais. »
A ses séminaristes, l’ancien évêque de Ratisbonne disait que « l’identité de la vocation au sacerdoce a besoin de la rencontre avec des prêtres authentiques » : « La foi commence par les rencontres personnelles, à partir des parents, des prêtres, des amis, en paroisse, dans le diocèse, dans cette grande famille qu’est l’Eglise universelle. Elle ne doit jamais avoir peur de la confrontation intellectuelle : nous n’avons pas une foi aveugle, la foi ne peut jamais être réduite de façon rationaliste. Je souhaite à tous d’avoir une expérience semblable à la mienne : celle de s’identifier de façon simple et sans problèmes avec la foi catholique et de la pratiquer. C’est très beau ! »
C’est à Mgr Müller que le pape Benoît XVI a confié l’édition de ses oeuvres complètes, ses «Gesammelte Schriften», et il lui a laissé son appartement romain, où il a vécu jusqu’en 2005 et où il a laissé de nombreux livres. Mais comment se sont-ils connus?
« Introduction au christianisme »
C’est alors qu’il était étudiant que Mgr Müller a lu l’“Introduction au christianisme” de Joseph Ratzinger, publié en 1968, et il l’a “pratiquement absorbé comme une éponge”, alors qu’une “incertitude” avait pénétré aussi les séminaires: “Dans ce livre, la profession de foi de l’Eglise est exposée de façon convaincante, analysée avec l’aide de la raison, et expliquée brillamment. Il s’agit d’un thème important qui caractérise toute l’oeuvre théologique de Joseph Ratzinger: fides et ratio”.
Mais les deux théologiens se sont aussi rencontrés: “Et puis j’ai connu et appris à apprécier Ratzinger aussi en personne. Dans son engagement comme professeur et comme évêque, il a été pour moi un soutien et un point de référence claire. Je le définirais comme un ami paterne
l, étant donné qu’il est plus âgé que moi d’une génération. Et je considère que le motif de ma venue à Rome n’est certainement pas de peser sur lui avec mes questions: mon rôle est de le soulager d’une partie de son travail et non pas de lui présenter les problèmes qui peuvent être résolus déjà à notre niveau. Le Saint-Père a la mission importante d’annoncer l’Evangile, et de confirmer ses frères et soeurs dans la foi. C’est à nous de traiter toutes les questions les moins plaisantes afin qu’il ne soit pas écrasé de trop de choses, naturellement tout en le tenant informé des faits essentiels”.
(à suivre)