Traduction d’Océane Le Gall
<p>ROME, lundi 23 juillet 2012 (ZENIT.org) – D’après un récent sondage, au Nigeria, 70% de la population estime que le dialogue interreligieux est la seule voie possible pour sortir de cette situation et rejette la violence des fanatiques.
Mais il faut aussi, selon les personnes interrogées, que la police soit bien entrainée et que les secteurs politiques islamiques non fanatiques soient soutenus dan la mesure du possible, sans exclure la possibilité d’intervenir dans les zones franches utilisées comme les iles Tortue pour les pirates.
Au Nigeria, le dimanche, les chrétiens qui se rendent à l’église ne savent pas s’ils reviendront chez eux. Depuis le début de cette année, le fondamentalisme islamique a tué plus de 800 personnes, dont 150 chrétiens.
Le professeur italien Massimo Introvigne, sociologue et historien, l’explique aux ecteurs de Zenit dans un entretien accordé à l’issue des débats sur les massacres des chrétiens au Nigeria, organisés jeudi dernier, 18 juillet, par l’Observatoire de la liberté religieuse du ministère italien des Affaires étrangères et la Ville de Rome.
Zenit – A cette rencontre il a été question de la persécution des chrétiens au Nigéria, en présence d’un grand nombre de personnalités…
M. Introvigne – Cet évènement a pris une grande ampleur, comme vous l’avez vu, et souligne l’importance que l’Italie attache au dossier du Nigéria, qu’elle ne se limite pas à parler : l’époque des faits a commencé.
Quelle est la fonction de l’Observatoire de la liberté religieuse?
L’Observatoire de la liberté religieuse du Ministère des affaires étrangères a pour fonction de coordonner les initiatives qui sont prises à divers niveaux. En premier lieu, celle d’insister pour que les organisations se mobilisent. Ici entre en jeu l’insistance très méthodique de la diplomatie italienne pour insérer la question des chrétiens dans toutes les initiatives pour la paix et le développement, des Nations unies à l’Union européenne.
Mais les temps des organisations sont toujours longs…
En effet, comme second point, figure la collaboration bilatérale, car l’Italie brille d’excellence en matière de sécurité et de surveillance d’objectifs sensibles. Hélas, désormais au Nigeria, parmi ces objectifs, il y a aussi les églises chrétiennes, donc sont en cours des programmes de formation pour fonctionnaires administratifs, pour forces de l’ordre, police et gardes de frontières au Nigeria.
Donc dialogue et sécurité. Et puis ?
Le troisième facteur est donner le plus d’appui possible à la politique. Je m’explique: bienq ue le dialogue interreligieux soit une tache qui revienne avant tout aux institutions religieuses – et sur ce point l’Elise catholique nous donne des exemples de courage – le dialogue qui est la vraie solution aux problèmes, doit inclure aussi des acteurs qui fassent référence à l’islam politique, excluant néanmoins ceux qui pratiquent la violence ou le terrorisme, qui comme un dirigeant de Boko Haram au Nigeria, déclarent que les chrétiens n’ont que trois alternatives : mourir, se convertir à l’islam ou émigrer. Ces derniers doivent être exclus mais certaines des forces de l’islam peuvent être inclues dans le dialogue.
Voyez-vous un autre point important ?
Oui un quatrième facteur est la régionalisation du conflit qui n’est pas seulement local mais continentale, marquée par la présence importante de foyers terroristes dans des lieux qui échappent au contrôle de l’Etat. Comme la moitié de la Somalie et le Nord du Mali. Ces derniers jours, sont apparues des preuves de la présence du Boko Haram nigérian dans la région de Gao, au Mali et dans des zones contrôlées pur le plus par Al-Qaeda, où l’on va se refournir en carburant et en armes.
Dans ce cas le dialogue et la police ne peuvent faire grand chose.
Et ici il y a des nœuds à défaire avec toutes les options possibles, une option militaire aussi qui ne peut être exclue mais qui demande beaucoup de précautions. Pour le moment le Conseil de scurité des Nations Unies continue à ne pas l’autoriser tant que la nature des initiatives militaires proposées par la Communauté économique de l’Afrique de l’est ne sera pas claire. Il y a des pays qui voient les choses autrement comme le Burkina Faso qui voudrait étendre le dialogue également à une des formations fondamentalistes islamiques, alors que le Niger, lui, refuse absolument ce dialogue. Donc, tant que tout cela ne sera pas clair, on ne s’aventurera pas dans une action militaire.
Une option militaire que, dans certains cas, on n’exclurait pas?
Mais il est indubitable que l’option militaire pour le Mali ne peut être exclue, car nous avons affaire à un territoire qui fonctionne un peu comme les iles Tortue pour les pirates. Ceux qui veulent, vont là-bas, ouvrent un bureau pour les armes et l’endoctrinement. Et pour le Nigeria, la situation du Mali est décisive. Ce n’est pas par hasard si le Nigéria est un des pays à avoir déjà dit, en cas d’intervention militaire, qu’il mettrait à disposition des troupes.
Comment éviter l’agression contre les chrétiens?
Le dialogue est une des deux jambes sur laquelle marche la lutte contre la persécution des chrétiens. Mais elle est la jambe la plus clairvoyante et décisive, vu que chaque dimanche les chrétiens continuent à mourir, il se pose aussi un problème de police. Le dialogue est important pour rechercher un climat de collaboration et de confiance, de rencontre et non d’affrontement. Mais les fruits de ce dialogue nous les ramasseront dans quelques années. En attendant vu que chaque dimanche au Nigéria celui qui va à la messe ne sait pas s’il en reviendra il ne fait aucun doute qu’il faille donner aussi une réponse au plan sécuritaire et du contrôle policier.
L’Italie apporte-t-elle son concours pour former la police?
Oui, comme initiative bilatérale, car l’Italie estime que l’on ne doit pas passer au-dessus de la tête du gouvernement nigérian, qui est un gouvernement démocratique, un gouvernement ami, où le président, entre autre, est un chrétien. Ce n’est certainement pas le gouvernement qui fomente ces violences, ni en est victime. Toutefois le problème de la sécurité a aussi ses centrales en dehors du Nigéria.
Au Nigeria existe-t-il une majorité silencieuse qui ne veut pas de cette violence?
Oui, et elle voudrait le dialogue interreligieux . Un récent sondage révèle qu’au Nigeria 70% des citoyens proposent le dialogue interreligieux comme voie d’issue. Même si cela n’est pas dit dans l’actualité, que personne n’en parle.